Subject: [ATTAC] INFO 526 - CROISSANCE ET DESENTUBAGES From: Grain de sable Date: Wed, 21 Sep 2005 17:01:07 +0200 To: COURRIEL D'INFORMATION ATTAC (n°526) CROISSANCE ET DESENTUBAGES mercredi 21/09/05 Merci de faire circuler et de diffuser largement. Le Courriel est reçu aujourd'hui par 52629 abonnés ______________________________ S'abonner ou se désabonner http://france.attac.org/a3652 Confort de lecture et impression papier: Format RTF http://www.france.attac.org/IMG/zip/attacinfo526.zip Format PDF http://www.france.attac.org/IMG/pdf/attacinfo526.pdf ______________________________ Dans ce numéro 1.- LE TSUNAMI DE LA CROISSANCE VA BROYER LE CONTINENT NOIR QUE LES P.A.S. AVAIENT DEJA NOYE. La dette et les PAS (Plans d'ajustement structurel), qui ont obligé les Etats d'Afrique à opter pour le libéralisme quels qu'en soit les méfaits, ont fait rater sa chance au continent noir et ont assuré une misère durable. Par Isabelle Likouka, APASH, CADTM Brazaville, Congo 2.- LES GUERRES MENTENT Les guerres disent qu'elles se font pour de bonnes raisons : la sécurité internationale, la dignité nationale, la démocratie, la liberté, l'ordre, la mission de la Civilisation ou la volonté de Dieu. Personne n'a l'honnêteté d'avouer : « Moi je tue pour voler ». Par Eduardo Galeano, Copyright ips-ilmanifesto (traduit de l'espagnol par Marcella Trambaioli) Edition de mercredi 7 septembre de il manifesto http://abbonati.ilmanifesto.it/Quotidiano-archivio/07-Settembre-2005/art100.php3 Traduit de la version italienne par Marie-Ange Patrizio 3.- SOMMET DE L'ONU : UN ECHEC GLOBAL MAIS UNE INNOVATION FACTEUR D'ESPERANCE Le moins que l'on puisse dire est que la montagne a accouché d'une souris. Malgré la présence de dizaines de chefs d'Etats et de gouvernements, le sommet de l'ONU n'a pas débouché sur des résultats concrets. Par Pascal Boniface, directeur de l'Institut des relations internationales et stratégiques (IRIS), membre du Conseil scientifique d'Attac -------------------------------------------------------------- DÉSENTUBAGES CATHODIQUES grosses ficelles du petit écran SORTIE NATIONALE EN SALLES LE 21 SEPTEMBRE DU FILM DE ZALEA TV : Interdite de diffusion hertzienne par le CSA depuis juin 2003, boycottée par les distributeurs du câble et du satellite, rejetée deux fois par le CSA lors des appels à candidatures pour la TNT nationale, la télé libre non-marchande Zalea TV se replie sur les salles de cinéma indépendantes pour proposer ses programmes au grand public. DÉSENTUBAGES CATHODIQUES décrypte les arnaques en tous genres de l'information à la télévision, du mensonge à la mystification en passant par la manipulation et la fausse impartialité. Avec, parmi d'autres exemples, la campagne partisane pour le Oui au référendum du 29 mai 2005. Voir la présentation du film, la bande annonce et les salles sur : http://www.zalea.org/fond.php?titre=venir Ce film sort dans le cadre de l'opération : TNT - Tir Nourri sur la Télé 3 films pour dynamiter le petit écran Voir la présentation de cette opération sur : http://www.tirnourrisurlatele.org -------------------------------------------------------------- 1.- LE TSUNAMI DE LA CROISSANCE VA BROYER LE CONTINENT NOIR QUE LES P.A.S. AVAIENT DEJA NOYE. La dette et les PAS (Plans d'ajustement structurel), qui ont obligé les Etats d'Afrique à opter pour le libéralisme quels qu'en soit les méfaits, ont fait rater sa chance au continent noir et ont assuré une misère durable. La santé et l'école sont devenues payantes: seule une élite pourra respecter l'hygiène, prévenir les maladies les plus bénignes, être consciente des dangers de l'existence et de ses secrets, s'informer, préserver l'environnement etc. L'eau et l'électricité, délaissées par l'Etat appauvri, sont devenues hypothétiques sauf pour les plus riches qui peuvent s'offrir container de réserves, surpresseur et groupe électrogène. Les transports publics ont disparu, laissant la place à une jungle de véhicules privés aux abois. Les axes routiers n'ont jamais été construits ou ne sont plus entretenus faute de budget étatique. Or, les paysans, sans ces axes, ne peuvent plus survivre, incapables de transporter en ville leurs productions éphémères et périssables. Aujourd'hui, le nouveau mot magique, chargé de sauver le continent, (et le monde !) c'est: « la croissance ». La logique de la « croissance », imposée grâce à la définitive dépendance assurée par l'endettement, et posée sur la misère, va assurer une destruction physique, morale et écologique du continent. En effet, lassés d'un quotidien de privations constantes, de souffrances sans issue, de décès aberrants, les Africains tombent dans le panneau de la consommation effrénée à tout prix. Le manque du nécessaire rend chacun plus avide de superflu, selon une logique humaine inaccessible au raisonnement logique : en Europe, les catégories sociales les plus démunies se surendettent pour consommer plus que les classes moyennes qui, elles, en auraient les moyens mais restent souvent plus raisonnables. Sur le continent noir, le téléphone portable devient une priorité loin devant la sécurité alimentaire ; et chacun ingurgite des morceaux de poulets importés dont 83,5% ont été déclarés impropres à la consommation par l'Institut Pasteur du Cameroun. Les produits importés sont tous meilleurs que les produits locaux; quelle que