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(Par omc.marseille) Voici la synthèse des 6 arguments avancés par 6 ONG britanniques (Oxfam, Actionaid, Christian Aid, WDM, Save the children, Cafod.) face à ceux qui se déclarent à l'Organisation mondiale du commerce (OMC) en faveur d'un Accord Multilatéral sur les Investissements. Elles mettent en particulier l'accent sur le fait qu'un tel accord irait à l'encontre des intérêts des Pays en voie de développement (PED), malgré la tentative de l'Union européenne (UE) de le présenter en "Investissements pour le Développement"


Contre un nouvel AMI à l'OMC

Le 27/06/2003
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oici la synthèse des 6 arguments avancés par 6 ONG britanniques(Oxfam, Actionaid, Christian Aid, WDM, Save the children, Cafod.) face à ceux qui se déclarent à l'Organisation mondiale du commerce (OMC) en faveur d'un Accord Multilatéral sur les Investissements. Elles mettent en particulier l'accent sur le fait qu'un tel accord irait à l'encontre des intérêts des Pays en voie de développement (PED), malgré la tentative de l'Union européenne (UE) de le présenter en "Investissements pour le Développement".

1/ Un AMI n'augmentera pas la masse des Investissements direct à l'étranger (IDE) vers les pays les plus pauvres:

Selon les partisans de l'AMI, la sécurité accrue et la meilleure prévision des besoins en investissements se traduiront par une plus grande masse d'IDE en faveur des PED.

La BM a pourtant conclu: "Un accord international qui cherche à augmenter de façon substantielle les flux d'investissements en protégeant davantage les investisseurs semble destiné à ne pas répondre aux attentes. Il y a déjà des secteurs clés couverts par des accords bilatéraux qui protégent plutôt bien les investisseurs. Il n'est pas certain qu'un accord multilatéral améliorerait leur protection par rapport à celle qui existe dans les accords bilatéraux. Le seul fait d'apporter de nouvelles protections ne semble pas être synonyme d'un accroissement des flux d'investissements. En conséquence, l'apport complémentaire de règles multilatérales qui s'appliqueraient à de nouveaux investissements serait vraisemblablement de faible portée et à peu près nul pour les PED à bas revenus" (BM 2003: 133).

On en trouve une preuve dans les investissements qui prennent leurs sources dans l'AGCS. Les IDE dans les services représentent la moitié du total mondial d'IDE. Les PED ont reçu l'assurance qu'en prenant des engagements dans le cadre de l'AGCS, le niveau des IDE qu'ils recevraient à l'avenir augmenterait. Pourtant la CNUCED a conclu ainsi son évaluation de l'impact des engagements AGCS sur les IDE "Il n'y a aucune preuve objective pour relier une augmentation significative des flux d'IDE vers les PED à la conclusion de l'AGCS" (Cnuced 2000a:172).

Ses conclusions sont identiques concernant les Traités Bilatéraux sur les Investissements, bien que ceux-ci soient plus ambitieux que les accords multilatéraux. La BM reconnaît, à l'issue d'une étude sur les flux d'IDE en provenance des pays de l'OCDE vers 31 PED portant sur 20 ans: "Les pays qui ont conclu un accord bilatéral n'avaient pas plus de chance de recevoir de nouveaux investissements de l'étranger que ceux qui n'en avaient pas conclu" (BM 2003:129).

Le cadre légal et réglementaire du pays ne constitue pas un obstacle majeur à la décision d'investir. Dans 30 pays d'Afrique il représente moins de 5% des décisions négatives. (Cnuced 1999:51). Une autre étude confirme que si les investisseurs en Afrique considèrent qu'un programme de réforme sous l'égide de la BM ou du FMI est signe de stabilité "ils ne le placent pas parmi les facteurs importants dans leurs décisions d'investir".

