Subject: [ATTAC] INFO 529 - 15/10, GENEVE : STOPPONS L'EMPRISE DES MULTINATIONALES A L'OMC ! From: Grain de sable Date: Wed, 12 Oct 2005 17:10:02 +0200 To: COURRIEL D'INFORMATION ATTAC (n°529) 15/10, GENEVE : STOPPONS L'EMPRISE DES MULTINATIONALES A L'OMC ! mercredi 12/10/05 Merci de faire circuler et de diffuser largement. Le Courriel est reçu aujourd'hui par 53021 abonnés ______________________________ S'abonner ou se désabonner http://france.attac.org/a3652 Confort de lecture et impression papier: Format RTF http://www.france.attac.org/IMG/zip/attacinfo529.zip Format PDF http://www.france.attac.org/IMG/pdf/attacinfo529.pdf ______________________________ Dans ce numéro 1.- 15/10, GENEVE : STOPPONS L'EMPRISE DES MULTINATIONALES A L'OMC ! La conférence ministérielle de l'OMC à Hong Kong approche. A Genève, les négociations s'intensifient pour en assurer le succès. Ayant encore à l'esprit l'échec de Cancun, l'OMC a changé sa stratégie de négociation. Les négociateurs tentent de résoudre les questions les plus conflictuelles durant les Conseils Généraux à Genève, évitant ainsi les feux des projecteurs et la pression populaire qui ont contribué aux précédents blocages. Cette stratégie renforce encore l'aspect opaque et non-démocratique de ses décisions. La société civile doit s'opposer à cette stratégie ! Par l'Alliance Genevoise des peuples - http://www.france.attac.org/a5572 2.- MISSION IMPOSSIBLE POUR LAMY ? Dans le monde uniforme des négociations commerciales, Pascal Lamy se repère instantanément. Son crâne rasé de près et son regard déterminé, façonnés par la course à pied et d'impressionnantes heures de travail, le distinguent des autres. Dès le moment où il se jeta dans la bataille pour le poste de Directeur Général de l'OMC, on présageait sans trop de doutes que sa nomination lui serait servie sur un plateau. Par Nicola Bullard de Focus on the Global South. Traduction par Jean-Charles Ladurelle and Thomas van Oudenhove de Coorditrad. 3.- LE SOMMET DE L'OMC A HONG-KONG Le prochain sommet de l'Organisation Mondiale du Commerce aura lieu à Hong-Kong du 13 au 18 décembre 2005. Et l'OMC est l'institution internationale, qui illustre le mieux le caractère libéral des politiques commerciales d'aujourd'hui ; un objectif prime tout : supprimer les entraves au libre échange, sans qu'aucun pouvoir ne puisse s'y opposer ! Dans cette logique, le sommet de Hong-Kong a pour objet de donner, par une coordination accrue des politiques libre échangistes, plus d'efficacité aux décisions, qui y seront prises sur quatre dossiers clefs, censés servir le développement. Pour comprendre les enjeux de ce sommet, interrogeons l'histoire et l'actualité de l'OMC à travers trois entrées : les principes directeurs de la politique de l'OMC, les domaines décisifs où cette institution veut « avancer », les enjeux de cette prochaine conférence inter ministérielle. Par Albert Richez, membre du Conseil scientifique d'Attac France. 4.- CONTRE LA MONDIALISATION LIBERALE Déclaration Les enclaves de Ceuta et Melilla, pointes avancées de la présence espagnole en Afrique, offrent aujourd'hui le spectacle hideux et poignant des ravages provoqués par la mondialisation néo-libérale sur le continent africain. Par Attac Maroc, Groupe de Rabat : attac_rabat@caramail.com ______________________________ 1.- 15/10, GENEVE : STOPPONS L'EMPRISE DES MULTINATIONALES A L'OMC ! La conférence ministérielle de l'OMC à Hong Kong approche. A Genève, les négociations s'intensifient pour en assurer le succès. Ayant encore à l'esprit l'échec de Cancun, l'OMC a changé sa stratégie de négociation. Les négociateurs tentent de résoudre les questions les plus conflictuelles durant les Conseils Généraux à Genève, évitant ainsi les feux des projecteurs et la pression populaire qui ont contribué aux précédents blocages. Cette stratégie renforce encore l'aspect opaque et non-démocratique de ses décisions. La société civile doit s'opposer à cette stratégie ! SAMEDI 15/10/05 à 14h00 départ devant l'OMC, avenue de la Paix, Genève L'agenda de juillet qui a été décidé l'année dernière montre ce changement de stratégie. Le Conseil Général en juillet de cette année, qui s'est terminé sans accord, a encore une fois montré la nature réelle des pourparlers commerciaux : le cycle actuel de négociation sera une fois de plus un cycle au service des multinationales, sans que les intérêts des petits agriculteurs, des femmes, des