Subject: [ATTAC] INFO 527 - OMC : LES ENJEUX DE HONG KONG From: Grain de sable Date: Wed, 28 Sep 2005 18:13:12 +0200 To: COURRIEL D'INFORMATION ATTAC (n°527) OMC : LES ENJEUX DE HONG KONG mercredi 28/09/05 Merci de faire circuler et de diffuser largement. Le Courriel est reçu aujourd'hui par 52959 abonnés ______________________________ S'abonner ou se désabonner http://france.attac.org/a3652 Confort de lecture et impression papier: Format RTF http://www.france.attac.org/IMG/zip/attacinfo527.zip Format PDF http://www.france.attac.org/IMG/pdf/attacinfo527.pdf ______________________________ Dans ce numéro 1.- LES ENJEUX DE HONG KONG Entre le 13 et le 18 décembre 2005 se tiendra à Hong Kong une réunion ministérielle de l'Organisation mondiale du commerce (OMC). L'enjeu est de taille : il s'agit, ni plus ni moins, de terminer le cycle de négociations dit de Doha, et pompeusement baptisé par anti-phrase "cycle du développement et du millénaire". Par Frédéric Viale, Coordonnateur de la commission OMC-AGCS d'Attac France 2.- LA POSITION DE L'UNION EUROPEENNE CONCERNANT DES NEGOCIATIONS OMC Ce court article est un rappel de la position que l'Union européenne entend tenir lors des négociations OMC qui se tiendront à Hong Kong du 13 au 18 décembre, à l'occasion de la 6ème réunion ministérielle. Par Frédéric Viale, Coordonnateur de la commission OMC-AGCS d'Attac France 3.- L'AMNA EST LE NOYAU DUR DE L'OMC Les négociations de l'OMC concernant l'Accès au marché des produits non agricoles (AMNA) ont été largement ignorés pendant les trois premières années du programme de travail de Doha. Cependant, depuis l'adoption de l'ensemble de résultats de juillet au début du mois d'août 2004, les négociations sur l'AMNA se sont retrouvées au premier plan. En dépit d'un début tardif, les pays développés cherchent maintenant à précipiter les négociations pour trouver une formule consentie sur la réduction des tarifs d'AMNA d'ici juin 2005, une première approximation des modalités d'ici juillet et un accord sur ces modalités lors de la Conférence ministérielle de l'OMC qui se tiendra en décembre à Hong Kong. Par John Hilary, War on Want, traduction par Claire Lochet coorditrad@attac.org ______________________________ 1.- LES ENJEUX DE HONG KONG Quelle est la situation depuis Cancún ? L'échec de la conférence ministérielle de Cancún (septembre 2003) a été en partie attribué à la mobilisation de la société civile, même si elle a été bien moindre qu'à Seattle en 1999. Même si cette conférence a été profondément marquée par le sacrifice du paysan Coréen Lee, son échec était principalement dû à la capacité de nombreux pays du Tiers monde de former des groupes (les G-20, G-33 et G-90) pour résister aux diktats imposés par les quatre grands, et spécialement les Etats-Unis (EU) et l'Union européenne (UE), spécialement sur la question agricole. Et on se souviendra que c'est sur la question du coton, et du fait de l'arrogance des négociateurs européens qui avaient maintenus leurs exigences en ne tenant aucun compte des demandes des pays du G90, en en rajoutant même sur les questions dites de Singapour, que le coup fatal fut porté à la conférence. Suivant le principe propre à l'OMC selon lequel on est d'accord sur tout, ou sur rien, le processus a alors été bloqué. C'est dire le dossier agricole a été celui sur lequel le processus de négociations de l'OMC a déraillé. Depuis, les choses ont considérablement évolué. Il semble que les EU et l'UE veulent aboutir sur les questions des services et aussi sur celle de l'accès aux marchés non agricoles (NAMA en anglais, et qui comprend les échanges industriels, et les produits de la pêche et de l'exploitation forestière). Il faut dire que l'agriculture représente 2% du PNB de l'UE et 1.4% de celui des EU en 2003, alors que les exportations de services représentaient 73.9% du PNB des EU et 71% de celui de l'UE à 25, les produits industriels représentant pour leur part 24.6% du PNB des EU et 27% de l'UE. Par ailleurs, l'UE a indiqué officiellement, et à plusieurs reprises, qu'elle estimait avoir consenti à tous les efforts possibles par la réforme récente de la politique agricole commune (PAC) qui prévoit notamment le découplage des aides, et qu'elle