Subject: [ATTAC] INFO 536 - DE L'OMC AU FSM From: Grain de sable Date: Wed, 14 Dec 2005 17:59:19 +0100 To: gds@attac.org COURRIEL D'INFORMATION ATTAC (n°536) DE L'OMC AU FSM mercredi 14/12/05 Merci de faire circuler et de diffuser largement. Le Courriel est reçu aujourd'hui par 53258 abonnés ______________________________ S'abonner ou se désabonner http://france.attac.org/a3652 Confort de lecture et impression papier: Format RTF http://www.france.attac.org/IMG/zip/attacinfo536.zip Format PDF http://www.france.attac.org/IMG/pdf/attacinfo536.pdf ______________________________ Dans ce numéro 1. LES NOUVELLES DE HONG KONG Les gouvernements de 150 pays (l'Arabie Saoudite et Tonga viennent d'être admises) vont débattre pendant environ 100 heures, d'ici à dimanche, du texte de projet de déclaration ministérielle qui leur a été communiqué par les instances dirigeantes de l'OMC. Par Raoul Marc JENNAR, chercheur, urfig@wanadoo.fr 2. DESERTION CALCULEE DE L'OPPOSITION VENEZUELIENNE Dans la perspective de la tenue du FSM à Caracas, voici une analyse, résultats des élections législatives de dimanche dernier au Venezuela. Par Maurice Lemoine, rédacteur en chef du "Monde diplomatique". 3. UN FORUM POLYCENTRIQUE POUR UN MOUVEMENT SOCIAL CONVERGENT Le prochain Forum social mondial seraS( polycentrique. Il se tiendra en 2006, de manière « décentralisée », à Caracas (République bolivarienne du Venezuela), Bamako (Mali) et Karachi (Pakistan). Entretien avec Eric Toussaint, Par Sergio Ferrari, en collaboration avec UNITE (Plateforme des ONG suisses de coopération solidaire) ______________________________ 1. LES NOUVELLES DE HONG KONG Dans l'île de Hong Kong, Wanchai est le nom du quartier où se trouve le centre des conférences, immense bâtiment aux formes futuristes qui a été construit sur la mer, comme la proue d'un navire qui avance dans la baie. Depuis dimanche, Wanchai est pratiquement en état de siège, avec un déploiement extraordinaire de moyens de sécurité allant jusqu'à des patrouilles navales dans la baie. Aujourd'hui, dans ce quartier, s'est ouverte la 6e conférence ministérielle de l'OMC. Les gouvernements de 150 pays (l'Arabie Saoudite et Tonga viennent d'être admises) vont débattre pendant environ 100 heures, d'ici à dimanche, du texte de projet de déclaration ministérielle qui leur a été communiqué par les instances dirigeantes de l'OMC. Outre les délégations officielles de 150 pays sont présents les journalistes et, en quelque sorte en observateurs parfois davantage, 3.200 personnes de la société civile qui compte tout à la fois des représentants des organisations patronales (les deux tiers) et des délégués d'associations et d'ONG. Je retiens deux faits saillants de la cérémonie d'ouverture. Le premier, c'est l'intense pression exercée par les différents orateurs (le chef de l'Administration de Hong Kong, le ministre du commerce de Hong Kong, M. Tsang, qui préside la conférence, Pascal Lamy, directeur général de l'OMC, Mme Amina Mohamed, ambassadrice du Kenya et présidente en exercice du Conseil général de l'OMC) pour que les ministres présents fassent des concessions et parviennent à un accord. Une insistance si forte quelle culpabilisait d'emblée celles et ceux qui se permettront de refuser les propositions avancées. Ni Mme Mohamed, ni M. Lamy, ni M.Tsang, qui aurait chacun pu et dû le faire, n'ont signalé que le document soumis à la négociation comporte des annexes (elles représentent 36 des 48 pages de la version en français) dont aucune, sauf une, n'a fait l'objet d'un accord à Genève entre les représentants des différents Etats membres de l'OMC. On sait qu'une note introductive au projet de déclaration ministérielle indiquait cela dans la version présentée aux ambassadeurs à Genève, mais a disparu du document soumis aux ministres à Hong Kong. Il n'y est fait référence que dans une lettre adressée par Mme Mohamed et M. Lamy à M. Tsang. Une lettre qui n'a pas la valeur juridique du projet de déclaration et qui, au moins, aurait dû être lue à l'ouverture de la conférence. D'autant que M. Lamy, s'adressant la veille aux parlementaires de tous les pays présents ici, a souligné que son projet de déclaration ministérielle était soutenu par tous les