travailleurs et des travailleuses, des plus pauvres et de l'environnement, ne soient pris en compte. Au vu de ce qui se passe pour l'agriculture, les services et les biens industriels - et au vu des rapports de force à l'OMC - les évolutions récentes suscitent de réelles et graves inquiétudes. Il est donc indispensable d'exercer une pression populaire et de focaliser l'attention internationale sur les prochains Conseils Généraux de l'OMC à Genève. Les mouvements sociaux et la société civile doivent être présents pour faire porter leur responsabilité aux membres de l'OMC, et pour s'assurer que les pays en développement, les intérêts des peuples du monde et de l'environnement ne soient plus bafoués, dans la fuite en avant toujours plus libérale du commerce international. D'ici à Hong Kong, toute l'attention est portée sur le Conseil Général d'octobre, durant lequel d'importantes décisions devraient être prises dans tous les secteurs. La ministérielle de Hong Kong devrait donc servir au mieux à entériner des décisions plutôt qu'à les prendre. Par l'Alliance Genevoise des peuples - Tract d'appel à la manifestation : http://www.france.attac.org/a5572 2.- MISSION IMPOSSIBLE POUR LAMY ? Dans le monde uniforme des négociations commerciales, Pascal Lamy se repère instantanément. Son crâne rasé de près et son regard déterminé, façonnés par la course à pied et d'impressionnantes heures de travail, le distinguent des autres. Dès le moment où il se jeta dans la bataille pour le poste de Directeur Général de l'OMC, on présageait sans trop de doutes que sa nomination lui serait servie sur un plateau. Lamy est parfait pour le poste. Il est foncièrement acquis au libre-échange et au multilatéralisme, bureaucrate expérimenté et intervenant politique efficace. Là où son charisme fait défaut, il le compense largement par sa capacité à orchestrer le dessous des cartes, une facilité réglée finement quand il était « chef de cabinet » pendant la présidence de Jacques Delors au Conseil de l'Europe, puis perfectionnée en tant que commissaire de l'Union Européenne. Âgé de cinquante-huit ans, Lamy incarne la crème de ce que produit le système éducatif français des élites. Diplômé de l'Ecole Nationale d'Administration (ENA) et titulaire d'un MBA des hautes écoles de commerce et sciences politiques, Lamy a été formé - sans doute dès la naissance - pour exercer de hautes fonctions officielles. Bien qu'il soit social-démocrate - il se présenta en 1993, en vain, comme candidat du parti socialiste - il est économiquement (sinon socialement), comme la plupart de ses « camarades » ces temps-ci, néo-libéral. Pendant ses six années en tant que commissaire au commerce de l'UE, Lamy a acquis une réputation de travailleur chevronné et une maîtrise singulièrement fine des technicités, sans compter ses dix années dans le cercle privilégié du bureau de Delors où il a appris à tirer le maximum de son influence dans une bureaucratie. En résumé, sa crédibilité en tant que DG de l'OMC est sans faille. PERSPECTIVES POUR LES SIX PROCHAINS MOIS Donc, que peut-on attendre de Pascal Lamy lorsqu'il prendra ses fonctions le 1er Septembre? Sur le plan personnel, Lamy s'attachera à surmonter "l'effondrement" de la conférence ministérielle de Cancun qui n'a pas seulement porté un coup à sa vision du monde mais est aussi une défaite personnelle. Paul Nicholson, présent à Cancun aux côtés du mouvement paysan international Via Campesina, a vu Lamy peu de temps après l'échec des pourparlers et l'a décrit comme un « homme abattu ». Indéniablement, une grande partie de la responsabilité concernant l'issue de Cancun, revient à la position de l'UE sur l'agriculture et celle de Lamy qui est resté campé sur les questions de Singapour bien après que le consensus ait évolué dans une autre direction. Et lorsqu'il fit réellement des compromis, ceux-ci étaient trop minces et trop tardifs. Selon l'interprétation de Eric Wesselius de Corporate Europe Observatory, Lamy aurait poussé l'ordre du jour trop loin et Wesselius souligne que malgré son discours pro pays en développement, Lamy est très proche du monde du business. En tant que commissaire au commerce, il a poursuivi la trajectoire tracée par son prédécesseur thatchérien, Leon Brittan, et a conservé des liens étroits avec le Conseil Transatlantique des Affaires et le Forum des Services Européens. D'après Wesselius, Lamy a beaucoup parlé de développement et des règles du