Subject: [ATTAC] INFO 531 - SOUVERAINETES From: "Grain de Sable" Date: Wed, 9 Nov 2005 15:33:58 +0100 To: COURRIEL D'INFORMATION ATTAC (n°531) SOUVERAINETES mercredi 9/11/05 Merci de faire circuler et de diffuser largement. Le Courriel est reçu aujourd'hui par 53021 abonnés ______________________________ S'abonner ou se désabonner http://france.attac.org/a3652 Confort de lecture et impression papier: Format RTF http://www.france.attac.org/IMG/rtf/attacinfo531.rtf Format PDF http://www.france.attac.org/IMG/pdf/attacinfo531.pdf ______________________________ Dans ce numéro 1.- A propos de la vision du secrétaire général Annan exposée dans « Libérés de la peur » Dans le paragraphe intitulé « Liberté face à la peur », le rapport du secrétaire général Kofi Annan « Pour une plus grande liberté » expose une approche complète sur la manière de mettre en ouvre une sécurité globale. Il déclare que « La prévention des conflits meurtriers doit être au centre de tous nos efforts, depuis lutter contre la pauvreté et soutenir un développement durable, en renforçant les possibilités locales de gérer les conflits, de promouvoir la démocratie et la primauté de la loi, et en endiguant les flux de ventes d'armes de poing et d'armes légères; jusqu'à mettre en ouvre des activités de prévention efficaces tels que les missions de bons offices, les missions du Conseil de sécurité et les déploiements préventifs de troupes ». Par Walden Bello, Professeur de sociologie à l'Université des Philippines et Directeur Exécutif de Focus on the Global South. 2.- La guerre juste d'un pays à l'avant-garde La Bolivie existe-t-elle vraiment ? On a de temps en temps des nouvelles de son existence : quand on tua le Che Guevara à La Higuera, à l'occasion d'un golpe (mais pas tant que ça, d'ailleurs, s'il y en a eu 191 en 180 années d' indépendance), quand on parle de la coca. Par certains côtés, on en viendrait à dire qu'elle n'existe pas. Dans la lointaine année 1870, le président bolivien de l'époque, Mariano Melgarejo, un ex-sergent golpiste un peu rustre, irrité par l'ambassadeur anglais à La Paz, le fit enduire de chocolat et faire un tour de ville monté en croupe à l'envers sur une mule. Quand l'incident parvint à Londres, la reine Victoria donna l'ordre de bombarder La Paz ; et quand le premier ministre Gladstone lui indiqua que La Paz était à 500 kilomètres de la mer, la reine se fit porter une carte géographique et, après avoir découvert où se trouvait le pays, elle l'effaça d'un trait de plume en déclarant : « La Bolivie n'existe pas ». Par Maurizio Matteuzi, Il Manifesto --------- 1- A propos de la vision du secrétaire général Annan exposée dans « Libérés de la peur » par Walden Bello Professeur de sociologie à l'Université des Philippines et Directeur Exécutif de Focus on the Global South (Propos tenus lors d'un séminaire intitulé « Pour une plus grande liberté » par le secrétaire général des nations unies Kofi Annan au new World Hotel, Mataki, aux Philippines, le 6 septembre 2005.) Dans le paragraphe intitulé « Liberté face à la peur », le rapport du secrétaire général Kofi Annan « Pour une plus grande liberté » expose une approche complète sur la manière de mettre en ouvre une sécurité globale. Il déclare que « La prévention des conflits meurtriers doit être au centre de tous nos efforts, depuis lutter contre la pauvreté et soutenir un développement durable, en renforçant les possibilités locales de gérer les conflits, de promouvoir la démocratie et la primauté de la loi, et en endiguant les flux de ventes d'armes de poing et d'armes légères; jusqu'à mettre en ouvre des activités de prévention efficaces tels que les missions de bons offices, les missions du Conseil de sécurité et les déploiements préventifs de troupes ». Nous ne pouvons pas ne pas y souscrire, et le fait qu'il y ait un parmi nous un consensus grandissant pour dire que le développement, l'édification de la paix et la prévention des conflits doivent être entrepris de manière simultanée si nous voulons que les initiatives de paix et de sécurité débouchent et durent constitue certainement un pas en avant. Il s'agit toutefois d'un consensus entre agences des nations unies, d' analystes et d'artisans de paix, et d'acteurs de la société civile. De plus, les expériences positives dans ce domaine se sont déroulées à l'échelle locale, des microsociétés. Les tendances négatives globales Malheureusement, à l'échelle mondiale des macro sociétés, les tendances prennent la direction opposée, vers une déstabilisation plus grande et donc une insécurité accrue de la vie humaine. Quelles sont ces tendances ? La menace du