Subject: [ATTAC] INFO 534 - LES METHODES DE LA BANQUE MONDIALE From: Grain de sable Date: Wed, 30 Nov 2005 14:55:29 +0100 To: gds@attac.org COURRIEL D'INFORMATION ATTAC (n°534) LES METHODES DE LA BANQUE MONDIALE mercredi 30/11/05 Merci de faire circuler et de diffuser largement. Le Courriel est reçu aujourd'hui par 53222 abonnés ______________________________ S'abonner ou se désabonner http://france.attac.org/a3652 Confort de lecture et impression papier: Format RTF http://www.france.attac.org/IMG/zip/attacinfo534.zip Format PDF http://www.france.attac.org/IMG/pdf/attacinfo534.pdf ______________________________ ASSEMBLEE GENERALE D'ATTAC : VOTEZ DES MAINTENANT PAR CORRESPONDANCE ET AVANT LE 6 DECEMBRE 2005 Les Assises d'Attac auront lieu le samedi 10 et le dimanche 11 décembre, à « ROCHEXPO » - Foire de la Haute-Savoie Mont-Blanc, 210, rue de l'Ingénieur Sansoube, 74800 La Roche-sur-Foron. Vous venez de recevoir avec le Lignes d'Attac n° 48 le matériel électoral. Nous vous demandons d'en prendre connaissance aussi rapidement que possible et avec la plus grande attention. Vous avez à vous prononcer sur l'activité du Conseil d'administration (rapport d'activité et de gestion, rapport financier), sur le montant des cotisations 2006, sur les résolutions proposées par le CA, et sur le texte d'orientations. Afin de participer au vote, vous devez être à jour de votre cotisation 2005. Si ce n'est pas le cas, adressez nous immédiatement votre règlement. Un bulletin est disponible à l'adresse : http://www.france.attac.org/a2282 Bien sûr, si vous êtes présent à l'AG, vous pourrez régler votre cotisation sur place. Au cas où vous auriez égaré le bulletin de vote n°1 sur les résolutions qui se situe à la page 9 de la brochure vous pouvez vous en fournir un autre à l'adresse : http://www.france.attac.org/IMG/pdf/bulletin_vote_n_1.pdf Le bulletin de vote n°2 portant sur les orientations est inséré dans le Lignes d'Attac, vous pouvez également le télécharger sur : http://www.france.attac.org/IMG/pdf/vote_orientation.pdf Vous devez placer les deux bulletins dans une enveloppe close et mettre celle-ci dans l'enveloppe jointe (en remplissant les lignes nom, prénom et n° d'adhérent) et l'adresser avant le 6 décembre à Attac 66-72, rue Marceau 93100 Montreuil-sous-Bois. L'ensemble du dossier de préparation de l'Assemblée générale et des Assises est également disponible sur le site Internet d'Attac : http://www.france.attac.org/a5607 ______________________________ LES METHODES DE LA BANQUE MONDIALE Dans ce numéro 1. LA BANQUE MONDIALE DANS DE SALES DRAPS AU TCHAD Le discours tonitruant des experts de la Banque mondiale sur la bonne gouvernance, la corruption et la réduction de la pauvreté n'est qu'une sinistre farce. En effet, au Tchad, la Banque mondiale a porté à bout de bras un projet d'oléoduc aboutissant à l'enrichissement d'un dictateur notoire qui vient de se permettre un bras d'honneur magistral. Par Damien Millet est président du CADTM France (Comité pour l'annulation de la dette du tiers-monde, www.cadtm.org), auteur de L'Afrique sans dette, CADTM/Syllepse, 2005 ; Eric Toussaint est président du CADTM Belgique, auteur de La Finance contre les peuples, CADTM/Syllepse, 2004. 2. IRAN, LA LONGUE MARCHE DES FEMMES Dehors, il n'y a rien d'écrit, même pas un nom sur la sonnette. Après le portail, quelques marches descendent à un petit appartement à moitié enterré, qui donne sur un minuscule jardinet. Des rayonnages sur toutes les parois, des tables en bois clair, deux ordinateurs. Nous sommes à la Bibliothèque des Femmes, première bibliothèque et centre de documentation féministe en Iran, où nous accueille Mansoureh Shojai qui, pour se consacrer à ce projet, a pris sa retraite de la Bibliothèque nationale où elle travaillait depuis des années. Par Marina Forti, Edition de