attend que ses partenaires consentent aux mêmes efforts avant de bouger. Mais, il faut se demander s'il ne s'agit pas que d'une posture précédant une négociation tant les enjeux sont considérables, en termes financiers. De nombreux signes montrent que les dossiers NAMA et services sont prioritaires. Par exemple, a été créé un groupe informel dit des Cinq parties intéressées (FIPs en anglais) qui réunit les EU, l'UE, mais aussi le Brésil et l'Inde, ainsi que l'Australie autour du secrétariat de l'OMC pour préparer la réunion ministérielle de Hong Kong. Il faut savoir que le Brésil a été très actif dans la résistance en menant le G-20 lors de Cancún, et que l'Inde était très présente dans le G-33. L'Australie est connue pour défendre les positions ultra-libérales du groupe de Cairns. Multipliant par ailleurs les mini-ministérielles (sorte de comités clandestins restreints de représentants des Etats invités pour discuter de propositions de texte en vue de faciliter les négociations ultérieures), les négociations sur l'agriculture semblent avancer un peu sur certains points - la dernière réunion à Paris, le 5 mai 2005 a permis de contourner les blocages du comité de négociations sur l'agriculture qui ne bougeait plus depuis 7 mois sur une question technique (celle des Valorem équivalent - ou AVEs). Auparavant, le 31 juillet 2004, le FIP a permis par ses efforts l'adoption au cours d'un Conseil général du commerce d'un accord, contribuant à débloquer en partie la question, même si elle demeure très loin d'être réglée. Par ailleurs, les EU tentent d'obtenir du Brésil un assouplissement de ses positions à l'OMC en concédant des aménagements dans ses relations avec le Mercosur, et l'UE, premier partenaire commercial de l'Inde, a entamé une négociation de "Partenariat stratégique" avec ce pays. Et tous de promettre à ces deux pays un siège au Conseil permanent de sécurité de l'ONU. Concernant NAMA (accès aux marchés non-agricoles) Les propositions émanant des pays développés consistent à demander que soient coupés les pics tarifaires douaniers sur les produits industriels de manière linéaire, de 12 à 15% (ce que l'on appelle la "formule Suisse"). Ceci aurait pour conséquence d'exposer considérablement les industries des pays en voie de développement, face à celles des pays développés mieux capables d'exporter, étant beaucoup plus solides. D'autant que cette formule prévoit une réduction plus drastique que le tarif est élevé. Opposés à cette formule, l'Argentine, le Brésil et l'Inde ont proposé une autre formule qui permettrait que la réduction des tarifs douaniers élevés soit moins forte, ce qui sauvegarderait les pays les moins favorisés. Mais les pays développés veulent diviser là-dessus les pays en voie de développement, montrant, sans difficulté d'ailleurs, que ce système reviendrait finalement à favoriser les pays en voie de développement "avancé", entendez précisément le Brésil et l'Inde, qui ont des industries bien plus compétitives que celles des autres pays sous-développés, capables d'ailleurs de concurrencer sérieusement celles des pays développés. Ces pays "avancés" souhaitent, par ailleurs, avoir un accès plus important aux marchés (solvables) du nord. Concernant les services La lutte se situe essentiellement sur 2 points : les pays en voie de développement estiment qu'ils ont tout à gagner à l'application du mode 4 de l'AGCS (qui permet que des contrats de travail soient exécutés par des personnes dans un autre pays, à des conditions que ne précise pas l'accord), alors que les pays développés ne sont pas demandeurs sur ce point. Toutefois, ils espèrent avoir un accès le plus large possible aux marchés des pays sous-développés, ou du moins ceux des pays les plus prometteurs (il n'est qu'à lire quelques-unes des demandes adressées en 2002 par l'UE à 109 pays, et portant sur la téléphonie, le service de l'eau, la poste, l'investissement, les services financiers et bien d'autres, pour mesurer quelle est l'attente). Sur la question particulière des services, l'UE exerce une pression forte sur le déroulement des négociations. Il faut dire que Cancún n'avait pas abouti à rien dans tous les domaines : dans celui des services, un calendrier a été fixé, celui