terrorisme international en est une, ainsi que l' affaiblissement des statuts multilatéraux des armes nucléaires, les deux étant soulignées dans le document. Mais il y a d'autres menaces qui se développent, qui soit ne sont pas mentionnées, soit sont sous-estimées par le document, à mon avis. La première tendance que j'aimerais souligner est celle que le document nomme par un doux euphémisme la recherche par certains états « d' alternatives au Conseil de Sécurité comme source d'autorité » afin de recourir à la force contre d'autres états. Jamais depuis la fin de la seconde guerre mondiale les normes établies par les lois internationales n' ont été plus menacées qu'elles ne le sont aujourd'hui. Et le fait que l' artisan principal de cette déstabilisation soit le membre le plus puissant du système international est dérangeant. Quelle ironie qu'il y ait un vif débat à propos de la Chine, à savoir si elle est une puissance « libérale » ou « réactionnaire », pour utiliser le vocabulaire des relations internationales, alors que les Etats-Unis devraient être l'enjeu des discussions. Pour moi, il ne fait aucun doute que les Etats-Unis sont une puissance réactionnaire, c'est-à-dire une puissance qui cherche à changer de manière complète les attributs de superpuissance encore plus dans son sens, si nous tenons compte de ce qui suit: - Sous le faux prétexte d'éliminer des armes de destruction massives, les Etats-Unis ont remis en cause un des fondements du système onusien, à savoir la souveraineté inviolable des états-nations, en attaquant l'Irak. - L'administration Bush a écarté les conventions de Genève sur le traitement des prisonniers en instituant une nouvelle catégorie « de combattants ennemis » afin de pouvoir faire subir à certains prisonniers des traitements contraires à la loi, y compris la torture. - des directives de la Maison Blanche ont illégalement étendu les pouvoirs de l'Etat américain, permettant à des agents de la C.I.A d'appréhender des personnes en Italie, en opposition à la loi italienne, et de les transférer dans la base navale de Guantanamo à Cuba. Le développement de puissantes agences économiques multilatérales minant le développement a constitué la seconde tendance majeure qui représente un obstacle à l'évolution positive des choses à la base. Le but affiché d' utiliser les politiques d'échange pour promouvoir le développement, qui a été si bien développé par Paul Prebisch (CNUCED), a été remplacé par la subordination du développement au libre-échange, au profit des groupes privés, et aux intérêts économiques des pays riches durant ces vingt-cinq dernières années. Et tout ceci allait de pair avec la position dominante atteinte par le Fonds Monétaire International, la Banque Mondiale et l' Organisation Mondiale du Commerce aux dépens des agences économiques de l' ONU dans un système de gouvernance économique mondiale et d'hégémonie du néo-libéralisme. Une pauvreté accrue, de l'inégalité de la stagnation économique ont été les conséquences de la logique du néolibéralisme, avec comme conséquence sa perte de crédibilité et de légitimité. Toutefois, avec la force d'inertie proverbiale d'un train lancé à toute vitesse, les politiques néolibérales continuent à prévaloir à peu près partout. Mais le problème n'est pas seulement idéologique, c'est-à-dire traitant des conséquences négatives résultant de politiques guidées par des présupposés erronés. Ces politiques sont appliquées afin de contrecarrer de manière consciente les intérêts des pays en voie de développement. Par exemple, au Fonds Monétaire International (FMI), les pays riches ont étouffé dans l'ouf les tentatives de réforme due système décisionnel qui avaient pour but d'octroyer aux pays en voie de développement un plus grand poids de décision dans la politique de l'agence. De même, les Etats-Unis ont apposé leur véto à une très timide proposition, le Mécanisme de Restructuration de la Dette Souveraine (SDRM), qui aurait permis aux pays en voie de développement de se protéger des créanciers pendant qu'ils restructuraient leur dette extérieure. La nomination de Paul Wolfowitz, dont le nom est lié à l'unilatéralisme, présage d'une ère dans laquelle les politiques de la Banque Mondiale risquent d'être orientées de manière encore plus étroites à ce que la droite américaine définit comme les intérêts nationaux des Etats-Unis. A l'Organisation Mondiale du Commerce (OMC), le soi-disant "Accord-cadre de juillet" qui sert de document de négociation dans la prochaine rencontre ministérielle de Hong Kong préserve de manière éhontée les subventions élevées des agricultures en Europe et