commerce équitable mais le point de mire de sa politique a toujours été l'agriculture et le business. L'agriculture continuera à susciter des frictions au sein de l'OMC et malgré la fougue des propos de Lamy sur la suppression des subventions à l'exportation, il n'a pas réussi à faire avancer ce débat à Bruxelles. On voit mal comment il pourrait avoir plus de succès à Genève. De même, sans atout en poche, il aura peu d'influence sur les Etats-Unis. En effet, le succès ou l'échec de Lamy dépendra, en définitive, des relations professionnelles qu'il entretiendra avec son successeur Peter Mandelson et du nouveau représentant au commerce des Etats-Unis, Rob Portman. Mais l' UE et les USA ont leurs propres problèmes à gérer. Le vote coûteux et extrêmement serré du CAFTA (Central American Free Trade Agreement)(1) , souligné par une nervosité continuelle au sujet de la Chine, a peut-être épuisé l'appétit pour davantage de libéralisation des échanges aux USA. En Europe, l'agriculture reste un problème central et bien qu'une pression budgétaire pèse sur la réduction des subventions, il y a peu de chances que Mandelson soit la personne idéale pour faire bouger la France et l'Allemagne sur cette question. Mandelson est un partisan farouche du libéralisme sans l'expérience conciliatrice du modèle social français. Il est déterminé à remiser la « vieille Europe » et à renforcer le « pouvoir de pression économique » mondial de l'Europe. Vu sa pugnacité et les complexités de l'adhésion à l'Europe élargie, Mandelson aura du mal à établir un consensus, même au niveau européen. La mission de Lamy s'en trouvera d'autant plus difficile. CULTIVER LE SUD Tout au long de son mandat à l'UE, et très récemment lors de sa campagne pour devenir directeur général, Lamy a pris soin de cultiver le soutien des pays en développement. Lors de son discours de candidature à l'OMC, il a lancé des appels répétés aux intérêts des pays en développement et a affirmé la position centrale du « développement » dans le cycle de Doha. La priorité, a-t-il dit, est de « rééquilibrer le système d'échanges international au profit des pays en développement ». En tant que commissaire au commerce de l'UE, il a su gagner le soutien des pays en développement, surtout celui des « pays les moins développés » grâce aux baumes apaisants de l'Accord Cotonou et notamment par le biais du contrat « Tout sauf les armes » qui leur a offert un accès détaxé aux produits agricoles ainsi que de menus cadeaux commerciaux ou médicaux. Comme DG de l'OMC, il n'a d'autres carottes que celles qu'il peut convaincre les autres pays d'offrir. Lamy s'est également distingué par son recours habile à la tactique « diviser pour mieux régner ». En 2003, s'exprimant lors d'une réunion avec les ONGs à Bangkok, Lamy déplorait le fait que les négociations sur les questions de mise en application des points traités n'aient pas avancé car les pays en développement, « ne parvenaient pas à s'entendre sur les deux ou cinq principales questions de mise en application à débattre » . Dans la période qui a précédé la réunion du Conseil Général en juillet 2004, Lamy a offert au G90 le « cycle gratuit » avec la promesse qu'ils ne seraient pas obligés de baisser les tarifs douaniers, une action visant manifestement à séparer le G90 du G20. Il a aussi défendu l'idée selon laquelle les pays en développement à revenu moyen devraient progressivement sortir du traitement spécial et différentiel (S&D), une proposition qui hante encore les négociations S&D. Bien que Lamy, en tant que DG de l'OMC, n'est pas en mesure de proposer des incitations commerciales, il peut en revanche avancer des procédures et des définitions de travail qui nuiraient à la solidarité fragile des membres des pays en développement. RÉFORMER L'OMC Lors d'une conférence de presse enflammée au lendemain du fiasco de Cancun, Lamy a marqué les esprits en qualifiant l'OMC « d'institution médiévale ». Plus tard, sur une tonalité plus tempérée, il a laissé entendre que des réformes en profondeur étaient nécessaires, notamment la possibilité d'un processus de négociation plus efficace formé à partir d'un « groupe consultatif » de pays qui reflètent les intérêts divers des membres. La réforme des processus de négociation et de décision sera une priorité de son action, peut-être selon le modèle (très modeste) du rapport Sutherland sur la réforme de l'OMC que Lamy a évoqué favorablement dans