du dépôt des offres de secteurs à libéraliser. Juillet 2005 est une première échéance, et les 26, 27, 28 juillet, se tiendra à Genève une réunion du Conseil général du Commerce qui vérifiera quels auront été les dépôts d'offres de secteurs de services. Octobre sera la seconde échéance d'ici Hong Kong, sans oublier les mini-ministérielles qui ne manqueront pas d'émailler le calendrier d'ici là (mais celles-ci sont toujours annoncées le plus tardivement possible). L'UE estime que les offres déposées sont peu nombreuses (seule une cinquantaine d'Etats a déposé), et d'assez mauvaise qualité (entendez, qu'elles n'offrent pas assez de secteurs à libéraliser). Aussi, l'UE, avec la complicité bienveillante du secrétariat de l'OMC, propose un système de benchmarking (que l'on peut traduire par "niveau de repère", en dessous duquel on ne peut pas descendre). Elle a officiellement validé cette proposition par un Conseil européen, le 15 juin 2005 (10125/05) : il s'agit d'exiger des Etats qu'ils déposent en ouvrant un nombre pas forcément important de secteurs, mais des secteurs clefs, plus nombreux pour les pays développés, à condition que les pays sous-développés ouvrent aussi des secteurs clefs (de 5 à 8 pour les uns, au moins 2 pour les autres). Les ouvertures devront correspondre à des niveaux de qualité, et les "limitations horizontales" (qui permettent de "protéger" une branche d'activité d'un secteur ouvert) devront être limitées. Au passage, il est à craindre que ce système entraîne l'UE à aller encore plus loin dans ses propres offres, elle qui, jusque-là, a offert à l'ouverture les secteurs qu'elle avait déjà libéralisé sur le marché intérieur. Donc, pour résumer, le sujet de l'agriculture reste clef, mais il est clair que les deux grands, Etats-Unis, et surtout l'Union européenne, veulent aboutir sur les questions de l'accès aux marchés non agricoles, et prioritairement sur les services. Les mobilisations doivent se faire bien avant Hong Kong En effet, les décisions se préparent largement avant les réunions ministérielles elles-mêmes. Cela se fera au cours des Conseils généraux du commerce qui se tiendront à Genève les 26-28 juillet, et les 16-18 octobre, ainsi qu'au cours des mini-ministérielles qui seront annoncées au dernier moment. Attac est déjà engagée dans ce combat. - Il existe un collectif préparant Hong Kong et qui regroupe, outre Attac, des syndicats (la Confédération paysanne, les Solidaires, la CGT, la FSU), d'autres associations (CCOMC, IRE, la LDH, etc.), et qui coordonne les actions à mener. - Une large coalition de syndicats et d'associations internationales (Attac Suisse; le Forum social alémanique, la Déclaration de Berne; Ecumenical Advocacy Alliance; Focus on the Global South; Forum Social Lémanique; Institute for Trade and Agriculture Policy; Oxfam International; Uniterre, Via Campesina etc.) ont décidé d'une première riposte, la tenue d'un Conseil général des peuples, parallèle à celui du commerce, et qui sera largement ouvert, proposant forums, discussions, et actions, entre les 27 et 29 juillet 2005. - D'ores et déjà est annoncée une vaste mobilisation pour le mois d'octobre (19 et 20), à Genève. Cette mobilisation devra focaliser les efforts de tous. - Les 22 et 23 octobre, à Liège, se tiendra la Convention européenne des collectivités publiques contre l'AGCS. Dans cette optique, doit être réaffirmée l'utilité de la campagne menée maintenant depuis plus de 2 ans auprès des collectivités se déclarant hors AGCS, campagne qui doit maintenant s'amplifier. Par Frédéric Viale, Coordonnateur de la commission OMC-AGCS d'Attac France 2.