samedi 25 juin de Il Manifesto http://abbonati.ilmanifesto.it/Quotidiano-archivio/25-Giugno-2005/art64.php3 Traduit de l'italien par Marie-Ange Patrizio - coorditrad@attac.org 1. LA BANQUE MONDIALE DANS DE SALES DRAPS AU TCHAD Le discours tonitruant des experts de la Banque mondiale sur la bonne gouvernance, la corruption et la réduction de la pauvreté n'est qu'une sinistre farce. En effet, au Tchad, la Banque mondiale a porté à bout de bras un projet d'oléoduc aboutissant à l'enrichissement d'un dictateur notoire qui vient de se permettre un bras d'honneur magistral. Pendant ce temps, les populations tchadiennes se saignent aux quatre veines pour rembourser une dette colossale sans profiter d'une richesse naturelle qui pourtant leur appartient. Regardons en détail cette caricature d'un modèle néolibéral imposé aux forceps par des institutions internationales au service des grandes puissances et de la finance mondiale. Dès l'origine du projet, au milieu des années 1990, de nombreuses organisations écologistes, de défense des Droits de l'Homme et de solidarité internationale (dont le CADTM) s'étaient alarmées du soutien de la Banque mondiale à la construction du pipe-line reliant la région pétrolifère de Doba (Tchad) au terminal maritime de Kribi (Cameroun), à 1 070 kilomètres de là. Les risques écologiques, humains et financiers étaient exorbitants dès le départ : Shell et Elf ont préféré reculer. Mais le consortium final, regroupant ExxonMobil, ChevronTexaco (États-Unis) et Pétronas (Malaisie), a pu mener ce projet de 3,7 milliards de dollars à son terme grâce au puissant soutien stratégique et financier de la Banque mondiale. Achevé en 2004, ce pipe-line s'est réalisé avec le plus grand mépris pour les populations concernées. Par exemple, les indemnisations proposées initialement aux personnes vivant sur le lieu du tracé s'élevaient à 25 FCFA (3,8 centimes d'euro) par mètre carré d'arachide détruit, 5 FCFA (0,8 centime d'euro) par mètre carré de mil perdu, ou encore 3000 FCFA (4,6 euros) par pied de manguier détruit, alors que selon le député tchadien Ngarléjy Yorongar, la première production de cet arbre peut à elle seule donner 1000 mangues dont chacune peut se négocier environ 100 FCFA (15 centimes d'euro)... Il a fallu une forte mobilisation de leur part pour les revoir quelque peu à la hausse. L'actualité est parfois cruelle : le dictateur tchadien Idriss Déby est un ancien conseiller militaire de Hissène Habré, dictateur lui aussi et arrêté au Sénégal il y a quelques jours seulement. Militaire formé en France et au pouvoir depuis décembre 1990 suite à un coup d'Etat, Déby bénéficie depuis longtemps du soutien de l'Elysée et des réseaux françafricains. Au programme : élections truquées avec bourrages des urnes ou inversion des résultats ; répression de toute forme d'opposition démocratique et de presse libre ; révision de la Constitution pour autoriser la réélection sans fin du présidentS( Le fiasco du procès que Déby intenta à François-Xavier Verschave, auteur du livre Noir silence qui détaillait tout cela, fut retentissant. La Banque mondiale ne pouvait pas cautionner ouvertement un tel régime. Réalisant là son investissement le plus important en Afrique noire, elle imposa à Déby de consacrer 90 % des sommes récupérées par la vente de pétrole à des projets sociaux sélectionnés avec son aval et à des investissements dans la région de Doba. Les 10 % restants devaient être réservés pour les générations futures : ils ont été déposés sur un compte bloqué à la Citibank de Londres, sous le contrôle de la Banque mondiale. Pour gérer ce compte, la Banque mondiale a avancé l'idée d'un Collège de contrôle et de surveillance des revenus pétroliers (CCSRP), composé de neuf membres. Mais cinq d'entre eux ont été nommés par Déby lui-mêmeS( Nombreux sont ceux qui