aux Etats-Unis tout en exigeant l' accès aux marchés des pays en voie de développement pour y écouler des produits subventionnés à bas prix. Parce que ces tendances négatives du système économique mondial créent plus de pauvreté et d'inégalité, elles doivent être considérées comme une menace à la sécurité mondiale, une restriction de la liberté face à la peur, et l' ONU doit y faire face et les affronter de manière décisive. Avoir négligé de faire cela a conduit à la troisième tendance négative sur laquelle j'aimerais attirer votre attention, à savoir que le Groupe des Huit s'set substitué aux Nations Unies dans leur rôle principal pour affronter les problèmes mondiaux. Au récent sommet du G8 en Ecosse, début juillet, le G8 s'est octroyé le leadership mondial dans le domaine de la dette; des échanges, de l'aide et des changements climatiques. Pour deux raisons cela constitue un problème de taille. D'abord parce que le G8 est une instance informelle, issue d'aucune élection et qui n'a de compte à rendre à personne. Ensuite parce qu'il représente les intérêts des pays les plus puissants, si bien que les propositions qu'elle traite concernant les problèmes mondiaux les plus urgents sont configurées pour servir d'abord les préoccupations des intérêts principaux de ces pays. Et en effet, il en émerge un système de gouvernance mondiale dans lequel le G8 prend les principales décisions dans des situations d'importance mondiale, qui sont ensuite mises en ouvre par le FMI, la Banque Mondiale et l'OMC, passant outre les structures de l'ONU. Ce qui rend ce jeu de pouvoir si insidieux, c'est qu'il s'exerce en empruntant la rhétorique des Objectifs de l'ONU pour un Développement du Millénaire et de la réduction de la pauvreté mondiale. Voilà les principales tendances dans la macro-échelle mondiale qui peuvent facilement compromettre les succès atteints au niveau de la micro-échelle locale par une plus grande coordination dans les efforts de développement, de construction de la paix, et de prévention des conflits. Les tendances contraires. Heureusement, il y des forces qui contrebalancent ces tendances mondiales négatives. Quelles sont ces contre-tendances positives ? D'abord, le mouvement mondial pour la paix, un pouvoir dont le potentiel s' est partiellement révélé le 15 2003, quand plus de 4l0 millions de personnes ont défilé contre le projet d'invasion de l'Irak dans des centaines de villes à travers le monde. Ce que ce mouvement a peut-être fait de plus étonnant a été de convoquer des Tribunaux Mondiaux sur l'Irak (TMI) à New-York, Copenhague, Tokyo, Bombay, la Corée du Sud, et dans un certain nombre d'autres villes. Les jurés de Conscience du Tribunal Mondial sur l' Irak conduits par la romancière Arundhati Roy a adopté au cours d'une récente session plénière à Istanbul une résolution morale qui pourrait influer sur la suite des événements: elle a invité les soldats américains et du reste de la Coalition à user de leur droit à l'objection de conscience et a engagé la communauté à procurer des zones de refuge à travers le monde pour ceux qui entendent cet appel. Ensuite nous avons le mouvement de la justice mondiale, également connu comme mouvement contre la mondialisation conduite par des groupes privés. Ce mouvement a largement contribué au dérapage de la rencontre interministérielle de l'OMC à Seattle en 1999 et à Cancun en 2003. Alors qu' il est surtout connu pour son opposition au FMI, à l'OMC et à la Banque Mondiale, ce mouvement est également un lieu passionnant d'émergence d' alternatives au paradigme dominant du système néolibéral d'alternatives au développement et à la gouvernance économique mondiale qui subordonnerait le marché, les échanges, et la rentabilité aux objectifs de développement, de justice économique, et de solidarité sociale. En troisième lieu, nous avons les pays du Sud qui s'unissent pour résister à la continuelle hégémonie des pays du Nord. Les mois qui ont précédé la réunion interministérielle de l'OMC à Cancun en 2003 ont vu l'émergence du Groupe des20, du Groupe des 33, et du Groupe des 90.La résistance de ces groupes, avec celle de la société civile, a empêché les gouvernements du Nord de piloter la réunion. Tout en ayant leur part de lacunes, ces alliances offrent néanmoins la possibilité de servir de tremplin aux efforts vers une plus grande coopération économique des pays du Sud entre eux en dehors du cadre des accords de Bretton Woods et de l'OMC. Finalement, beaucoup de gouvernements des pays du Sud aussi bien que des réseaux de la société civile se rassemblent progressivement autour du processus de réforme de