son discours devant les membres de l'OMC. Toutefois, les membres se montreront hostiles si l'« efficacité » devait être l'objectif principal de la réforme. En outre, au regard de la faible adhésion des membres à l'OMC, Lamy aurait tort d'abandonner le principe du consensus. Seattle fut pour Lamy sa première conférence ministérielle de l'OMC en tant que commissaire et Cancun, sa dernière. Ces deux expériences lui ont indiscutablement légué le désir de faire taire les contestataires. Pourtant, au lieu de prêter l'oreille aux critiques, Lamy pense que donner à l'OMC la liberté de dialoguer « de manière structurée avec tous ceux qui aujourd'hui souhaitent un droit d'expression lors de l'établissement de politiques commerciales » résoudra le problème. « Maintenir les portes fermées est contre-productif pour l'OMC », déclare-t-il. « Cela alimente la paranoïa infondée à l'égard de l'OMC qui règne chez les altermondialistes, les protectionnistes purs et durs et tous ceux dans le monde qui contestent tout ce que les membres de l'OMC tentent d'accomplir en tant qu'OMC » (Bridges, Volume 8, Numéro 4, 2004). Cette approche passera avec les lobbyistes et les ONGs qui aiment bien travailler de l'intérieur mais les commentaires de Lamy montrent qu'il n'a pas de temps à perdre avec ceux qui désapprouvent son programme. On peut s'attendre à ce que Lamy réussisse mieux à dynamiser le secrétariat de l'OMC et à faire pression pour obtenir plus de ressources et un accroissement de personnel, précisément pour renforcer sa propre position et l'« efficacité » de l'OMC. LE POUVOIR DE PERSUASION Mais des différences conséquentes existent entre Lamy et l'OMC et Lamy à l'UE et il ne faut donc pas surestimer sa capacité à surmonter ces difficultés. D'abord, en tant que directeur général, Lamy n'a aucun marché à ouvrir ni aucun tarif douanier à baisser. Tout ce qu'il peut faire, c'est « en prendre un pour taper sur l'autre » mais sans rien dans les mains pour amortir les coups. Deuxièmement, il n'a pas de « position » explicite ou précise à défendre si ce n'est sa croyance au libre échange, au multilatéralisme et le fait qu'il faut éviter à l'OMC une nouvelle honte à Hong-Kong. Bien que les sympathies de Lamy vont sans conteste vers l'UE, sa crédibilité en tant que DG dépendra de sa faculté à être perçu comme ¦uvrant au service de tous les membres - le G148, comme il l'appelle. C'est assurément une leçon qu'il a tirée à la commission et c'est sans doute l'une des expériences les plus importantes qu'il apporte à son poste. Son prédécesseur Supachai Panitchpakdi était un canard boiteux qui contrebalançait par une léthargie quasi-totale tout ce qui pouvait apparaître comme une inclinaison vers les pays en développement, et Mike Moore avant lui était tellement identifié aux USA poursuivant leurs manouvres d'intimidation pour assurer sa nomination, que les membres ne lui firent jamais vraiment confiance. Lamy arrive aux commandes avec un consensus relativement fort malgré les vagues règles de sélection et les divisions du Sud dont il a su tirer parti. Les Etats-Unis soutiennent Lamy et bien qu'un officiel au commerce de l'UE ait démenti l'information, nombre d'observateurs voient une corrélation entre l'avis favorable des Etats-Unis vis-à-vis de Lamy et l'appui apporté par l'UE à Paul Wolfowitz pour la direction de la Banque Mondiale. Malgré leurs différents, l'UE et les USA s'accordent à penser qu'il est plus sûr de découper le monde entre eux - même s'il s'agit d'accepter un français et l'un des principaux architectes de l'invasion en Irak. N'importe qui, semble-t-il, vaut mieux que quelqu'un du Sud ! Lamy n'est pas au bout de ses peines. En effet, les profondes divisions au sein de l'OMC ne peuvent être aplanies par une diplomatie intelligente et de simples bricolages techniques. Son atout majeur sera son pouvoir de persuasion. La majorité des pays en développement commencent à s'impatienter de ne pas profiter de leurs parts des retombées extraordinaires de la libéralisation des échanges et il faudra une prise en main (visible) de la part de l'UE et des USA pour les convaincre que le jeu en vaut encore la chandelle. Pour Lamy, les enjeux sont de taille, à la fois sur le plan personnel et idéologique. S'il parvient à obtenir le soutien de Mandelson et de Portman, il pourra décrocher quelque chose à Hong Kong. Mais même s'il réussit, ce sera seulement une victoire pour Lamy et ses amis. Pour tous les autres, la pilule sera amère. Notes : (1) http://www.citizen.org/trade/cafta/ Par Nicola Bullard de Focus on the Global South. 