Subject: [ATTAC] INFO 532 - NON AU REGIME D'EXCEPTION, POUR UN ETAT D'URGENCE SOCIALE From: Grain de sable Date: Tue, 15 Nov 2005 18:43:48 +0100 To: gds@attac.org COURRIEL D'INFORMATION ATTAC (n°532) NON AU REGIME D'EXCEPTION, POUR UN ETAT D'URGENCE SOCIALE mercredi 16/11/05 Merci de faire circuler et de diffuser largement. Le Courriel est reçu aujourd'hui par 53149 abonnés ______________________________ S'abonner ou se désabonner http://france.attac.org/a3652 Confort de lecture et impression papier: Format RTF http://www.france.attac.org/IMG/rtf/attacinfo532.rtf Format PDF http://www.france.attac.org/IMG/pdf/attacinfo532.pdf ______________________________ ATTAC FRANCE EST SIGNATAIRE DE L'APPEL COLLECTIF ET APPELLE A SE REUNIR LE MERCREDI 16 NOVEMBRE A 18H30, PLACE SAINT-MICHEL A PARIS POUR DIRE NOTRE REFUS DE CE REGIME D'EXCEPTION ET POUR EXIGER UNE AUTRE POLITIQUE ______________________________ Dans ce numéro 1. NON AU REGIME D'EXCEPTION, POUR UN ETAT D'URGENCE SOCIALE ATTAC FRANCE EST SIGNATAIRE DE L'APPEL COLLECTIF ET APPELLE A SE REUNIR LE MERCREDI 16 NOVEMBRE A 18H30, PLACE SAINT-MICHEL A PARIS POUR DIRE NOTRE REFUS DE CE REGIME D'EXCEPTION ET POUR EXIGER UNE AUTRE POLITIQUE 2.- NON A L'ÉTAT D'EXCEPTION ET A TOUTES LES DISCRIMINATIONS Déclaration adoptée par les participants et participantes à la réunion de Florence pour "une Charte pour une autre Europe" les 12 et 13 novembre 2005, à propos de la situation en France 3.- MODELE BANLIEUE par Rossana Rossanda, ex-membre du Pci, journaliste, elle a fondé en 69 la revue il manifesto avec Lucio Magri, Luigi Pintor et Aldo Natoli, qui devient journal quotidien en 1971. Editorial de mercredi 9 novembre de il manifesto http://www.ilmanifesto.it/Quotidiano-archivio/09-NOvembre-2005/art36.html Traduit de l'italien par Marie-Ange Patrizio 4.- LES QUARTIERS POPULAIRES SUBISSENT AU QUOTIDIEN LA VIOLENCE DU LIBERALISME Seul un changement radical de politique pourrait répondre aux aspirations des catégories populaires et des jeunes plongés dans le désarroi. Rien ne pourra être fondamentalement résolu sans remise en cause de la dictature des marchés. Des alternatives économiques, des modes de développement solidaire et une répartition équitable des richesses sont possibles. A nous tous de porter et de promouvoir ces alternatives. Communiqué d'Attac France, le 8 novembre 2005 --------- 1. NON AU REGIME D'EXCEPTION, POUR UN ETAT D'URGENCE SOCIALE On ne répond pas à une crise sociale par un régime d'exception. La responsabilité fondamentale de cette crise pèse, en effet, sur les gouvernements qui n'ont pas su ou voulu combattre efficacement les inégalités et les discriminations qui se cumulent dans les quartiers de relégation sociale, emprisonnant leurs habitants dans des logiques de ghettoïsation. Elle pèse aussi sur ces gouvernements qui ont mené et sans cesse aggravé des politiques sécuritaires, stigmatisant ces mêmes populations comme de nouvelles « classes dangereuses », tout particulièrement en ce qui concerne la jeunesse des « quartiers ». Nous n'acceptons pas la reconduction de l'état d'urgence. Recourir à un texte provenant de la guerre d'Algérie à l'égard, souvent, de Français descendant d'immigré, c'est leurs dire qu'ils ne sont toujours pas français. User de la symbolique de l'état d'urgence, c'est réduire des dizaines de milliers de personnes à la catégorie d'ennemis intérieurs. Au-delà, c'est faire peser sur la France tout entière et sur chacun de ses habitants, notamment les étrangers que le gouvernement et le président désignent déjà comme des boucs émissaires, le risque d'atteintes graves aux libertés. Le marquage de zones discriminées par l'état d'urgence n'est pas conciliable avec l'objectif du rétablissement de la paix civile et du dialogue démocratique. Nous n'acceptons pas le recours à des procédures judiciaires expéditives, voire à une « justice d'abattage », alors qu'en même temps la même justice prend son temps pour élucider les conditions dans lesquelles sont morts Bouna et Zied à Clichy-sous-Bois. Restaurer la situation dans les « quartiers » et rétablir le calme, c'est d'abord restituer la parole à leurs habitants. Des cahiers de doléance doivent être discutés, ville par