affirmaient alors que les garanties avancées par la Banque mondiale n'empêcheraient pas Déby d'avoir la haute main sur le magot pétrolier. La Banque mondiale a persisté dans ce qui se confirme aujourd'hui être une lourde erreur. Le grand gagnant de l'exploitation pétrolière tchadienne est le consortium, mais les proches du pouvoir ne sont pas à plaindre. La répartition des revenus entre l'État tchadien et le consortium pétrolier semble très défavorable à l'État qui devrait récupérer seulement 12,5 % de royalties sur la vente directe de ce pétrole... S'y ajoutent des taxes et bonus divers, qui sont versés directement au Trésor public tchadien. Le premier bonus, versé à titre d'avance, ne fut pas un modèle du genre : 7,4 millions de dollars auraient été détournés. De plus, un autre détournement de 4,5 millions de dollars aurait servi à l'achat d'hélicoptères par le fils du président. La Banque mondiale, très impliquée dans le projet, a alors somptueusement décidé de fermer les yeux pour ne pas entacher sa crédibilité. Cela ne suffisait pas à Déby : les chiffres permettant le calcul de ce qui lui revient - enfin, à son pays - proviennent d'ExxonMobil et du consortium lui-même. Le Tchad n'a pas l'expertise ni les moyens techniques pour suivre les variations continues des prix et les rapprocher des quantités de pétrole produit. Voilà pourquoi le 7 octobre 2004, la présidence tchadienne a publié un communiqué très inhabituel intitulé « Arnaque, opacité et fraude du consortium », dénonçant le fait que les multinationales s'accaparent cette rente pétrolière et que le Tchad ne peut contrôler l'exactitude des déclarations du consortium, fortement mises en doute. Dernier rebondissement en date : comme cela était prévisible, le mécanisme créé par la Banque mondiale se grippe complètement. Idriss Déby est sur le point de mettre la main sur les sommes destinées aux générations futures : au moins 27 millions de dollars. Fragilisé par de fortes tensions sociales, des tentatives de renversement et des désertions dans l'armée, Déby n'envisage sans doute pas d'utiliser les sommes ainsi récupérées pour démultiplier des budgets sociaux rachitiques. Le dispositif militaire et répressif du pouvoir devrait à coup sûr s'en trouver renforcé, comme le subodore toute la communauté internationale. Moralité : la Banque mondiale fut l'élément déterminant d'un projet qui endette lourdement le Tchad, aggrave à la fois corruption et pauvreté, détériore l'environnement, se contente d'extraire une ressource naturelle sans la transformer sur place, pour le plus grand profit de sociétés transnationales qui laissent quelques miettes aux potentats locaux à condition qu'ils garantissent leur droit inviolable à la propriété privée de ressources naturelles. Au contraire, celles-ci devraient être considérées comme un patrimoine commun des populations qui vivent sur place. On retrouve donc là les ingrédients essentiels du cocktail habituel servi par la Banque mondiale en toute connaissance de cause. Un cocktail au goût amer et qui pourrait se révéler explosif. Par Damien Millet est président du CADTM France (Comité pour l'annulation de la dette du tiers-monde, www.cadtm.org), auteur de L'Afrique sans dette, CADTM/Syllepse, 2005 ; Eric Toussaint est président du CADTM Belgique, auteur de La Finance contre les peuples, CADTM/Syllepse, 2004. 