Etats membres, omettant d'indiquer que c'est précisément parce qu'il contenait cette note introductive précisant les désaccords que le consensus avait pu être atteint à Genève. Bel exemple de coup tordu dont est capable M. Lamy. Le second fait marquant de la cérémonie d'ouverture est la protestation exprimée par une délégation du réseau qui coordonne tous les réseaux altermondialistes « Notre monde n'est pas à vendre ». Alors que M. Lamy soulignait que son organisation n'est pas aimée, une vingtaine de militants parmi lesquels l'Américaine Lori Walach et le Philippin Walden Bello ont tenu à crier les injustices criminelles que provoquaient les accords de l'OMC. Faisant écho à ce que déclaraient lors de conférences de presse quelques heures plus tôt des délégations de pays du Sud, Walden Bello, directeur de Focus on the Global South (Bangkok), précisait : "We are protesting because we cannot continue to watch the WTO take away the lives and livelihoods of farmers, peasants and workers across the world" (Nous protestons parce que nous ne pouvons pas continuer à observer que l'OMC dégrade les vies et les conditions d'existence des fermiers, des paysans et des travailleurs à travers le monde) . Et il ajoutait : "There is nothing on the table at the WTO that is going to benefit developing countries. Developing countries must reject what is on offer. It is a case of 'no deal is better than a bad deal'. (Il n'y a rien sur la table de l'OMC qui va profiter aux pays en développement. On est dans la situation où pas d'accord, c'est mieux qu'un mauvais accord). Au même moment, dans la rue, se déroulait la deuxième des trois grandes manifestations prévues et, comme lors de la première, cela se passait de la manière la plus pacifique qui soit. Comme dimanche, ils étaient plusieurs milliers à exprimer leur révolte par la parole, par les calicots, par des chants, des danses et des mimes. A la fin de la manifestation, un bateau couvert de slogans traversait la baie de Hong Kong et bravait les vedettes de la police maritime. Des fermiers coréens se sont jetés à l'eau et ont rejoint des collègues qui avaient plongé depuis les quais. Une manière à eux d'exprimer que l'OMC coule la petite paysannerie, mais qu'elle peut couler elle aussi. Dans mon hôtel, je capte plusieurs chaînes de télévision (les émissions en anglais de la télé chinoise (Pékin) de la télé allemande, la BBC, CNN, TV5 qui donne les journaux télévisés belges, canadiens, français, et suisses). Je suis effaré de la manière dont on traite cette conférence de l'OMC, en particulier dans les chaînes francophones relayées par TV5 auxquelles je décerne sans difficulté le premier prix mondial de la caricature et de la désinformation : les seuls sujets abordés sont le dossier agricole et la violence redoutée des protestataires dont rien n'est dit, ou à peine, sur les motifs de leur protestation. Expliquer les différents accords, les enjeux de société qu'ils représentent et les controverses qu'ils suscitent, voilà une information de qualité qu'on ne trouve en fait qu'à la BBC. Pas un mot jusqu'à présent sur les chaînes francophones à propos du dossier capital des services alors qu'il concerne aussi bien les peuples du Nord que ceux du Sud. On en arriverait à espérer que le mode 4 de l'AGCS soit en priorité appliqué aux journalistes. Ils s'y intéresseraient peut-êtreS(. Par contre, traiter de l'agriculture permet de faire croire que tout est bloqué à cause d'une minorité de paysans (qui ne sont qu'une minorité de téléspectateurs). On se garde de bien de dire que, chez nous, cette minorité nourrit 100% de la population et que sur la planète, les paysans constituent 62% de la population mondiale. Et surtout que la libéralisation à la manière de l'OMC détruit les fermes et les vies. Quant aux manifestants, comme ils n'ont pas été violents à Hong Kong et qu'il faut absolument diaboliser (en particulier sur les chaînes francophones) ceux qui n'acceptent pas la logique du profit, deux chaînes ont trouvé le moyen : elles ont rediffusé des images des moments violents de Seattle ! Demain, on entre dans le vif de la négociation. Par Raoul Marc JENNAR, chercheur, urfig@wanadoo.fr 2. DESERTION CALCULEE DE L'OPPOSITION