ville. C'est, ensuite, ouvrir une négociation collective pour mettre en ¦uvre des actions de rétablissement de l'égalité : cela implique l'adoption d'une véritable loi de programmation et que cessent les mesures de saupoudrage ou, pire encore, les marques de mépris, comme la stigmatisation des familles ou la transformation de l'apprentissage en mesure de relégation scolaire précoce. Une solidarité nationale authentique doit être au rendez-vous de la reconstruction du tissu social dans les banlieues. C'est, surtout, mettre en ¦uvre, dans la réalité, une réelle politique nationale de lutte contre les discriminations et pour l'égalité des droits. Nous affirmons qu'il y a là une véritable urgence nationale : il faut substituer à l'état d'urgence policier un état d'urgence sociale. Rendez-vous le mercredi 16 novembre, à 18h30, place Saint-Michel à Paris, pour dire notre refus de ce régime d'exception et pour exiger une autre politique. Signataires : Act Up-Paris, Les Alternatifs, Alternative citoyenne, L'appel des cent pour la paix, ATMF, Association des citoyens originaires de Turquie (ACORT), Association de défense des droits de l'Homme au Maroc (ASDHOM), Association des Tunisiens en France, ATTAC-France, Une Autre voix juive, Cedetim-Ipam, CGT, Comité pour le Respect des Libertés et des Droits de l'Homme en Tunisie (CRLDHT), Coordination Antividéosurveillance d'Ile-de-France, Coordination des collectifs AC !, Droit Au Logement, Droits devant!, Droit Solidarité, FASTI, FCPE, Fédération anarchiste, Fédération SUD-Etudiant, Fédération des Tunisiens pour une Citoyenneté des deux Rives (FTCR), FIDH, FSU, GISTI, LCR, Ligue des droits de l'Homme, Marches européennes, Mouvement des Jeunes Socialistes, Mouvement National des Chômeurs et Précaires (MNCP), Mouvement de la Paix, MRAP, No-vox, Les Oranges, Les Panthères roses, PCF, Rassemblement des associations citoyennes de Turquie (RACORT), Réseaux citoyens de Saint-Etienne, Souriez-Vous-Êtes-Filmé-es !, Syndicat des Avocats de France, Syndicat de la Magistrature, Syndicat National des Médecins de Protection Maternelle et Infantile, UNEF, Union démocratique bretonne (UDB), UNL, UNSA, Union syndicale Solidaires, Union des syndicats parisiens de la CNT (CNT-RP), Vamos !, Les Verts. 2.- NON A L'ÉTAT D'EXCEPTION ET A TOUTES LES DISCRIMINATIONS Déclaration adoptée par les participants et participantes à la réunion de Florence pour "une Charte pour une autre Europe" les 12 et 13 novembre 2005, à propos de la situation en France En juin dernier, un enfant de onze ans mourait à La Courneuve, dans le département de Seine-Saint-Denis (93), victime de deux balles perdues. Le ministre de l'intérieur français, Nicolas Sarakozy, avait en réponse promis de " nettoyer les banlieues au karcher ", et toute une population s'était alors sentie insultée par ces propos. Fin octobre, deux adolescents, Zyed et Bouna, mouraient électrocutés dans des circonstances non encore élucidées, pour avoir voulu échapper à l'hypothèse d'un contrôle de police, ce qui en dit long sur les rapports entre la police (notamment celle qui opère aujourd'hui dans les banlieues, la " BAC ", " brigade anti-criminalité ") et la jeunesse des cités. Pour celle-ci en effet, les contrôles au faciès, l'humiliation et le sentiment d'injustice (garde à vue répétitives, tabassages, etc.) sont quotidiens, alors que dans le même temps, la perspective d'un emploi stable et d'un avenir digne s'éloigne toujours plus (pour les jeunes des cités, les taux de chômage atteignent jusqu'à 50 % et la discrimination à l'embauche, en raison du nom ou de l'adresse est une donnée structurelle). Or, ces deux jeunes ont d'entrée été présentés comme coupables potentiels par le même Nicolas Sarkozy, avec le soutien du gouvernement, qui est allé jusqu'à parler de " racaille ". Là encore, ce ne sont pas les quelques trafiquants des cités qui se sont sentis vilipendés, mais toute une population. La goutte d'eau a fait déborder le vase. " Chauffés à blanc " par un quotidien fait de contrôles policiers à répétition, de mépris, d'humiliations, de précarité, de chômage, d'exclusion, de stigmatisation en tant qu'" étrangers " alors qu'ils sont le plus souvent français, de marginalisation des initiatives