3.- LE SOMMET DE L'OMC A HONG-KONG Le prochain sommet de l'Organisation Mondiale du Commerce aura lieu à Hong-Kong du 13 au 18 décembre 2005. Et l'OMC est l'institution internationale, qui illustre le mieux le caractère libéral des politiques commerciales d'aujourd'hui ; un objectif prime tout : supprimer les entraves au libre échange, sans qu'aucun pouvoir ne puisse s'y opposer ! Dans cette logique, le sommet de Hong-Kong a pour objet de donner, par une coordination accrue des politiques libre échangistes, plus d'efficacité aux décisions, qui y seront prises sur quatre dossiers clefs, censés servir le développement. Pour comprendre les enjeux de ce sommet, interrogeons l'histoire et l'actualité de l'OMC à travers trois entrées : les principes directeurs de la politique de l'OMC, les domaines décisifs où cette institution veut « avancer », les enjeux de cette prochaine conférence inter ministérielle. Principes directeurs L'OMC a été voulue par les pays développés et les Sociétés Transnationales (STN) originaires de ces pays et associées à toutes les négociations de l'Organisation. Elle a succédé, le 1er Janvier 1995, au GATT (General Agreement on Tariffs and Trade), simple accord douanier, qui ne couvrait que les produits industriels et ne pouvait arbitrer aucun litige. En avril 1994 à Marrakech, les pays riches transforment le GATT en OMC afin que la nouvelle institution puisse traiter, en plus des biens industriels, des services, de l'agriculture et de la propriété intellectuelle ; et ils instaurent l'Organe des Différends (ORD), tribunal de l'OMC, dont les décisions autorisent l'application de sanctions d'ordre commercial ou financier. Et l'OMC ouvre ses portes dans les anciens locaux du siège du GATT à Genève le 1° Janvier 1995 ! Aujourd'hui, quelques 150 pays sont membres de l'OMC, ce qui leur donne le « droit théorique » de participer à ses négociations et à ses décisions selon le principe « un pays-une voix » ; mais, dans bien des cas, par manque de moyens pour assurer une permanence politique et juridique à Genève, ils ne peuvent suivre, avec l'assiduité nécessaire, les négociations qui s'y déroulent en permanence. En fait, à quoi sert l'OMC si ce n'est à satisfaire aux exigences d'extension commerciale des STN (les 2/3 du commerce mondial a lieu soit au sein d'une même STN, soit entre STN) ? Pour parvenir à cette fin, l'OMC s'est donc dotée de principes et de règles, conformes à l'idéologie libérale. Du côté des principes, le marché prime tout ; l'environnement, la démocratie, les lois sociales des Etats et même leur compétence à édicter des lois sont reléguées au second plan, relativement à l'objectif « d'un laisser-faire - laisser passer » commercial intégral, qui permettrait aux STN d'obtenir des rendements majeurs avec des produits de moindre coût, les valeurs d'ajustement du marché étant des salaires bas et un environnement totalement à la disposition des prélèvements de matières premières nécessaires à la ! production et au marché ; les services seraient fournis sur une base commerciale et tout serait breveté, y compris le vivant ! Du côté de la réglementation, qui concerne tous les niveaux de décisions, dans un Etat donné, du municipal au national, 3 règles encadrent les pratiques commerciales : d'abord « la clause de la nation la plus favorisée » (NPF) (2) , selon laquelle un pays membre de l'OMC ne peut accorder une faveur à un autre membre sans qu'il l'accorde à tous - et les subventions sont concernées par ce dispositif -; la seconde règle concerne « l'accès au marché » : une instance décisionnelle (Etat, Conseil Général ou Régional, Commune ou Communauté de Communes, par exemple) ne doit limiter ni le nombre de ses fournisseurs ni le montant de leurs investissements ou le volume de leurs transactions ; enfin, avec « le traitement national », les mêmes décideurs s'engagent à traiter les fournisseurs étrangers au moins aussi bien que les fournisseurs nationaux. Ainsi, si l'on applique ces 3 règles au marché des services, l'on parvient à l'Accord sur le Commerce Général des Services (AGCS), dont les statuts figurent en annexe de ceux de l'OMC ! Et, pour les services publics, l'on arrive aux conséquences suivantes : « ouverture de leur capital au privé » et mise en concurrence, puis, à