2. IRAN, LA LONGUE MARCHE DES FEMMES Dehors, il n'y a rien d'écrit, même pas un nom sur la sonnette. Après le portail, quelques marches descendent à un petit appartement à moitié enterré, qui donne sur un minuscule jardinet. Des rayonnages sur toutes les parois, des tables en bois clair, deux ordinateurs. Nous sommes à la Bibliothèque des Femmes, première bibliothèque et centre de documentation féministe en Iran, où nous accueille Mansoureh Shojai qui, pour se consacrer à ce projet, a pris sa retraite de la Bibliothèque nationale où elle travaillait depuis des années. Pour nous expliquer la genèse de la Bibliothèque, Mansoureh parle du 8 mars de l'année 2000, quand un petit groupe de femmes comme elle, s'est retrouvé à la librairie BookCity de Téhéran. C'était la première fois qu'elles essayaient de célébrer la fête de la lutte des femmes de façon publique (« Dans la république islamique, la « journée de la femme » est plutôt l'anniversaire de la naissance de Zohra, la fille du Prophète », explique-t-elle). Elles, par contre, parlaient des droits des femmes, du droit de la famille qui en fait des citoyennes de deuxième classe, de violence domestique. Il y avait là des journalistes, des juristes, des noms connus et moins connus, des activistes des droits civiques, et ça se passait à un moment d'affrontement très dur en Iran, entre un gouvernement réformiste et un système politique résistant à tout changement. De fait, peu de temps après, deux d'entre elles, l'éditrice Shahla Lahiji et l'avocate Mehranguiz Kar, ont été arrêtées : elles faisaient partie d'un groupe d'intellectuels qui avait participé à une conférence à Berlin, invités par l'Institut Heinrich Boell, sur l'avenir des réformes politiques et sociales en Iran. Cette conférence (c'était en avril 2000) restera fameuse parce que, à leur retour, de nombreux participants iraniens se sont retrouvés à Evin, la prison de Téhéran (Lahji et Kar ont d'abord été jugées à huis clos, puis après la protestation de leur avocate Shirin Ebadi, en audience publique, et condamnées pour atteinte à! la sécu rité de l'Etat et propagande contre le système islamique). La première manifestation Finalement, deux années ont passé avant que ces femmes n'osent faire une manifestation en public, le 8 mars 2003. Entre-temps cependant, nous explique Shojai, elles avaient décidé de se déclarer légalement comme « ONG », organisation non gouvernementale, pour pouvoir tenir des activités publiques : elles ont pris le nom de «Markaz-e Farhanghi- e Zanan, « Centre culturel des femmes ». En 2002, elles ont lancé une campagne contre la violence sur les femmes. « Notre objectif de fond est de travailler pour développer le niveau de conscience des femmes, et faire entrer leurs revendications dans les questions sociales plus larges ». Le centre culturel a constitué différents groupes - dont un qui s'occupe du site Web www.iftribune.com (cliquer sur « about us », il y a des pages en anglais). Un autre organise des séminaires, et elles parcourent tout le pays pour rencontrer des groupes de femmes : elles discutent de problèmes liés au statut légal des femmes, ou à la santé. Elles ont travaillé à Bam, la ville sinistrée par le tremblement de terre, où la reconstruction n'a pas encore vraiment démarré et où beaucoup de femmes doivent s'occuper de leurs familles et de leur survie dans des camps de réfugiés assez précaires. Elles sont allées chez les femmes afghanes (des milliers d'afghans sont en Iran, en tant que réfugiés), elles ont organisé des séminaires sur la prostitution ou sur la violence domestique. Un groupe s'est consacré à la Bibliothèque. Ça n'a pas été facile, dit Mansoureh Shojai. Le projet remonte à mars 2003, mais la bibliothèque que nous voyons maintenant n'a été ouverte qu'en mars de cette année, après mille difficultés, dont l'une a été de récolter des fonds. « Une bibliothèque de femmes est une école de conscience », pense Shojai. Elle parle d'un concert organisé pour recueillir des fonds pour la bibliothèque, mais peu de temps après il y a eu le tremblement de terre de Bam et elles ont utilisé la moitié de la recette pour les aides. Elles ont refusé des subventions internationales, parce que recevoir des fonds de l'étranger peut mettre dans une position difficile vis-à-vis des