politiques qu'ils prennent pour revendiquer leurs droits, les jeunes des cités populaires, directement et le plus violemment touchés par les politiques néolibérales à l'¦uvre depuis plus de 30 ans, ont littéralement " explosé ". Ils ont exprimé leur révolte en brûlant, dans leurs propres quartiers, des voitures, des bus, des crèches, des écoles, des bureaux de postes, des équipements sociaux dont paradoxalement, les habitants desdits quartiers ont un besoin crucial. Face à cette situation, le gouvernement français a poursuivi son cynisme politique en conjuguant à nouveau propos méprisants et insultants et répressions, allant jusqu'à recourir à une loi datant du 3 avril 1955, établie à l'époque pour la guerre d'Algérie, et permettant d'établir " l'état d'urgence ", en même temps que d'autoriser des interdictions de séjour pour " toute personne cherchant à entraver, de quelque manière que ce soit, l'action des pouvoirs publics ", des assignations à résidence pour " toute personne [S(] dont l'activité s'avère dangereuse pour la sécurité et l'ordre publics ", la fermeture des " lieux de réunion de toute nature " et l'interdiction des " réunions de nature à provoquer ou à entretenir le désordre ". Le gouvernement a même prévu des perquisitions de nuit. Il peut, en outre, faire " prendre toutes mesures pour assurer le contrôle de la presse et des publications de toute nature ", et donner compétence aux juridictions militaires en concurrence avec les juges ordinaires. Plutôt, donc, que de répondre, à partir d'un dialogue élargi aux jeunes et à l'ensemble des forces nombreuses déjà mobilisées sur le terrain (associations, citoyen-ne-s, élu-e-s, syndicats), aux problèmes de fond posés à l'ensemble de la société française par le sort réservé à ses " quartiers populaires de banlieues ", le gouvernement n'a encore une fois choisi que la voie de la répression et de la limitation des libertés. Mais les banlieues, comme l'ensemble de la société française, n'ont pas besoin d'état d'exception : elles ont besoin, urgemment, de justice, de respect et d'égalité, de services publics de proximité, d'une autre politique. Notre solidarité va vers celles et ceux qui s'opposent aux discriminations de toute nature, à la mise en cause des libertés individuelles et collectives, aux politiques néolibérales. Nous condamnons fermement les choix du gouvernement français. Nous nous mobilisons pour faire grandir dans toute l'Europe des choix alternatifs qui seuls pourront établir la justice et la solidarité sociales, ainsi que le respect pour toutes et tous de la dignité et de la citoyenneté. 3. MODELE BANLIEUE par Rossana Rossanda Les banlieues parisiennes grondent et Romano Prodi a averti : les nôtres ne sont pas moins dégradées. Forza Italia l'a traité d'incendiaire. Les maires lui ont dit que non, les nôtres sont différentes. Calderoli (1) par contre que oui, et qu'il faut chasser les immigrés. Pisanu (2) ne craint pas les banlieues parce que chez nous le lieu des émeutes est la Val di Susa (3) . L'opposition a objecté " oui, mais ". Adriano Sofri (4) écrit des subtilités sur les automobiles. Mais Prodi a raison, seules les dimensions changent, ce qui n'est pas rien. Le grand agglomérat urbain qui s'est formé dans les années de l'expansion, alimenté par l'émigration interne et externe, se scinde en zones infranchissables, et plus il se développe, plus il se scinde de façon censitaire. La ville européenne est hiérarchique. Autour du noyau du beau monde, s'en sont allés, en s'agglomérant, pauvres et fragiles. A Paris, le centre est au beau monde et aux intellectuels qui peuvent se le permettre, ou bien aux touristes, et ce centre reste gouvernement, culture, art, fric. Entouré d'une grande bande de gens encore assez " bien ", comme à Milan ou à Rome, de quartiers bourgeois qui détestent les villes dortoirs qui arrivent au kilomètre juste plus loin, sans solution de continuité urbaine : là où se trouvait autrefois la ceinture des municipalités rouges et où fumaient les cheminées des grandes usines. De là s'étire une quatrième bande, ceux qui souhaiteraient habiter des endroits plus verts, mais les communes dans lesquelles arrive encore quelque lambeau de forêt se gardent bien