l'ONU, avec la conscience que bien le système onusien comporte beaucoup de lacunes, il demeure toujours l'une des quelques structures existantes qui peuvent contrebalancer les tendances vers le monde plus instable et injuste promu par les intérêts politiques et privés dominants. Ceci nous conduit à la problématique de la réforme de l'ONU, dont quelques propositions positives sont consignées dans le document du Secrétaire Général. Toutefois, la plupart des ces propositions sont à un niveau où elles pourraient mieux faire en matière d'efficacité. Ce dont nous avons réellement besoin, ce sont des réformes qui touchent au déséquilibre de pouvoir à l échelle mondiale entre les états membres, qui est la cause première de l'insécurité mondiale. La réforme de l'ONU dans l'esprit de beaucoup de gouvernements et de réseaux de la société civile n'est pas ce que le gouvernement des Etats-Unis appellent " la réforme de l'ONU", qui signifie continuer à rogner les pouvoirs de l'ONU. Au contraire, le programme progressif de réformes de l'ONU entre autres contient les choses suivantes: - un pouvoir effectif de décision accru de l'Assemblée Générale; - la réduction du pouvoir des grandes puissances dans le Conseil de Sécurité, y compris l'abolition du système anachronique des Cinq Membres Permanents; - une capacité accrue de l'ONU et des instances judiciaires qui lui sont liées, comme la Cour Internationale de Justice, pour juger et sanctionner les écarts et les violations des lois internationales perpétrés par des pays membres puissants, comme les Etats-Unis; - La fin d'un régime de sécurité à double vitesse, dont le Traité de Non-prolifération nucléaire en est le principal représentant, qui permet à quelques états de continuer à posséder des armes nucléaires tout en interdisant la possession à d'autres - ce qui veut dire que tout les états doivent se débarrasser de leur arsenal nucléaire; - Le renforcement du système onusien d'agences économiques, composé entre autres, de la CNUCED, de la Commission Economique pour l'Amérique latine, de la Commission Economique et Sociale pour la zone Asie-Pacifique, servant de contrepoids au système de Bretton Woods et à l'OMC. - L'institutionnalisation au profit de la société civile -particulièrement des mouvements sociaux- d'un poids décisionnel équivalent à celui des gouvernements au sein du système de l'ONU. Somme toute, nous ne pouvons pas séparer les progrès dans la promotion de la sécurité de l'homme à micro-échelle des tendances mondiales à macro-échelle. Quelques-unes de ces tendances sont véritablement dérangeantes, en particulier l'unilatéralisme insolent des Etats-Unis, que beaucoup d' analystes décrivent de plus en plus comme manifestant les caractéristiques réservés aux états voyous. Le système des Nations Unies ne peut pas demeurer pertinent sans se mobiliser et se confronter directement à ces tendances pour les contrebalancer et il peut peut-être le faire en trouvant des voies pour guider les phénomènes tels que l'émergence d'un bloc de pays en voie de développement plus indépendant d'esprit et la force grandissante de la société civile mondiale, qui prennent l'autre direction positive. --------- La guerre juste d'un pays à l'avant-garde Par Maurizio Matteuzzi La Bolivie existe-t-elle vraiment ? On a de temps en temps des nouvelles de son existence : quand on tua le Che Guevara à La Higuera, à l'occasion d'un golpe (mais pas tant que ça, d'ailleurs, s'il y en a eu 191 en 180 années d' indépendance), quand on parle de la coca. Par certains côtés, on en viendrait à dire qu'elle n'existe pas. Dans la lointaine année 1870, le président bolivien de l'époque, Mariano Melgarejo, un ex-sergent golpiste un peu rustre, irrité par l'ambassadeur anglais à La Paz, le fit enduire de chocolat et faire un tour de ville monté en croupe à l'envers sur une mule. Quand l'incident parvint à Londres, la reine Victoria donna l'ordre de bombarder La Paz ; et quand le premier ministre Gladstone lui indiqua que La Paz était à 500 kilomètres de la mer, la reine se fit porter une carte géographique et, après avoir découvert où se trouvait le pays, elle l'effaça d'un trait de plume en déclarant : « La Bolivie n'existe pas ». Peut-être l'épisode ne s'est-il pas déroulé exactement comme ça ; mais ce geste et ces paroles d'arrogance impériale résument bien les histoires tourmentées que la Bolivie traîne avec elle aujourd'hui encore. Si pour la reine Victoria -le Bush de l'époque- la Bolivie avait cessé d'exister, elle avait existé, et elle continue à exister pour les hordes de conquistadores qui l'ont rongée jusqu'à l'os pendant des centaines