autorités et induire des soupçons (« faire un travail intellectuel dans un pays comme le notre comporte des problèmes compliqués »). En somme, elles se gèrent à partir de petites contributions privées, et des apports des lectrices usagères de la bibliothèque. La Bibliothèque des Femmes a plusieurs projets d'expansion, parmi lesquels un prix littéraire, du nom d'une écrivain et activiste iranienne du début du 20ème siècle, une de ces femmes qui ont inspiré des générations de féministes iraniennes : Sedigheh Dulat-Abadi (1882-1961) dont le beau visage couronné de cheveux gris nous regarde d'un poster affiché sur le seul fragment de paroi qui ne soit pas occupé par des livres. « Ensuite nous voulons faire une bibliothèque mobile, pour apporter les livres dans les zones les plus modestes du pays, où beaucoup de femmes et de fillettes liraient si elles en avaient l'occasion ». Mansoureh Shojai l'appelle « bibliothèque aux pieds nus » et explique que c'est son idée fixe depuis plusieurs années. « Nous avons fait la première tentative dans les camps de réfugiés afghans dans la province de Mashad (au nord-est de l'Iran, NDR). Il y a quelques activistes afghanes très compétentes qui coordonnent ces camps, on en avait entendu parler. Cependant, nous ne savions pas comment leur apporter les livres ; pour commencer nous les avons portés tout simplement dans des sacs à dos, puis, on les a distribués par l'intermédiaire de volontaires afghans ». La bibliothèque aux pieds nus et sacs à dosS( « L'Unicef a apprécié l'idée, maintenant nous pourrons la développer dans d'autres provinces du pays avec leur aide ». « Dans nos vies quotidiennes et dans l'action sociale, nous luttons contre la discrimination et contre les traditions patriarcales », lit-on sur le site du Centre Culturel des Femmes. C'est ce que disaient en effet les femmes courageuses qui se sont rassemblées le dimanche 12 juin devant l'Université de Téhéran, avec l'intention de mettre aussi dans la campagne électorale la requête de modification de la Constitution sur les points qui sont discriminatoires à l'égard des femmes. Dans cette manifestation, certaines activistes s'étaient relayées au mégaphone pour lire une liste de revendications, résumées par la parité des droits face à la loi : « Nous demandons des droits égaux pour que les instruments légaux nous donne le pouvoir d'arrêter les mariages forcés, de garantir aux mères la garde de leurs enfants, de prévenir la polygamie officielle et non officielle et garantir la parité dans le divorce ; de lutter contre la mesure légale qui assigne à la femme la moitié de la valeur de l'homme ; de développer le droit des jeunes femmes à décider de leur propre vie ; de prévenir les suicides de femmes désespérées, les délits d'honneur, la violence domestique, d'instituer des protections pour les femmes, d'institutionnaliser la démocratie et la liberté dans notre société ». Il y avait des femmes de tous âges, à cette manifestation, et d'âge très divers aussi sont celles que je vois absorbées dans la lecture, à la Bibliothèque du petit appartement sans plaque. Elles sont en train de faire une longue marche, les femmes iraniennes : commencée au lendemain de 1979, quand nombre d'entre elles avaient pris part à la Révolution pour s'entendre dire après par la plus grande partie de la société, que leur place était mise à l'écart, à la maison, dans le plus traditionnel des rôles, quand la révolution iranienne est devenue « Révolution islamique », et quand le vêtement musulman est devenu la loi de l'état. Le discours de Khomeiny Il restera fameux, ce discours , en 1979, de l'ayatollah Khomeiny, fondateur et guide suprême de la république islamique : « Chaque fois que dans un autobus un corps féminin frôle un corps masculin, une secousse fait vaciller l'édifice de notre révolution » (il