de construire les vingt pour cent de logements populaires que prescrit la loi (sous peine de 150 euros d'amende) parce que dans cas les gens " bien " ne viendraient pas s'y installer. Quant aux immigrés primo arrivants ils n'ont pas de quartier, ils squattent les vieilles maisons inhabitées là où elles se trouvent, et il arrive, comme cet été, qu'ils y meurent dans un incendie, avec les condoléances de toute la ville. Voila la géographie d'une capitale, ma! is pas s eulement de Paris. C'est la ville typique de l'Europe de l'affluence, qui craque aujourd'hui. Le post industriel n'a pas besoin de main d'¦uvre, les gouvernements abandonnent les logements à loyers modérés, et ceux qui s'y trouvent ont du mal à payer le loyer. Voila la géographie sociale qu'on peut lire dans la répétition des blocs de ciment, dans la quantité d'écoles qui y sont et qui manquent, des enseignants qui y vont et qui n'y vont pas, dans la présence et absence de théâtres, musées, locaux, lieux de culture. Dans la troisième bande le reste de Paris ne se risque jamais. Ceux qui y étaient arrivés il y a trente ou quarante ans, trouvaient du travail et avaient quelques perspectives ; aujourd'hui, leurs rejetons n'en trouvent pas et n'en ont aucune. Ils sont nés en France, parlent français. Ils ne fréquentent ni école ni église ni mosquée, ils n'aiment pas une école qui ne leur promet rien. Ils sont dans les rues. En rupture avec leurs parents, qui leur en veulent et avec lesquels le dialogue, en admettant qu'il ait jamais existé, est fini. Ils sont en rupture avec les symboles de cette richesse radieuse qui les racole de toutes parts, affiches et télé, et qui les rejette. Ils ont eu envie de les casser tous, pas de tout casser - ça fait dix jours que certaines banlieues brûlent mais personne n'a eu l'idée de prendre la Bastille. Ils sont indifférents si c'est la voiture ou le cyclo d'un voisin qu'ils détruisent. Ils rivalisent, comme l'âge et le cinéma le veulent, d'un quartier à l'autre. Ils n'ont pas d'organisation, ce n'est pas vrai qu'ils soient infiltrés par la criminalité de la drogue, pas plus que ne le sont les périphéries romains ou milanaises ou turinoises. Ils sont virés de l'ascenseur social, ils le savent et ils se l'entendent dire. Ils ont commencé avec un seul slogan : " Respect, nous voulons du respect ". Et quand le ministre de l'intérieur les a appelé racaille, ça a été comme verser de l'huile sur le feu. Le gouvernement a déclaré l'état d'urgence, le premier ministre est venu à la télé et s'il le faut, les préfets décideront le couvre-feu. Le premier ministre, à la différence de Sarkozy, a balbutié quelque cause sociale à quoi, cependant, personne n'est en mesure de remédier facilement. Bien sûr : les remèdes sont des postes de travail qui, dans cette bande sociale manquent jusqu'à cinquante pour cent des demandeurs de cet âge là, manquent des écoles qualifiées, manquent des maisons qui ne soient pas des casernes, manque un réseau associatif et, surtout, manque la fin de la discrimination qu'ils sentent sur eux. On ne fait pas en un jour ce qu'on a rendu précaire pendant des années. Mais cette précarisation se développe un peu plus chaque jour. Qui a le culot de dire que, sauf pour les dimensions, cela n'arrive pas aussi à Milan, Rome ou Bologne ? Ce n'est pas le modèle d'intégration sociale français qui part en morceaux, ce sont tous les modèles de croissance suivis depuis vingt ans dans cette partie de l'Europe, et chers aux réformistes, qui sont taillés en pièce, une croissance à coût réduit du travail, si ce n'est sans travail et coupes sombres du welfare. Un tiers de la population en est rejeté, marginalisé. Et aujourd'hui, il est suffisamment acculturé pour ne pas le supporter. Et suffisamment sceptique devant le spectacle de la politique pour ne pas voir d'issue. Voila le modèle que nos réformistes aussi nous proposent, et qui en période de stagnation, si ce n'est de récession, devient un traquenard cruel. Pour que les institutions s'en aperçoivent il faut des flammes et des morts. Et quand elles s'en aperçoivent elles ne savent rien faire d'autre qu'envoyer la police et remplir les prisons. Ça n'arrive pas chez nous aussi ? Notes : (1) Ministre des