2/ La non discrimination n'est pas synonyme d'une stratégie de développement réussie:

Pendant les premières étapes de leur développement, les nations ont favorisé leurs investisseurs locaux, qu'il s'agisse de la Grande-Bretagne ou plus récemment de la Finlande, de la Chine ou de la Malaisie. Les instruments qu'elles ont utilisés limitaient la propriété des moyens de production, exigeaient le recrutement local de main-d'ouvre ou des résultats performants dans le domaine des exportations et insistaient sur les "joint-ventures" à monter avec les entreprises locales. Ce n'est qu'au fur et à mesure de leur développement que des pays comme Taïwan ou la Corée du Sud, en atteignant un certain niveau de sophistication et de compétitivité, se sont orientés vers un plus grand degré de non discrimination et de libéralisation. Celle-ci peut donc être considérée davantage comme le résultat et non la cause du développement. "La seule relation automatique qu'on puisse établir est que les pays démantèlent leurs protections en devenant plus riches" (Rodrik 2001).

Même les spécialistes les plus orthodoxes de la BM ont eu du mal à trouver un seul pays qui se soit développé sur la base du traitement national.. L'économiste Ha-Joon Chang[2] a résumé cette évidence dans "l'OMC et les Investissements Etrangers: Ne faites pas ce que je fais mais faites ce que je dis".

Ceux qui sont en faveur d'un AMI à l'OMC prétendent qu'on peut garantir aux PED la protection de leur politique nationale pour le développement en rendant l'accord très souple pour eux. Selon Fabien Lecroz, négociateur de l'UE: "Vous pourriez être membre de l'OMC, signataire de l'AMI et maintenir votre marché totalement fermé aux IDE et au traitement national". Cependant la non discrimination est une principe inscrit au cour de l'OMC. Il sera inévitable qu'au cours des rounds successifs, on force les PED à appliquer le traitement national aux IDE de façon prématurée pour leur développement. Les PED ont déjà une expérience de la supposée souplesse de l'OMC dans le cadre de l'AGCS.

3/ La souplesse du type AGCS est un mythe:

L'UE fait référence à une "approche du type AGCS" dans ses propositions pour parvenir à un nouvel AMI. Pourtant l'AGCS n'est pas un modèle de souplesse:

Ses règles (sur la discrimination de facto, règlements intérieurs, subventions.) sont floues; elles encouragent une approche prudente de la part de ceux qui édictent les règlements de peur d'être en contradiction avec les règles de l'OMC et rendent difficiles de proposer une liste d'exemptions.

Il exige des gouvernements de connaître à l'avance toutes les règles, éventuellement incompatibles avec l'AGCS, qu'ils pourraient désirer utiliser à l'avenir pour obtenir des exemptions au moment de s'engager.

Il crée un effet de "cliquet" qui rend quasiment impossible la modification ultérieure des engagements. (Changement de politique économique, retour en arrière sur les libéralisations, nouveaux règlements intérieurs ou exemptions supplémentaires).

Il est sans fin. (Cycles successifs de négociations pour parvenir à chaque étape à plus de libéralisation). Les exemptions présentées dans un cycle sont vouées à être abolies au suivant.

Les négociations bilatérales et les engagements multilatéraux qu'il implique, offrent la possibilité d'exercer des pressions politiques et économiques sur les PED.

En fait, tout ce que l'AGCS garantit au cours du temps c'est la réduction constante de la flexibilité. "L'expérience a montré que de grandes pressions seraient exercées sur les PED afin d'offrir aux pays développés des accès au marché de plus en plus importants au cours d'étapes successives". (Mission permanente de l'Inde à l'OMC, Genève 2003).

4/ Un AMI à l'OMC ne serait pas un accord équilibré:

Les propositions d'un AMI à l'OMC envisagent un nouveau corps de règlements et d'obligations de la part des pays d'accueil, mis en pratique selon les mécanismes de l'OMC. Mais on ne trouve en regard aucune mention des investisseurs ni de leurs gouvernements, ce qui menace les tentatives pour que les investisseurs étrangers rendent compte de leurs actions. L'OMC en effet est un espace de négociations pour les gouvernements nationaux et n'a pas juridiction sur les investisseurs. Une fois de plus, après l'intrusion inadaptée des principes de libre échange par l'AGCS dans le cadre national, l'OMC se révèle un endroit inapproprié pour traiter des investissements, qui exigent une panoplie d'instruments et d'expertise différente de celle du commerce telle que définie par l'OMC.