VENEZUELIENNE Le meilleur moyen de ne pas perdre une élection est... de ne pas y participer. Assommée par sa cuisante défaite lors du référendum révocatoire gagné par le président Hugo Chávez, le 15 août 2004, avec 59,06% des voix, l'opposition vénézuélienne voyait approcher l'élection législative du 4 décembre 2005 avec appréhension. Pourtant sous son contrôle, les instituts de sondage ne lui octroyaient qu'une trentaine de sièges sur les 167 à pourvoir, alors qu'elle en possédait 79 dans l'ancienne Assemblée. A quelques encablures du jour fatidique, les principaux partis qui la composent - Action démocratique, Copei, Projet Venezuela, Primero Justicia - ont annoncé leur retrait en raison « d'absences de garanties suffisantes pour garantir la transparence du scrutin ». Criant à la fraude, comme ils l'avaient fait au terme du référendum de 2004, dont les résultats furent pourtant validés par les observateurs de l'Organisation des Etats américains (OEA) et du Centre Carter (de l'ancien président des Etats-Unis), les opposants ont mis en cause la composition du Conseil national électoral (CNE) et la fiabilité du système électronique de vote. Conciliant, le CNE a accepté plusieurs de leurs demandes, dont celle de supprimer les appareils vérificateurs d'empreintes digitales censés, d'après ces opposants, violer le secret du vote. Cette décision a entraîné la publication d'un communiqué des observateurs de l'OEA se félicitant de l'accord obtenu. Rien n'y fit... Le boycott fut maintenu, avec l'appui bruyant de Súmate (organisation financée par le National Endowment for Democracy (1) ), dont la dirigeante María Corina Machado a été récemment reçue par M. George Bush - sans doute pour la féliciter d'avoir signé le décret qui a dissous l'Assemblée nationale et tous les corps constitués, le 12 avril 2002, lors du coup d'Etat avorté contre le président Chávez. L'appui de Washington se trouva d'ailleurs confirmé lorsque M. McCormack, porte-parole du Département d'Etat, déclara le 30 novembre, « les Vénézuéliens, comme tous les autres peuples, ont le droit à des élections libres et justes », avant d'affirmer que son gouvernement était « préoccupé car ce droit est chaque fois un peu plus en danger (2) ». Sans apporter aucune preuve susceptible d'appuyer cette allégation. Le 3 décembre, le même McCormak, sans doute mal informé, déclara ne pas connaître le communiqué de l'OEA appuyant la réalisation du scrutin et garantissant le haut niveau technologique du matériel utilisé. Tandis qu'explosaient quelques bombes de faible puissance à Caracas et et sur un oléoduc, dans l'Etat de Zulia, les médias privés incitaient les électeurs à aller prier pour la démocratie, à l'église, plutôt que de se rendre dans les bureaux de vote. C'est dans ce contexte que, le 4 décembre, en présence de plus de 400 observateurs, dont ceux de l'OEA et de l'Union européenne, les partis pro-gouvernementaux, seuls en lice ou presque, ont obtenu la totalité des 167 sièges à pourvoir. Dès le mardi 6 décembre, la mission d'observation de l'Union européenne a qualifié de « transparents » les résultats du scrutin, et son chef, l'euro-député Jose Albino, a déclaré avoir « observé avec surprise » le retrait des partis de l'opposition. Estimant que la décision du CNE de désactiver le dispositif de capture des empreintes digitales sur les machines électroniques avait constitué « une mesure importante » pour rétablir leur confiance, il a souligné que ces partis se sont retirés du processus électoral « sans avancer de nouvelles raisons (3) ». Toutefois, à l'inverse de ce qui s'était passé lors du référendum de 2004, les « chavistes », peu motivés parce que seuls dans la compétition et donc assurés de la victoire, ne se sont pas déplacés massivement pour voter. Le CNE a estimé à 75 % le taux d'abstention (chiffre susceptible d'être revu à la baisse une fois tous les bulletins dépouillés). A titre de comparaison, on notera cependant que ce désintérêt pour une consultation sans véritables enjeux n'a rien de nouveau au Venezuela : en 1998, Action démocratique, le parti alors dominant, n'obtint la majorité parlementaire qu'avecS( 11,24 % des voix. Quant au dernier président élu - M. Rafael Caldera - avant