réformes, auteur d'une série de lois sur l'immigration (2) Ministre de l'intérieur, pas mieux en la matière que celui ci-dessusS( (3) Manifestations contre le projet de train à grande vitesse, dans la vallée de Susa, depuis quelques semaines, voir http://unimondo.oneworld.net/article/view/121538/1/ (4) Intellectuel d'extrême gaucheS( Editorial de mercredi 9 novembre de il manifesto http://www.ilmanifesto.it/Quotidiano-archivio/09-NOvembre-2005/art36.html Traduit de l'italien par Marie-Ange Patrizio Rossana Rossanda, ex-membre du Pci, est journaliste, elle a fondé en 69 la revue il manifesto avec Lucio Magri, Luigi Pintor et Aldo Natoli, qui devient journal quotidien en 1971. Engagée depuis toujours dans les movimenti, elle intervient constamment par ses articles, dans un style percutant et sobre, sur les évènements de l'actualité la plus dramatique et les thèmes politiques, culturels et moraux les plus urgents. Elle vit maintenant entre Rome et Paris. 4.- LES QUARTIERS POPULAIRES SUBISSENT AU QUOTIDIEN LA VIOLENCE DU LIBERALISME Chômage de masse, logement social en désuétude, logements insalubres, absence de moyens pour l'éducation nationale, régression des services publics, insuffisance des transports en commun, pauvreté, exclusion sociale et ségrégation asphyxient les habitants des quartiers populaires. Malgré les efforts et les actions menées par des élus locaux et les associations qui s'époumonent à lancer des cris d'alarme sur la situation de ces quartiers, les inégalités ne font que s'accroître et la misère économique sociale et culturelle s'est peu à peu enracinée dans les cités. Cette situation est le produit direct des politiques néolibérales menées depuis près de 30 ans. Les dispositifs de politique de la ville prétendaient réparer les dégâts les plus criants de l'abandon par l'Etat de son rôle régulateur et redistributeur des richesses. Malgré leur caractère pourtant insuffisant, les gouvernements Raffarin-De Villepin n'ont cessé de rogner sur ces dispositifs, supprimant les subventions aux associations, ce qui a entraîné la mort de nombre d'entre elles, liquidant les mesures de prévention au bénéfice du répressif, gelant en 2005 plus de 350 millions d'Euros destinés aux banlieues, mettant fin aux emplois jeunes sans solution alternative, diminuant de 10% ses apports pour le logement social. Mais cette politique n'est pas une "erreur" tactique. Elle est l'expression, en France, des politiques libérales menées aussi au plan européen et international. Se généralisent délocalisation des entreprises, dérégulation du droit du travail, mise en concurrence accrue des travailleurs du sud et du nord, diminution des recettes de l'Etat (toujours moins d'impôt pour les plus favorisés). Les plus précaires, les moins "adaptables au système" sont touchés les premiers et le plus violemment. Ce sont eux qui peuplent les quartiers populaires des banlieues. Parmi ceux-ci, les jeunes, français ou non, nés de parents immigrés, subissent de surcroît une exclusion et des vexations liées à la couleur de leur peau, à l'origine de leur nom. Une génération entière est privée d'espoir et de perspectives de vie, l'école n'étant même plus en mesure de remplir son rôle. Leur désespérance s'exprime aujourd'hui de la manière la plus brutale, d'autant qu'elle a été exacerbée par les propos d'un ministre de l'Intérieur répressif qui cherche à capter les voix de l'extrême droite pour les futures élections présidentielles de 2007. La stratégie politicienne de Nicolas Sarkozy, qui consiste notamment à jouer sur la peur, est celle d'un libéral convaincu. Les quartiers populaires présentent aujourd'hui le visage d'un laboratoire du libéralisme sauvage que l'on retrouve sur d'autres territoires de la planète. Alors que les profits boursiers et la spéculation financière ne cessent d'augmenter, que les paradis fiscaux prospèrent, la pauvreté s'installe dans les pays les plus riches et ce de façon organisée et délibérée. Les discussions de l'OMC prévoient, lors du sommet de Hong Kong qui se tiendra en décembre 2005, de continuer à organiser et amplifier les bénéfices des multinationales. Au plan européen, la directive Bolkestein, réactivée, sera à l'ordre du jour le 22 novembre. C'est