- LA POSITION DE L'UNION EUROPEENNE CONCERNANT DES NEGOCIATIONS OMC Ce court article est un rappel de la position que l'Union européenne entend tenir lors des négociations OMC qui se tiendront à Hong Kong du 13 au 18 décembre, à l'occasion de la 6ème réunion ministérielle. Ainsi qu'elle l'a rappelé publiquement (John Clarke, DG Trade, Civil Society dialogue, 19 juillet 2005), la Commission, chargée de mener les négociations pour l'ensemble des Etats membres de l'Union, a l'intention de parvenir à un "accord ambitieux", notamment sur la question des services (AGCS), et sur l'accès aux marchés non-agricoles (NAMA, en anglais). Elle estime par ailleurs qu'elle a fait tous les efforts possibles dans le domaine agricole par la réforme de la politique agricole commune (PAC) en découplant les aides qui, d'après elle, ne peuvent plus être assimilés à des subventions directes à l'exportation, dont la suppression est demandée par nombre de ses partenaires commerciaux. Elle estime que sa position est le seul moyen d'atteindre les "buts de développement" (sic), fixés par la déclaration de Doha à quoi la prochaine réunion ministérielle est censée apporter sa conclusion. Sur l'AGCS, la Commission estime que les offres faites selon le système demandes-offres n'a pas été à la hauteur des espérances. Trop peu d'Etats ont soumis des offres (en septembre 2005, 100 avaient déjà fait des offres, sur un total de 148 que compte l'OMC), et elles sont, d'après elle, de qualité insuffisante. Dès lors, elle a proposé lors de la réunion du Conseil Général du commerce de juillet 2005 une nouvelle approche des négociations par la mise en place de "benchmark" (ouvertures liées de secteurs). La formule proposée par l'Union européenne exige des minima concernant le nombre de secteurs et de sous-secteurs « offerts ». Ainsi les pays développés devraient s'engager dans au moins W secteurs et X sous-secteurs ; les pays en développement dans au moins Y secteurs et Z sous-secteurs. Pour les pays développés, on parle de au moins 10 grands secteurs sur 12, et au moins 100 sous-secteurs sur 165. Seuls les pays les "moins développés" seraient libres de choisir le nombre de secteurs qu'ils souhaitent (ils représentent moins de 1% du commerce mondial). De surcroît, la Commission annonce une position inquiétante sur la mode 4 de l'AGCS. Sont surtout concernés les « Bac + 2 » ou plus. L'AGCS prévoit qu'une entreprise pourra établir un contrat de travail avec un salarié d'un pays, et que le travail sera exécuté ailleurs. Bien entendu, rien n'est prévu dans l'accord sur ces conditions d'exécution, et même si la Commission affirme que les contrats de travail seront exécutés aux conditions les plus favorables, rien ne le garanti, l'accord étant muet sur la question. Dans le cadre des négociations en cours, une nouvelle sous catégorie du mode 4 est apparue dans les offres de l'Union européenne : les travailleurs indépendants. Les engagements de l'Union européenne aujourd'hui en vigueur ne couvrent d'aucune manière cette sous-catégorie. Il y a là une évolution très importante de la position de l'Union européenne à l'égard de l'AGCS. Quand on constate dans nos sociétés la tendance de fond à restreindre le recours au salariat pour avoir recours à des travailleurs indépendants qui prennent tous les risques financiers, cela laisse songeur. En réalité, il semble que les discussions sur le mode 4 soient aujourd'hui cruciales : l'Inde et le Pakistan sont très demandeurs sur la question, exigeant une ouverture du mode 4 de la part des pays industrialisés. Ces pays estiment que ce serait le moyen de régler une partie de leur problème de chômage ; mais ils évitent de voir que cela organiserait une fuite de leurs cerveaux. Et comme il se trouve, hélas, certaines ONG du Sud pour aller dans ce sens, la position politique de ces Etats sur la question est forte. Quand on sait, par ailleurs, que l'Union européenne veut à tout prix aboutir à un accord sur les services, il est à craindre que le mode 4 ne serve, à un moment ou à un autre des négociations, de monnaie d'échange. Le mode 4 est au cours du processus de mondialisation financière qui place tout le monde en concurrence contre tous : en faisant une pression à la baisse des salaires du nord (concurrencés sur place par les salariés du sud). Le but est de descendre encore davantage le coût du travail, afin que la création de richesses aille davantage encore vers les actionnaires. Cette proposition ne semble pas avoir été soumise à l'ensemble des Etats membres de l'Union (les Pays-Bas et le Royaume-Uni n'en ont pas été saisis préalablement au Conseil du commerce de juillet 2005). Toutefois, le gouvernement français à fait savoir qu'il appuie cette proposition. Quoi qu'il en soit, cette proposition amènerait les Etats à augmenter significativement leurs offres de secteurs