l'arrivée au pouvoir de M. Chávez, il ne le fut, en 1993, que par 15 % du corps électoral. En ce sens, on peut considérer que l'opposition vénézuélienne s'est purement et simplement suicidée. En son sein, et chez ses partisans, sa décision n'a d'ailleurs pas fait l'unanimité. On aurait toutefois tort de ne voir dans son attitude qu'une action désespérée pour éviter une nouvelle déroute. Car ce type de man¦uvre n'a rien de nouveau... A l'aube des élections du 4 novembre 1984, et alors que le Nicaragua sandiniste luttait contre l'agression américaine, menée par contre-révolutionnaires (la contra) interposés, la Coordination démocratique nicaraguayenne, rassemblement des trois principaux partis d'opposition et du Conseil supérieur de l'entreprise privée (Cosep), a, de la même manière, boycotté le scrutin après avoir annoncé sa participation. C'est après un voyage aux Etats-Unis que son dirigeant, Arturo Cruz, décida de ne pas se présenter, Washington offrant alors jusqu'à 300 000 dollars aux dirigeants des partis qui se retiraient des listes, en vue d'ôter leur crédibilité aux élections. N'y participeront finalement que le Front sandiniste de libération nationale (FSLN), dont nul ne pouvait douter antérieurement de la victoire, et quelques petites formations politiques. Le 4 novembre, alors que 75,4% des inscrits votent, les sandinistes obtiennent 63% des voix, et M. Daniel Ortega est élu président. Aux législatives, le FSLN obtient 61 des 96 sièges. Plus de 500 observateurs étrangers attestent de la régularité du scrutin. Ronald Reagan déclare immédiatement qu' « elles [les élections] compliquent les relations entre les Etats-Unis et le Nicaragua... » Cette victoire sans adversaires permettra de délégitimer les premières élections démocratiques organisées dans ce pays depuis 50 ans, et d'instiller, y compris en Europe, l'idée d'un Nicaragua victime d'un régime totalitaire. Rendant plus aisée l'entreprise de déstabilisation menée par la Maison Blanche et la contra... De la même manière, Washington et l'opposition vénézuélienne ont agi pour discréditer la prochaine Assemblée nationale « mono-couleur » et « illégitime » puisque issue d'élections sans opposition, mettre en cause les institutions démocratiques et, face à l'opinion internationale, affaiblir M. Chávez en prétendant que son gouvernement glisse lentement mais sûrement vers la « dictature ». En quelque sorte, un banc d'essai dans la perspective de l'élection présidentielle qui se tiendra en 2006, et dont il est l'incontestable favori. Par Maurice Lemoine, rédacteur en chef du "Monde diplomatique". Notes (1) Organisme « à but non lucratif » créé par Ronald Reagan au début des années 1980, et financé par le Congrès des Etats-Unis pour « soutenir la liberté partout dans le monde ». Le NED est considéré, sur des bases crédibles, comme un bras occulte de la CIA. (2) BBC Mundo, Londres, 1er décembre 2005. (3) AFP, Caracas, 6 décembre 2005. 3. UN FORUM POLYCENTRIQUE POUR UN MOUVEMENT SOCIAL CONVERGENT Définir des priorités et des axes communs Le prochain Forum social mondial seraS( polycentrique. Il se tiendra en 2006, de manière « décentralisée », à Caracas (République bolivarienne du Venezuela), Bamako (Mali) et Karachi (Pakistan). Conceptualiser le potentiel du Forum social mondial (FSM) exige préalablement d'évaluer l'état actuel du mouvement social à l'échelle planétaire, vu la relation étroite qui existe entre les forums et les mobilisations. « En ce sens, je suis très optimiste, si l'on tient compte de l'augmentation des mobilisations en 2005 », souligne Eric Toussaint, historien et militant belge, président du Comité pour l'abolition de la dette du Tiers Monde (CADTM-Belgique). Pour Eric Toussaint - également membre du Conseil international du FSM (c'est-à-dire sa coordination) -, cette nouvelle étape « exige de définir clairement les priorités de l'agenda citoyen au niveau mondial ». Un processus déjà en marcheS( ou, plus exactement, en construction. Sergio Ferrari (S.F.) : Un an après le 5e forum social mondial à Porto Alegre (au Brésil, en janvier 2005), quel est l'« état d'esprit » du mouvement social international ? Eric Toussaint (E.T.) : En 2005, nous avons assisté à une réactivation