terme, privatisation ! Par ce seul exemple, l'on voit l'incidence de l'emprise de l'OMC sur la vie politique, qui devient servante d'un libre-échange généralisé ! Domaines décisifs Trois domaines, étroitement imbriqués dans l'ensemble des négociations apparaissent décisifs pour permettre à l'OMC de parvenir à Hong-Kong à un accord global, qui lui avait échappé à Cancun en 2003 : l'agriculture, l'accès au marché des produits non agricoles (désignés par l'abréviation « NAMA ») et les services. Précisons que, selon les domaines, les parties prenantes ont des intérêts divergents et que divers pays se sont constitués en alliances ; ainsi, pour le seul domaine agricole, l'on dénombre 7 alliances ponctuelles, qui associent, entre autres cas de figure, ou des pays riches exportateurs aidant leurs agriculteurs par des subventions ou des pays pauvres exportateurs mais ne pouvant s'introduire sur le marché international en raison de leurs coûts de production trop élevés. Et, dans la négociation globale, il est clair qu'une concession dans l'un des domaines peut faciliter une négociation sur d'autres ! Précisons donc les points sensibles du « marchandage » : - Dans le domaine agricole, le « bras de fer » tourne autour des subventions et des barrières que l'UE comme les USA ne veulent pas réduire. Cela donne un avantage décisif à leurs exportations et limite leurs importations. Ce qui pèse, lourdement, à la fois sur l'économie de pays agricoles aux technologies moins avancées et aux coûts de production élevés, et sur des pays au fort potentiel d'exportation agricole mais sans capacité de subventionner. -Les NAMAS visent la réduction des tarifs douaniers des produits non agricoles. A Cancun, l'écrasante majorité des pays du Sud avait refusé toute discussion sur ce sujet ; mais, malgré cette opposition massive, certains pays, développés ou émergents, ont continué à négocier à Genève et font maintenant porter le débat sur des coefficients de baisse des tarifs douaniers variables selon la situation de tel ou tel pays. Bien évidemment, les Etats des pays en développement tirant des ressources non négligeables de tarifs douaniers élevés demeurent hostiles à toute évolution de cette clause commerciale, qui correspond néanmoins à l'un des principes de l'OMC : « l'accès au marché ». - Enfin, l'Accord Général sur le Commerce des Services (AGCS) revient en force à la table des négociations de Hong-Kong, avec des perspectives de négociation accrues dans la mesure où les pays du Sud sont maintenant divisés entre des Etats qui continuent de refuser de proposer des libéralisations de services et d'autres qui, comme le l'Inde ou les Philippines, n'en font plus une opposition de principe et utilisent à leur profit le « mode 4 » de cet accord, qui, notamment, risque d'internationaliser la clause du « pays d'origine » de la directive Bolkestein ; ainsi est facilitée « l'exportation » de leurs ressortissants par « la levée d'obstacles à la concurrence » sur le marché du travail des services ! Et il est évident que les USA comme l'UE joueront de cette division pour parvenir à un accord à Hong-Kong! Ainsi pourquoi, par exemple, ne pas favoriser un « mode 4 » pour obtenir plus de souplesse sur les coefficients des droits de douane dans le domaine des NAMA ? Quant au développement, objectif affiché de « la libre concurrence », il n'en sera jamais question de manière spécifique, puisqu'il est censé résulter du règlement positif de l'ensemble de la négociation ! Enjeux L'OMC ne peut se permettre un nouvel échec après ceux de Seattle en 1999 et de Cancun en 2003 ; aussi peut-on compter sur Pascal Lamy, nouveau directeur général de l'OMC, pour user de son expérience et de sa force de négociateur pour parvenir à un accord à Hong-Kong : il l'a d'ailleurs rappelé lors de la réunion du Comité des Négociations commerciales de l'OMC du 14 septembre, qu'il présidait : il faut remplir l'intégralité du contrat fixé à Doha et d'ici 2006, date limite prévue! Et diviser comme trouver des arguments contraignants font partie des instruments que Pascal Lamy sait utiliser ! Bien sûr, malgré les énormes pressions exercées par le Nord sur le Sud lors des nombreuses réunions préparatoires au sommet de Hong-Kong, la partie reste encore ouverte, mais les enjeux de pouvoir sont tels qu'un échec de l'OMC à Hong-Kong signerait probablement son déclin institutionnel ! Alors, le grand marchandage va commencer ; ainsi, le