à libéraliser, voire l'Union européenne elle-même dont les offres nombreuses (dont nous n'avons pu avoir qu'un rapide aperçu de la dernière mouture de juin 2005), ne couvrent pas 8 secteurs. Le Brésil, lors de la dernière réunion du Conseil du commerce (Juillet 2005) ne s'est pas montré favorable. Dans la mesure où ce Conseil n'a rien donné, les autres Etats ne se sont pas prononcés. Sur NAMA, (non agricultural market access) l'Union soutient la formule dite "formule Suisse". En clair, il s'agit de savoir comment les tarifs douaniers vont être diminués. Cette idée, proposée lors du Conseil du commerce de juillet 2004, refusée à Cancún deux mois plus tard, refait surface. Puisqu'il est nécessaire, dès lors qu'on accepte l'idéologie libérale, de réduire les tarifs douaniers pour permettre le développement des échanges sans quoi il n'est pas de développement possible, il s'agit de déterminer selon quelle formule mathématique il sera possible d'y parvenir. L'UE et les Etats-Unis soutiennent la formule la plus drastique pour les pays sous développés, dite "formule Suisse". Plus les droits sont élevés, plus il faudra les couper. Cela mettrait en péril gravement les industries naissantes ou fragiles des pays sous développés qui pratiquent les droits de douanes les plus élevés. Comme NAMA touche aussi aux produits de la pêche et de l'exploitation forestière, on imagine les conséquences sociales et environnementales induites par une telle proposition. La Commission estime que cela favorisera le développement de ces pays. A noter toutefois, que dans un discours récent, le Commissaire Mendelson s'est contenté de souligner que le but recherché était celui de l'accès aux marchés des pays, même en voie de développement, oubliant au passage les "objectifs du millénaire". Par ailleurs, l'UE tend à vouloir mettre en balance le principe de traitement différencié avec celui de l'acceptation d'une formule de réduction de tarifs moins brutale. Ceci veut dire que les pays les plus pauvres, qui ont droit à un traitement différencié, pourraient continuer d'y avoir droit... s'ils consentaient quelques concessions sur la question de NAMA - qui précisément érode la notion même de traitement préférentiel. Sur l'agriculture, l'UE estime avoir fait le maximum. Aussi bien en terme d'accès au marché que de subvention. La négociation porte sur trois « piliers » : l'accès au marché, c'est-à-dire le niveau des droits de douane et des quotas d'importation, les subventions à l'exportation, et les soutiens directs aux agriculteurs. La Commission estime avoir sur le dossier agricole un intérêt défensif, c'est-à-dire un intérêt sur lequel elle ne s'attend à ne rien gagner, alors que les autres dossiers sont offensifs. Néanmois, l'inquiétude est grande : AGRAFIL du mardi 20 septembre 2005 écrit : Négociations de l'OMC : inquiétude au sein du Conseil agricole de l'UE. La France, l'Italie, l'Espagne, l'Irlande, l'Autriche, la Hongrie et Chypre se sont déclaré lundi 19 septembre, lors du Conseil agricole de l'UE à Bruxelles, préoccupés par l'évolution des négociations à l'OMC. Ils sont notamment inquiets de voir que, selon eux, la Commission européenne multiplie les concessions, qu'il s'agisse du volet exportations (promesse de fixation d'une date de suppression des restitutions à l'exportation) ou de l'accès au marché (acceptation d'une proposition des pays émergents du G-20 comme base pour la réduction des droits de douane). Ces sept États membres ont dit craindre un abandon de ce qu'il reste de la préférence communautaire, soulignant le risque qu'une intensification des pressions sur le marché intérieur n'hypothèque la mise en ouvre de la réforme de la Pac. Dans le même temps, lors d'un symposium organisé au Parlement européen, Pour info : Peter Mandelson, le commissaire européen au commerce, assurait que le cycle de négociations de l'OMC « doit inclure une forte composante de libéralisation agricole à travers le monde développé ». Toutefois, a-t-il ajouté, « mes États membres n'accepteront pas de faire à nouveau de premiers gestes qui sont empochés par les autres sans que ceux-ci avancent en parallèle ». Commentaire : L'Union européenne porte une rhétorique du développement avec un cynisme