l'ensemble des citoyens, salariés ou chômeurs, français ou immigrés, qui doivent s'engager massivement dans la déconstruction de l'idéologie néolibérale. Attac appelle les associations d'éducation populaire, celles qui sont impliquées dans les quartiers, les banlieues et les zones rurales, tous les citoyens et citoyennes, à participer à toutes les initiatives contre l'OMC, contre la directive Bolkestein, pour le développement des services publics qui auront lieu en novembre et en décembre. Elle appelle ses adhérents, les comités locaux, à poursuivre le travail engagé pour ouvrir les rangs de l'association aux catégories populaires. La révolte qui s'exprime aujourd'hui par la violence est un cri de désespoir d'une génération abandonnée. Toutefois, les cibles de cette violence (écoles, gymnases, autobus, etc.) constituent des biens collectifs dont les quartiers en souffrance ont impérieusement besoin, ou des biens appartenant aux habitants de ces quartiers. Ces actions ne peuvent en aucun cas apporter de réponses en faveur de l'amélioration des conditions de vie des habitants ni offrir de perspectives concrètes. Victimes de la violence du libéralisme, les quartiers populaires souffrent aussi, depuis ces derniers jours, d'une violence menée par une partie de la jeunesse, qui s'apparente parfois à des actes d'autodestruction. Cette double violence accroît le risque de développement des politiques sécuritaires et répressives, de division des habitants et de remontée des idées portées par le Front National. Les mesures annoncées le 7 novembre par le Premier ministre se situent quasi exclusivement dans cette perspective. L'exhumation d'une loi d'exception, instaurant le couvre-feu, datant de la guerre d'Algérie, en est le signe le plus fort. Elle risque d'aggraver les tensions et de raviver la mémoire la plus douloureuse de parents et grands-parents. Attac dénonce la mise en oeuvre de cette loi liberticide qui permet des assignations à résidence, la fermeture des lieux de réunions, leur interdiction, la censure de la presse et peut donner une compétence civile aux autorités militaires. En aucune manière elle ne constitue une réponse responsable et efficace à la situation actuelle. Jeunes et habitants des quartiers, salariés ou chômeurs, retraités ou actifs : nous avons pour tâche d'organiser ensemble nos ripostes et nos résistances face à l'adversaire commun qui pille nos richesses et défait les solidarités. Il s'agit bien d'un combat politique dans lequel il appartient à chacun de prendre sa part et ses responsabilités afin que les quartiers populaires ne soient livrés ni à la violence, ni à la répression, ni à la misère, ni aux mouvements religieux. Attac exprime sa solidarité avec toutes celles et ceux - élus locaux, militants associatifs, travailleurs sociaux, et simples citoyens - qui, par leur présence sur le terrain, s'efforcent de nouer le dialogue, de prévenir des affrontements et des destructions supplémentaires. La situation des quartiers populaires est l'affaire de tous, elle est une affaire de solidarité et de citoyenneté. La résolution du problème passe évidemment par l'arrêt des discriminations et par l'accès à l'emploi. C'est la priorité numéro un. Dans l'immédiat, l'accès au revenu est indispensable pour les jeunes qui ne perçoivent ni les allocations chômage - car beaucoup n'ont jamais travaillé -, ni le RMI quand ils ont moins de 25 ans. Seul un changement radical de politique pourrait répondre aux aspirations des catégories populaires et des jeunes plongés dans le désarroi. Rien ne pourra être fondamentalement résolu sans remise en cause de la dictature des marchés. Des alternatives économiques, des modes de développement solidaire et une répartition équitable des richesses sont possibles. A nous tous de porter et de promouvoir ces alternatives. Pour que l'espoir d'une transformation sociale radicale ouvre des perspectives de vie à chacun et à chacune. Attac France, le 8 novembre 2005 --- Le Courriel d'information a été mis au point par l'équipe du Grain de sable. Reproduction autorisée sous couvert de la mention Courriel d'information ATTAC - http://attac.org/ Avertissement. 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