Brésil, qui fait partie du Groupe des 20 (G 20) qui avait fortement contribué à l'échec de Cancun, aurait-il déjà accepté de s'engager sur l'AGCS si l'UE et les USA répondaient aux demandes expresses du G20 de supprimer les subventions agricoles ! Mais sur quelle échéance exacte UE et USA s'engagent-ils ? Si, par exemple, ils échelonnent la suppression des subventions agricoles, cette mesure transitoire n'ayant aucun effet immédiat sur l'économie des pays du Sud, peut-on penser qu'elle sera suffisante pour amoindrir les réserves, voire l'hostilité, du Sud vis à vis du Nord ? Réserves et hostilité, qui dépassent largement les négociations commerciales ! Car les pays du Sud, qui n'ont jusqu'alors guère étaient gagnants dans le jeu du libre-échange mais qui ne peuvent se placer hors du jeu des échanges commerciaux de l'OMC s'ils veulent se développer, ces mêmes pays savent bien que l'enjeu est plus global ! Ils ont bien mesuré qu'au delà des négociations commerciales c'est de la domination du Monde qu'il s'agit ! Car « ouvrir leurs marchés », c'est permettre à ceux qui ont quelque chose à exporter de les envahir toujours plus de leurs produits au détriment de leurs propres productions locales ; ils vérifient donc, tous les jours, que « ceux qui ont besoin le plus sont en fait ceux qui perdent le plus » (citation de Carin Smaller, de l'Institute for Agriculture and tade Policy) ! Ils savent aussi qu'ils perdront, après la maîtrise de leurs marchés, le bénéfice politique de l'émancipation issue de la décolonisation ! Car « accroître le libre échange », c'est permettre aux STN, qui contrôlent déjà économiquement et donc politiquement les pays du Nord, de développer toujours plus leur « force de frappe » financière sur l'ensemble de la planète! Ainsi, grâce aux règles de l'OMC, qui visent à restreindre le pouvoir des Etats au contrôle de leur sécurité, donneront-ils à ces mêmes multinationales un pouvoir suffisant pour supprimer leur souveraineté ! En Conclusion, il n'est pas difficile de percevoir l'ampleur de l'enjeu qui va se nouer ou se dénouer à Hong-Kong ! Comme citoyens avertis, nous devons dévoiler les enjeux et les risques de ce sommet décisif dans la partie d'échecs mondiale : non, contrairement au matraquage du complexe politico-médiatique au service des STN, le libre échange n'a jamais profité à l'ensemble de l'humanité mais à un cercle restreint de possédants ! Leur politique de « prix bas » et de destruction des obstacles à la concurrence vise à accroître indéfiniment leurs rendements commerciaux sans égards pour l'amont (l'environnement pillé) et pour l'aval (des salaires et un accompagnement social de plus en plus réduits) ! Au jeu du libre échange, il existe donc bien des gagnants et des perdants : la fracture sociale, loin de s'atténuer, s'accentue ; et la facture environnementale s'alourdit incommensurablement ; quant au développement, il n'est plus qu'une chimère et un slogan mensonger, dont nous percevons, chaque jour, les contre exemples ! Le Monde n'est pas à vendre ! alors, citoyennes, citoyens, laisserons nous mourir le Monde ? Notes (2) Aujourd'hui remise en cause par l'Union européenne, dans le cadre des négociations de l'AGCS, dans le but de débloquer les négociations, secteur par secteur, à l'aide d'accords plurilatéraux sectoriels couvrant de vastes zones économiques ouvertes, mais exclusivement, aux exportations et aux STN des pays issues de ces zones. Par Albert Richez, membre du Conseil scientifique d'Attac France. 4.- CONTRE LA MONDIALISATION LIBERALE Déclaration Les enclaves de Ceuta et Melilla, pointes avancées de la présence espagnole en Afrique, offrent aujourd'hui le spectacle hideux et poignant des ravages provoqués par la mondialisation néo-libérale sur le continent africain. Aux quelques centaines de migrants subsahariens qui sont parvenus, au terme de longues errances à travers déserts et forêts, affaiblis par les privations et les conditions infra-humaines de leur périple, à frapper aux portes du monde développé, l'Europe, secondée par les pays du Maghreb, répond par la répression et les balles, tandis que continuent les disparitions en mer, au large des Canaries ou des côtes andalouses. Que ces africains fuient un continent rongé par la faim, l'analphabétisme, les épidémies, les guerres et les dictatures, un continent qui, de plans d'ajustement structurel en accords de libre-échange, s'enfonce chaque jour