faut admettre qu'il reconnaissait un grand pouvoir au corps fémininS(). De nouvelles lois abaissèrent l'âge du mariage (chose qui n'est pas écrite dans le Coran mais dans des traditions arriérées, objectèrent certaines), abolirent le droit des femmes au divorce (alors que les maris peuvent répudier leur femme), adoptèrent l'appareil de mesures qu'on attribuait au Coran concernant le statut légal des femmes : l'hérédité est réduite de moitié par rapport aux frères, le témoignage d'une femme vaut la moitié de celui d'un homme, même le « prix du sang » compte moitié moins (l'indemnisation qu'un assassin peut payer à la famille de la victime, et éviter la prison). Révolution contradictoire, cependant : parce que, recouvertes de leur tchador, de nombreuses fillettes et jeunes filles des couches les plus basses et les plus traditionalistes de la société sont finalement allées à l'école (aujourd'hui, presque 80 % des iraniennes de plus de six ans sait lire et écrire, contre 36 % en 1976). Même le militantisme musulman a été un moyen de sortir. La reconquête de l'espace public a été lente, mais inexorable. L'idéologie disait aux femmes de rester à la maison, les événements les ont poussées dehors : la longue guerre entre Iran et Irak (1980-1988), les crises, la nécessité de travailler. Peu à peu la génération qui avait dû subir le tchador a trouvé des portes de sortie : d'abord dans les fondations « révolutionnaires » institutionnelles, ensuite dans le nombre impressionnant d'organisations indépendantes nées dans les années 90 : des groupes de toutes sortes, depuis l'assistance aux enfants des rues, jusqu'à la promotion de cours de peinture ou d'activités culturelles - presque à chaque fois les protagonistes sont des femmes. Des ménagères d'âge moyen ont ainsi redécouvert un rôle de citoyennes. Celles qui avaient une profession l'ont reprise. Des femmes magistrats exclus de la carrière juridique sont devenues avocates pour défendre les droits des femmes. Récemment quelques unes ont pu reprendre leur charge de magistrat, même si ça n'est encore que pour des causes civiles. Les générations qui ont grandi sous le hijab cherchent des voies d'indépendance. Une petite patrouille de députées a mené au parlement des batailles sur le divorce et la garde des enfants, ou contre le mariage des fillettes, avant déjà la présidence de Mohammed Khatami, qui, à peine élu, en 1997, avait concédé ce fameux entretien au mensuel Zanan (« Femme ») où il reconnaissait aux iraniennes un rôle de protagonistes dans la société. Et elles sont des protagonistes : depuis les universités, où 65 % des inscrits sont des filles, au monde du travail, à la scène culturelle, cinéma, journalisme, et aux organisations sociales, où il semble que tout repose sur l'initiative de milliers de femmes. Cependant, des lois reconnaissant les droits des femmes continuent à faire défaut, dit Mansoureh Shojai, et elle craint déjà une période difficile : si la présidence va aux fondamentalistes de Ahmadi-nejad, ils promettent de restaurer les coutumes musulmanes qui sont désormais un peu délaissées. « La société iranienne, et en particulier sa composante féminine, a toujours été plus avancée que ses lois et ses institutions, dit Shojai. Nous n'accepterons pas de revenir en arrière. Nous utiliserons tous les espaces possibles ». Edition de samedi 25 juin de il manifesto http://abbonati.ilmanifesto.it/Quotidiano-archivio/25-Giugno-2005/art64.php3 Traduit de l'italien par Marie-Ange Patrizio --- Le Courriel d'information a été mis au point par l'équipe du Grain de sable. Reproduction autorisée sous couvert de la mention Courriel d'information ATTAC - http://attac.org/ Avertissement. Les documents publiés n engagent pas l'association ATTAC sauf mention contraire. 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