significative de mobilisations de masse, après une période - entre mi-2003 et fin 2004 - de baisse. En réalité, nous pouvons situer le prochain FSM par rapport à un « état des lieux » au double visage. D'un côté, un tableau très sombre : la barbarie en Irak, la poursuite de la répression brutale du peuple palestinien, l'offensive patronale et gouvernementale contre les mécanismes de solidarité collective à l'échelle mondiale, les licenciements massifs, la négation des droits économiques, sociaux et culturels. En résumé, la continuité de l'offensive néo-libérale, malgré le fait que son fondement idéologique a perdu toute légitimité aux yeux des peuples du monde. De l'autre côté, une lueur d'espoir : le renouveau significatif et l'élargissement des luttes sociales et citoyennes, avec une capacité croissante à faire échouer des projets politiques spécifiques (le traité constitutionnel européen) ou économiques (l'Accord de libre-commerce des Amériques, ALCA). Sans aucun doute, l'année 2005 se termine sur des perspectives plus positives et intéressantes pour les mouvements sociaux qu'en 2004 (voir encadré). S.F. : Dans ce contexte, quels sont les enjeux de la prochaine session polycentrique du FSM, en janvier 2006 ? E.T. : Avant tout, il faut rappeler le succès de la 5e édition du FSM à Porto Alegre, au début de cette année, où étaient présent-es plus de 150.000 participant-es. Sans oublier le 1er Forum social méditerranéen, qui a permis la réunion à Barcelone, en juin 2005, de plus de 1000 délégué-e-s du monde arabe et de nombreux Européens. Quant au 6e FSM, il nous met face à un défi non-« planifié ». En 2004, le rythme frénétique du « processus Forum social mondial » a fait l'objet d'un débat ouvert au sein du Conseil international. Une série de forums nationaux et continentaux, ainsi que des campagnes et des mouvements (dont le CADTM), considéraient que les rythmes étaient par trop intenses et qu'il convenait de prévoir une périodicité biennale. Finalement, un accord a été trouvé sur le maintien d'une session annuelle en 2005, 2006 et 2007, mais décentralisée en 2006 dans plusieurs endroits. De Porto Alegre aux trois continents S.F. : Le forum, qui sera donc « polycentrique », se tiendra ainsi à Caracas et à Bamako, fin janvier 2006, puis à Karachi quelques mois plus tardS( E.T. : Effectivement. Mais à nouveau, au lieu d'éviter une surcharge, tous les acteurs du FSM seront soumis à une pression énorme et à des rythmes particulièrement intenses tout au long du premier semestre 2006. En janvier, un pré-forum maghrébin préparera le forum de Bamako (capitale du Mali), lequel se tiendra du 19 au 23 janvier. Du 24 au 29 janvier, la réunion de Caracas suscitera certainement une attention toute particulière de par sa proximité avec le processus de la révolution bolivarienne. La troisième séance décentralisée se tiendra quelques mois plus tard à Karachi (Pakistan), précédée en janvier d'une rencontre nationale de préparation à Lahore. Le récent tremblement de terre au Cachemire a contraint les organisateurs à retarder de quelques mois le FSM au Pakistan. D'autres activités sont également prévues dans le Sud-Est asiatique. Fin avril ou début mai se tiendra en outre à Athènes (Grèce) le 4e Forum social européen. Un programme très chargé, en sommeS( S.F. : Quels sont les principaux défis d'un tel processus polycentrique ? E.T. : L'objectif premier est d'approfondir les dynamiques régionales, tout en évitant la fragmentation des luttes. Ce risque existe pour 2006, puisqu'il n'y aura pas de rendez-vous unique, de lieu commun où les campagnes et les mouvements puissent échanger, discuter et définir les actions prioritaires à mener, précisément à un moment où l'on ressent énormément la nécessité d'avancer dans cette définition d'action collectiveS( S'unifier de manière décentralisée S.F. : Peut-on s'attendre à voir surgir certaines contradictions entre la clarification des options et un processus décentralisé ? E.T. : C'est effectivement le cas, même si je pense que la dynamique du mouvement social prévaudra et que la priorité sera mise sur la capacité d'unifier ce processus. Je suis sorti très optimiste d'une récente réunion internationale qui s'est tenue en