constant. Réduire les droits de douanes, avoir accès aux marchés des pays sous développés, libéraliser les services partout, y compris dans les parties du monde qui en ont le moins besoin, et au mépris des attentes de sa propre population, promouvoir désindustrialisation et/ou délocalisations, tout cela se donne au nom du développement. Il est à craindre que la stratégie de l'Union européenne lors des négociations de Hong Kong consiste à consentir des concessions sur l'agriculture et le mode 4 de l'AGCS, concessions dont il est difficile d'apprécier l'ampleur, pour aboutir à des accords « ambitieux » dans les services et concernant l'accès aux marchés non agricoles. L'UNICE, organisation patronale européenne a exprimé publiquement (UNICE, Civil Society dialogue, 19 juillet 2005) sa "très grande satisfaction". Par Frédéric Viale, Coordonnateur de la commission OMC-AGCS d'Attac France 3.- L'AMNA EST LE NOYAU DUR DE L'OMC Les négociations de l'OMC concernant l'Accès au marché des produits non agricoles (AMNA) ont été largement ignorées pendant les trois premières années du programme de travail de Doha. Cependant, depuis l'adoption de l'ensemble de résultats de juillet au début du mois d'août 2004, les négociations sur l'AMNA se sont retrouvées au premier plan. En dépit d'un début tardif, les pays développés cherchent maintenant à précipiter les négociations pour trouver une formule consentie sur la réduction des tarifs d'AMNA d'ici juin 2005, une première approximation des modalités d'ici juillet et un accord sur ces modalités lors de la Conférence ministérielle de l'OMC qui se tiendra en décembre à Hong Kong. L'Annexe B de « l'ensemble de résultats de juillet », adoptée par le Conseil général de l'OMC le 1er août 2004 (WT/L/579) énonce un « Cadre pour l'établissement de modalités concernant l'accès aux marchés des produits non agricoles ». Le texte de l'Annexe B est controversé depuis sa première introduction en 2003 car il n'a jamais tenu compte du point de vue des pays en voie de développement. Au contraire, l'annexe donne l'avantage aux ambitions des pays développés jusqu'à exclure toute autre alternative et, par conséquent, est rejetée par les pays en voie de développement sous tous ses aspects. L'Annexe B reflète la proposition sur l'AMNA qui avait été soumise peu de temps avant la Conférence ministérielle de Cancún par le Canada, l'UE et les Etats-Unis. L'annexe Derbez avait été très critiquée parce que le texte excluait les préoccupations des pays en voie de développement, même si ces préoccupations avaient été exprimées à maintes reprises avant et pendant la Conférence ministérielle de Cancún, aussi au cours des discussions que dans les documents officiels qui ont circulé entre les états membres de l'OMC. Les pays en voie de développement (PVD) condamnent le texte, mais ils sentent qu'ils n'ont d'autre choix que de négocier. Malheureusement, ils ne forment pas un bloc uni comme c'est le cas pour la question de l'agriculture. Les pays protestent de manière isolée, ce qui pourrait expliquer que leurs préoccupations ne soient pas prises en compte. Pourtant, malgré un commencement tardif et en l'absence de consensus, les pays développés cherchent maintenant à précipiter les négociations pour trouver une formule consentie sur la réduction tarifaire d'AMNA d'ici juin 2005, une première approximation des modalités d'ici juillet et un accord des modalités à la Conférence ministérielle de l'OMC qui se tiendra à Hong Kong en décembre. La formule En dépit des critiques persistantes des PVD, le paragraphe 4 de l'Annexe B préconise une formule non-linéaire appliquée "ligne par ligne" pour calculer les réductions tarifaires industrielles qui seront demandées aux états membres de l'OMC. Cette formule s'appliquerait à tous les membres de l'OMC, sauf les pays les moins avancés (PMA) et une douzaine d'autres PVD exemptés en vertu des dispositions du paragraphe 6 (Voir ci-dessous). D'après les dispositions du paragraphe 8, les PDV devraient procéder à des abaissements tarifaires sur des périodes de mise en oeuvre plus longues que les pays développés et avec des marges de flexibilité sur le pourcentage des lignes tarifaires. L'aspect non linéaire de la formule assure un