d'années. C'est le pays le plus pauvre d'Amérique latine, après l'insurpassable Haïti. Le plus indio, avec ses 60% de quechua et ayamara, qui deviennent 80-90% avec les cholos (les métis). Le plus isolé, depuis que le Chili lui a pris ses ports et son littoral avec la guerre du Pacifique en 1879. Le plus saccagé: l'argent aux espagnols, la potasse aux anglais, le cuivre aux chiliens, l'étain aux trois barons boliviens Patiño-Hochscild-Aramayo qui n' ont laissé en Bolivie que les trous des mines et les cimetières des mineurs ; l'eau, c'est les nord-américains de Bechtel et les français de Suez-Lyonnaise des Eaux qui voulaient la prendre pour eux, le gaz - dernière ressource de valeur- une vingtaine de compagnies multinationales avec tous les noms du gotha de l'économie globale : les anglais de British gaz, les français de Total, les nord-américains de Mobil et Enron, les espagnols de Repsol, les brésiliens de Petrobras. Même les derniers épisodes de l'histoire de la Bolivie, ceux qui ont conduit d'abord à la démission et fuite (à Miami) du président néo-libéral et proaméricain Sanchez de Lozada, en octobre 2003, et maintenant à la démission (sans fuite et sans morts, soit dit à son honneur) de Carlos Mesa, pourraient être lus et « effacés » comme des convulsions négligeables d'un pays qui n'existe pas. Et au contraire, non, qu'on le regarde à l' échelle latino-américaine ou à une échelle plus vaste. Globale, justement. L'Amérique latine est plus que jamais « le continent de l'espoir », comme disait le pape polonais en pensant à son troupeau. Mais aujourd'hui, cet espoir, au-delà des latino-américains, est le « notre », même si les nouvelles vagues de présidents sont en général et tout au plus social démocrates. L'Amérique latine est peut-être le seul endroit au monde qui est en train de se rebeller contre le néo-libéralisme et contre la globalisation american (and european) style. Les indigènes, d'élément résiduel de l' histoire de la « civilisation », sont passés de la résistance à l'offensive, à un « réveil » que d'aucuns se risquent à appeler « Intifada india ». Les populations - des indiens en Bolivie et enEquateur, aux blancs en Argentine- ont dit basta au saccage, basta à un système qui engraisse les comptes des oligarchies locales et les bilans des banques des pays riches, mais n' apporte que misère, violence et mort à tous les autres. C'est pour cela qu'en Amérique latine les présidents, même élus démocratiquement, mais tous ou presque avec l'estampille néo-libérale, tombent comme des quilles. Ils sont déjà 11 depuis 1992 : le brésilien Collor, le vénézuélien Andres Perez, les équatoriens Bucaram, Mahuad et Guttierez, le paraguayen Cubas, le péruvien Fujimori, l'argentin De la Rua, l'haïtien Aristide (même si la c'est, au moins en partie, une autre histoire), les boliviens Sanchez de Loada et Mesa. Et au moins deux autres - le péruvien Toledo et le nicaraguayen Bolaños- sont à risques. Beaucoup, à chaque chute et fuite, ont pleuré pour la démocratie. Mais il n' y a pas à pleurer parce qu'elle n'était - n'est - qu'une sous-espèce de démocratie formelle, qui s'épuise avec les élections. Comment se fait-il que des journaux comme le New York Times et l'Economist, écrivant sur l' Argentine de Menem ou la Bolivie de Sanchez de Lozada, définissaient ces gouvernements, dont les résultats coûtent cher aujourd'hui, comme des « world class success stories » ? La « guerre de l'eau » d'abord, et la « guerre du gaz » maintenant - qui est la vraie raison du conflit - font de la Bolivie un des pays les plus existants au monde. Un pays très moderne et d'avant-garde. Parce que c'est là que se joue la partie entre la mondialisation néo-libérale et la mondialisation des droits et des ressources humaines. Etant données les forces en présence - matérielles et médiatiques-, et même si la raison induit au pessimisme quant à la fin de l'histoire (même) du gaz bolivien, voilà, oui, une guerre qui est juste. Pas seulement en Bolivie. Edition de mercredi 8 juin 2005 de il manifesto. Traduit de l'italien par Marie-Ange Patrizio. --- Le Courriel d'information a été mis au point par l'équipe du Grain de sable. Reproduction autorisée sous couvert de la mention Courriel d'information ATTAC - http://attac.org/ Avertissement. Les documents publiés n engagent pas l'association ATTAC sauf mention contraire. Ils peuvent représenter l opinion de groupes thématiques,de personnes ou d autres organisations. Il s agit avant tout de pouvoir profiter des expertises et des idées disponibles afin de construire, ensemble, cet autre monde possible, de nous réapproprier notre avenir.