octobre dernier, à Genève : étaient présents à cette réunion de nombreux réseaux et de mouvements actifs aux quatre coins de la planète, parmi lesquels Via Campesina, le CADTM, Focus on the Global South, la Centrale unique des travailleurs (Brésil), plusieurs groupes ATTAC et des syndicats européens. Nous y avons fait le bilan de la dynamique de ces dernières années et nous avons progressé dans la clarification de certaines priorités à venir. Tout indique que l'on avance vers un processus de large consultation pour préciser ces axes essentiels. S.F. : Face à une dynamique si particulière, le Conseil international - en tant qu'instance de coordination des forums sociaux mondiaux - réussit-il à suivre tout le processus en cours ? E.T. : La prochaine réunion du Conseil international est prévue en mars 2006, pour faire un bilan des trois forums qui auront eu lieu. Nous courons le risque de rester un peu en arrière de cette dynamique, bien que nous soyons conscients de tous les efforts à faire pour répondre à ces nouveaux défis. Convergence de contenus S.F. : Quel sera le contenu de ces forums décentralisés ? Chaque session aura-t-elle son propre programme, ou les agendas seront-ils identiques ? E.T. : Si l'on fait l'analyse des thèmes centraux de ces trois grandes réunions, on constate une grande convergence. A ce niveau, je ne pense pas qu'il existe un risque de fragmentation au niveau politique. Par exemple, un axe important du forum de Porto Alegre 2005 - « Pouvoir politique et luttes pour l'émancipation sociale » - sera présent dans les trois rencontres. Mais j'insiste sur le défi essentiel que représente l'identification des priorités d'action commune. Ce n'est pas nouveau : cette nécessité fut soulignée aussi bien par le « Manifeste de Porto Alegre », présenté par un groupe de personnalités internationales à l'occasion de la 5e session du FSM, que par l'Assemblée des mouvements sociaux, réunie au même moment. A Porto Alegre, en 2005, nous avons accepté un agenda d'activités communes. Maintenant, il est essentiel de déterminer les priorités. Nous pouvons en définir 2 ou 3, mais pas 15 ou 20S( J'ai l'impression que la plupart des composantes du FSM, dans toute leur diversité, s'accordent sur cette nécessité. Je suis donc très optimiste en ce sens. Consultation sur les priorités S.F. : Quelles seraient ces priorités ? E.T. : L'opposition à la guerre, par exemple. En l'occurrence, celle-ci pourrait se concrétiser par une grande mobilisation internationale au jour anniversaire de l'offensive contre l'Irak. On pourrait ajouter à cette préoccupation commune la solidarité avec le peuple palestinien ; ainsi que l'opposition à l'occupation de l'Afghanistan ou à d'autres projets bellicistes, comme le plan Colombie. Nous tentons de trouver une date unitaire commune pour ces mobilisations, vraisemblablement en mars 2006. Les campagnes contre la dette forment également un axe essentiel, qui a fait l'objet d'un large débat lors de la réunion de La Havane, en septembre 2005. De manière hautement symbolique, on pourrait organiser le même jour, dans plusieurs pays, des occupations de locaux de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international (FMI). D'autre part, si - comme tout semble l'indiquer - la réunion ministérielle de l'Organisation mondiale du commerce (OMC), qui se tiendra en décembre 2005 à Hong Kong, se solde par un nouvel échec, la mobilisation contre la poursuite des négociations menées au sein de cet organisme deviendra un point important de convergence pour les mouvements sociaux. Pour l'heure, ce ne sont, et j'insiste là-dessus, que des propositions. D'où l'importance d'un large processus de consultation afin de définir deux, trois ou quatre priorités communes à l'ensemble du mouvement social mondial. * en collaboration avec UNITE (Plateforme des ONG suisses de coopération solidaire) Traduction française : Hans-Peter Renk Mise en forme et corrections: Yannick Bovy Entretien avec Eric Toussaint, Par Sergio Ferrari, en collaboration avec UNITE (Plateforme des ONG suisses de coopération solidaire) --- Le Courriel d'information a été mis au point par l'équipe du Grain de sable. 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