effet dit d'harmonisation en imposant de manière proportionnelle des abaissements d'autant plus grands que les tarifs sont élevés, les pays développés ont encore plus insisté sur ce point en se positionnant en faveur de l'utilisation d'une formule suisse, la plus extrême formule d'harmonisation possible. Les membres de l'OMC ont pleinement conscience que la formule non linéaire exigera de fortes réductions tarifaires dans les pays en voie de développement, en prenant en compte qu'ils ont tendance à avoir des tarifs non agricoles plus élevés que ceux des pays développés. Les taux tarifaires consolidés pour les produits industriels ont une moyenne de 29.4% (moyenne simple) et 12.5% (moyenne pondérée) pour les pays en voie de développement, tandis que les pays développés ont une moyenne de 12.3% (moyenne simple) et 3.4% (moyenne pondérée). De nombreux PVD qui ont des tarifs industriels élevés seront affectés de manière significative par la formule de réduction tarifaire proposée par l'Annexe B. La réduction tarifaire aura des impacts négatifs sur le développement, l'emploi et l'environnement. Puisqu'il n'y a a priori aucun secteur exclut, toutes les ressources naturelles sont en danger (poisson, forêts, pierres précieuses; pierres, etc.). Cependant, l'UE exerce des pressions pour une libéralisation maximale de l'AMNA. Bien qu'elle utilise une rhétorique amicale, les négociations sur l'AMNA vont dans le sens inverse, reflétant une disparité totale entre les objectifs du Programme de Doha pour le développement et la tendance réelle des négociations. L'UE utilise deux poids deux mesures dans son approche des négociations. Elle a rejeté l'application tarifaire ligne par ligne sur les produits agricoles en Uruguay, mais refuse l'application du même régime à l'ensemble des PVD. En appliquant à l'ensemble des PVD à l'ensemble des PVD et aux pays développés la même formule, on bafoue le principe de "réciprocité qui ne soit pas totale" là où il est le plus nécessaire. Les tarifs non consolidés La consolidation des tarifs est depuis longtemps reconnue comme une pratique significative dans le contexte des négociations en commerce international, en ce sens qu'elle représente une perte de souveraineté du pays concerné sur sa future politique commerciale. De nombreux pays ont traditionnellement conservé des lignes tarifaires individuelles non consolidées précisément pour avoir une flexibilité totale sur les différents niveaux de tarifs qu'ils peuvent appliquer aux importations; particulièrement au cas où ils devraient faire face à des augmentations rapides d'importations qui menacent l'existence des producteurs nationaux. Pour les PVD, la marge politique offerte par les lignes tarifaires non consolidées est particulièrement importante, puisque leur développement industriel peut dépendre de leur capacité à protéger leurs industries naissantes contre la compétition des importations en augmentant les tarifs en réponse à des facteurs externes. Protéger cette marge politique est aussi décisif pour les choix de développements futurs car les pays pourraient vouloir se diversifier dans des secteurs industriels où ils n'ont pas de capacité de production. La consolidation des tarifs, au contraire, empêche la flexibilité dont les pays disposent pour ajuster leur régime d'importations afin de répondre aux défis extérieurs ou aux besoins de développement. Cependant, l'OMC entend assurer que tous les tarifs seront consolidés. Le paragraphe 8 exigera que les pays en voie de développement augmentent d'au moins 95% la couverture de consolidation des lignes tarifaires des produits non agricoles. Ce traitement « spécial et différentié » est présenté comme « une exception » au principe non écrit que les pays devraient augmenter à 100% leur couverture de consolidation des lignes tarifaires des produits non agricoles dans les négociations actuelles. Pourtant cela serait une augmentation importante pour les PVD qui ne sont ni des PMA ni couverts par les exemptions prévues par le paragraphe 6, mais qui maintiennent une proportion significative de leurs lignes tarifaires non consolidées tels que le Royaume de Bahrayn (29% de tarifs des produits non agricoles non consolidés), les îles Fiji (55% de