Le contraste est saisissant entre la nature contraignante des engagements de libéralisation des pays d'accueil et les pratiques volontaires des transnationales. Les gouvernements des pays développés ont activement résisté aux tentatives de rendre obligatoires aux transnationales les codes des Nations-Unies par des traités internationaux.

Le déséquilibre a été souligné à plusieurs reprises par les délégations des PED à l'OMC, en particulier par la déclaration conjointe de 6 délégations, dont la Chine et l'Inde en novembre 2002. Plutôt que de poursuivre sur la voie d'un AMI à l'OMC, il serait préférable qu'un corps de règles multilatérales sur les investissements serve à créer un cadre de règles contraignantes régissant les activités des transnationales.

5/ Un AMI ne signifierait pas la fin des traités bilatéraux sur les investissements:

Ceux qui sont en faveur d'un AMI à l'OMC déclarent qu'il permettra aux PED de se libérer d'une foule de traités bilatéraux qui n'offrent pas pour eux les mêmes avantages en raison des pouvoirs de négociations déséquilibrés qu'ils mettent en jeu.

Cet argument est pourtant démenti par les faits. Le multilatéralisme devint plus puissant dans les années 90 et pourtant l'UE et les USA continuèrent à négocier de nouveaux accords économiques bilatéraux et régionaux. Un grand nombre de points qui font l'objet des traités bilatéraux demeureraient hors du champ d'un AMI négocié à l'OMC. La BM reconnaît: "La Déclaration Ministérielle de Doha, dans le cas de l'OMC, reflète une approche nettement plus limitée, ne considérant pas le cadre multilatéral comme substitut d'accords bilatéraux et régionaux" (BM 2003: 127).

L'Adpics démontre clairement par ailleurs qu'un accord à l'OMC représente un "plancher" et non un plafond en matière d'obligations pesant sur les PED. Le Maroc, Singapour, le Chili et toute l'Amérique Latine se trouvent sous la pression des USA pour accepter les règles de l'Adpics. La Jordanie y est déjà soumise.

Enfin, les négociations sur l'accès au marché dans le cadre d'un AMI présentant une approche du type AGCS seraient conduites de façon bilatérale; en conséquence les possibilités de pressions directes politiques et économiques demeurent.

Malgré le fait que les PED puissent se regrouper, l'expérience de ces 18 derniers mois montre que les accords favorisant le développement peuvent ne pas être plus faciles à atteindre à l'intérieur de l'OMC qu'à l'extérieur. Ces pays se sont unis face à l'Adpics et on sait ce qu'il advint; Même l'UE a tenté de revenir sur l'accord de Doha.

6/ De nouvelles négociations pourraient mettre en danger l'agenda de Doha:

Un an et demi après Doha, l'OMC fait face à une crise de première ampleur en tentant de négocier dans le cadre de son agenda. (sur l'agriculture, le traitement spécial et différencié, l'Adpics ou la mise en application des accords).

Il est évident que la plupart des PED s'opposent à l'extension de cet agenda en y incluant des négociations sur de nouveaux sujets. 29 PED ont fait explicitement mention des nouveaux sujets dans leurs déclarations de Doha. Parmi ces pays, 3 seulement (le Mexique, la Corée du Sud et le Venezuela) se sont déclarés favorables à leur inclusion. Le groupe des pays africains et celui des PMA ont réaffirmé leur opposition au lancement de négociations sur ces sujets lors d'une réunion du Comité des Négociations Commerciales des 2-3 Avril 2003 à Genève.

C'est pourquoi ajouter de nouveaux sujets à un agenda déjà surchargé aggraverait la situation. Ils pourraient s'avérer la goutte d'eau de trop. L'UE devrait abandonner son insistance à les inclure de force dans un agenda "agressif" face à une opposition durable des PED à l'OMC.

Par omc.marseille

Contact pour cet article. Omc.marseille@attac.org

[1] (Mai 2003) [2] Voir Développement et Libéralisme: "Kicking away the Ladder".

 
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