davantage dans le non développement, l'Europe n'en a cure et continue à surélever les grillages et déployer des kilomètres de fils de fer barbelés. Tandis que les grandes puissances, relayées par la Banque mondiale, multiplient les beaux discours sur l'éradication de la pauvreté, c'est à une véritable éradication des pauvres que l'on assiste, à une guerre, armes au poing, contre quelques poignées de malheureux qui tentent, à mains nues et munis d'échelles de fortune, d'escalader la Forteresse Europe. Que le Maroc, tout comme ses voisins maghrébins, acceptent aujourd'hui, dans le cadre de la politique d'externalisation, de faire le sale boulot de sous-traitant, de multiplier les expulsions forcées, de planifier la construction de centres de rétention, de faire donner l'armée, la police et la gendarmerie contre des hommes, des femmes et des enfants affaiblis et non armés, voilà qui en dit long sur le degré de collusion des gouvernements du Nord et du Sud dans leur combat contre les peuples, alors que leurs propres ressortissants tentent, eux aussi de fuir le chômage et de gagner au péril de leur vie, la rive Nord de la Méditerranée. Nous, militants d'Attac Maroc, nous affirmons pour notre part notre condamnation totale de la répression dont sont victimes aujourd'hui, en terre africaine, des êtres humains dont le seul crime est de vouloir trouver du travail et vivre dignement. Nous les assurons de notre pleine solidarité et de notre vigilance par rapport aux dérives racistes qui se font jour. Nous nous indignons devant les violations répétées du droit des personnes à la libre circulation, du droit d'asile, et du droit à la vie et à la protection, contenus dans la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme ainsi que dans les Conventions internationales. Nous affirmons notre totale condamnation de l'approche exclusivement sécuritaire du fait migratoire mise en ¦uvre par les gouvernements du Nord et du Sud dans le cadre du Partenariat euroméditerranéen. Face au pillage multi-séculaire de l'Afrique, dans le cadre de la colonisation autrefois, et aujourd'hui dans le cadre de l'OMC et des accords de libre échange et des différents accords de partenariat euro-africains, nous réaffirmons que le développement de l'Afrique passe par : - l'annulation effective et massive de la dette africaine, déjà plusieurs fois remboursée - l'arrêt immédiat du pillage des ressources africaines par les spéculateurs et les multinationales et la dénonciation de tous les accords bilatéraux et multilatéraux qui l'organisent - l'arrêt du soutien éhonté dont bénéficient nombre de régimes non démocratiques, corrompus, dictatoriaux, de la part d'une Europe qui se pose en champion de la démocratie - le respect du droit des peuples à la souveraineté et à la détermination de ses propres politiques et choix économiques. - L'arrêt du commerce des armes, hautement lucratif pour les industries occidentales, permettant d'entretenir un climat d'insécurité permanente qui, s'il favorise l'ingérence européenne et américaine dans les affaires africaines, plonge les populations dans la peur, le dénuement et l'absence totale d'espoir en une vie digne et décente - L'affectation des aides au développement à la mise sur pied ou l'extension de services publics, tels que l'éducation, la santé, l'accès à l'eau potable, qui sont les conditions sine qua non d'un décollage économique A quelques semaines de la célébration des accords de Barcelone qui prétendaient vouloir ¦uvrer à faire de la Méditerranée une mer de paix, de prospérité et de sécurité partagée, les évènements dramatiques de Ceuta et Melilla viennent jeter une lumière crue sur les réalités qui se cachent derrière les beaux discours. Face aux collusions entre Etats prédateurs, construisons les solidarités entre les peuples. Rabat, le 7 octobre 2005 Attac Maroc Groupe de Rabat : attac_rabat@caramail.com --- Le Courriel d'information a été mis au point par l'équipe du Grain de sable. Reproduction autorisée sous couvert de la mention Courriel d'information ATTAC - http://attac.org/ Avertissement. Les documents publiés n engagent pas l'association ATTAC sauf mention contraire. Ils peuvent représenter l opinion de groupes thématiques,de personnes ou d autres organisations. Il s agit avant tout de pouvoir profiter des expertises et des idées disponibles afin de construire, ensemble, cet autre monde possible, de nous réapproprier notre avenir.