tarifs non consolidés), l'Inde (30.2% de tarifs non consolidés), la Malaisie (18.8% de tarifs non consolidés), le Pakistan (63% de tarifs non consolidés), les Philippines (38.2% de tarifs non consolidés), Singapour (35.5% de tarifs non consolidés), la Thaïlande (29.1% de tarifs non consolidés) et la Tunisie (48.9% de tarifs non consolidés). Ces pays feraient ainsi d'importantes concessions supplémentaires dans le contexte du Cycle de Doha. En consolidant tous les tarifs non consolidés du cycle actuel, il sera possible de les réduire dans les cycles à venir. L'approche sectorielle Les propositions pour une composante sectorielle des négociations sur l'AMNA et la réduction tarifaires indiquées dans les paragraphes 4 et 5 ont été vivement critiquées par les PVD. Le paragraphe 7 de l'Annexe B, tel qu'il est aujourd'hui, exigerait que tous les états membres de l'OMC, excepté les PMA, engagent des négociations visant à l'élimination ou l'harmonisation des tarifs des produits non agricoles dans les secteurs convenus au cours des négociations. Les pays en voie de développement quel que soit leur niveau de développement ont rejeté la partie du paragraphe 7 qui propose que la composante sectorielle exige « la participation de tous ». Tandis que les PMA sont exemptés de l'approche sectorielle selon les dispositions du paragraphe 9, tous les autres états membres de l'OMC seraient obligés d'éliminer ou de réduire fortement leurs tarifs sur certaines lignes de produits. La participation obligatoire de tous les pays était une condition essentielle de la proposition commune du Canada, de l'UE et des EU soumise à l'OMC en août 2003 et cette condition a été retenue dans le projet actuel. Par ailleurs, les PVD contestent une libéralisation aussi brutale de leurs régimes d'importations car non seulement elle entraînerait pour eux des abaissements de tarifs plus importants que ceux des pays développés, mais elle exposerait aussi leurs propres industries à une compétition soudaine et accablante qui aurait des conséquences dramatiques. Par conséquent, les pays en voie de développement ne cessent de soutenir qu'ils ne devraient participer aux négociations de l'AMNA par secteur que s'ils le désirent. Le poisson, les matières premières, les forêts, les produits chimiques, le textile et les chaussures... sont parmi les secteurs proposés par les EU et le Canada. L'accord multi fibre illustre les impacts négatifs causés par l'abolition des régimes de faveur (par l'abolition des quotas) dans le secteur du textile. Cela donne un aperçu de ce qui nous attend avec l'AMNA. L'UE vise à atteindre la plus profonde et la plus large libéralisation possible à travers la formule plutôt qu'au travers de l'approche sectorielle, et propose que l'initiative sectorielle ne s'applique qu'à ces secteurs: le textile, les vêtements et les chaussures. Pourtant quel autre secteur illustre mieux que ceux-là les menaces posées par la libéralisation drastique envisagée par cette initiative ? L'exportation du textile représente plus de 75% des exportations de marchandises du Cambodge, du Lesotho, du Bangladesh et d'Haïti (90% dans le cas des deux premiers), tandis que pour les PMA asiatiques pris dans leur ensemble, elle représente 61,2%. Les discussions sur l'approche sectorielle ne font pas partie des principaux sujets de négociations. Ce qui s'est produit c'est que les membres qui avaient un intérêt pour l'approche sectorielle ont tenu des réunions informelles avec les parties intéressées. La Nouvelle-Zélande a tenu des réunions sur le poisson et la forêt, tandis que la Thaïlande a tenu des réunions sur les matières premières.Le président des négociations de l'AMNA Johansson ne supervise pas ces réunions. Par John Hilary, War on Want, traduction par Claire Lochet coorditrad@attac.org --- Le Courriel d'information a été mis au point par l'équipe du Grain de sable. Reproduction autorisée sous couvert de la mention Courriel d'information ATTAC - http://attac.org/ Avertissement. Les documents publiés n engagent pas l'association ATTAC sauf mention contraire. Ils peuvent représenter l opinion de groupes thématiques,de personnes ou d autres organisations. 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