soit leur inadaptation aux réalités locales : les vêtements et chaussures, en nylon et sky, vendus après avoir été donnés par les habitants des pays occidentaux à des associations caritatives ou invendus des magasins, ont un succès fou dans des pays à la température au-delà de 30° et au taux d'humidité de 80% où ces matières plastiques assurent au corps une macération tout à fait malsaine, source de maladies de peau. Offrir à Noël aux enfants une game boy est devenu vital alors qu'elle ne durera que quelques semaines car elle vient de Chine et a été conçue pour être accessible aux petites bourses, c'est-à-dire avec des matériaux de basse qualité qui durent un temps minimal qui puisse assurer l'illusion de la possession mais également un renouvellement le plus rapide possible, surtout dans les conditions de température, d'humidité et d'utilisation du continent (jeu dans le sable de la cour, bagarres entre enfants). Croissance oblige. Ainsi, la game boy passera avant le paiement de la facture d'eau, qui assurerait aux enfants une hygiène minimale qui les prémunirait au moins contre la gale, les amibes, les gastro-entérites. Acheter le dernier téléphone portable, devenu accessible puisque bas de gamme fabriqué en Chine par des esclaves, pour l'exposer sur la table du bar où on échange ses problèmes est devenu plus important que d'acheter la moustiquaire qui sauvera ses enfants du paludisme car le paludisme est devenu une fatalité contre laquelle on ne lutte plus. Les panneaux publicitaires ont remplacé dans toutes les rues du continent les panneaux de prévention sanitaire: peu de gens savent encore aujourd'hui les causes, les vecteurs des maladies de base (amibes, kwashiorkor, etc.) qui étaient enseignées à l'école ou lors des campagnes nationales de prévention, avant que les PAS n'imposent des restrictions budgétaires draconiennes afin d'assurer « l'équilibre macro-économique du budget », c'est-à-dire rembourser la dette et exonérer de taxes les investisseurs étrangers. Alors, l'espérance de vie diminue chaque année, pour cause de Sida selon les Institutions Internationales, mais en réalité surtout car la majorité de la population n'a plus accès aux soins. D'abord, parce que depuis 10 ans que les salaires des fonctionnaires sont gelés après avoir été divisés par deux avec la dévaluation du franc Cfa en 1994, mesure macro-économique elle aussi, les soins sont devenus l'objet des spéculations les plus macabres : pour une césarienne, au Congo Brazzaville, vous payez 45 euros à la caisse de l'hôpital mais ensuite, pendant que votre femme est dans le bloc opératoire, le médecin, l'anesthésiste, les infirmières, les uns après les autres viennent vous réclamer des paiements successifs et l'opération revient finalement à 300 euros. Alors, une femme sur 100 meurt en couche. Mais également parce que les soins assurent si peu de guérisons aujourd'hui, en raison de la dégradation du matériel et des compétences (la majorité des médecins qualifiés étant en Occident), que les gens n'y croient plus et préfèrent s'en remettre à la fatalité ou pire, au pouvoir des pasteurs des sectes les plus diverses, majoritairement états-uniennes. Submergés par les dettes auprès d'usuriers habiles, les gens baissent la garde, abandonnent toute vigilance et toute morale, que de toute façon l'école ne leur a pas inculquée, faute d'enseignants d'une part (réduction des effectifs et des salaires des fonctionnaires exigée par les institutions financières internationales pour équilibrer les budgets) et faute de moyens financiers des parents au chômage d'autre part. Le travail salarié, qui n'assure plus un revenu permettant de vivre, est dévalorisé par rapport au trafic et à la débrouille qui permettent aux voyous (voyous des rues ou voyous étatiques) de consommer. Toute activité non productrice d'argent est considérée comme improductive. Les activités productrices de paix sociale ou familiale, de développement intellectuel, de rétablissement de la morale, d'équilibre psychologique individuel, de santé, de richesse culturelle sont raillées, méprisées. La valeur sociale ne se mesure qu'à la production de richesse financière et les enseignants, qui ne peuvent « consommer » faute de moyens et ne « produisent » rien, seulement des âmes plus conscientes, sont parmi les plus raillés de la société. Les grands voleurs qui piochent allègrement dans les caisses de l'Etat, assurant la dégradation générale des services, sont qualifiés de « forts » par les « petits » qui ramassent leurs miettes de temps en temps. Alors que ces « forts » traversent la ville et le pays à tombeau ouvert dans des 4X4 flambants neufs arrivés au pays à 100 000 euros, on les laisse passer, on leur fait le passage, par crainte certes, mais pas seulement: une vague admiration devant celui qui « a réussi » est là, au fond de chacun. Il « a réussi » à avoir la chance d'avoir un membre de sa famille dans les structures étatiques. Alors, il peut consommer, gaspiller, dégrader: il en a le droit, le devoir même, pour être respecté. Pourtant, lui aussi aujourd'hui, grâce à la « croissance » de la Chine et de l'Inde, va consommer des produits à la durée de vie éphémère: frigo qui dure 2 ans, et souvent moins car le courant dégradé et inadapté envoyé par la compagnie nationale d'électricité maintenue en faillite pour pouvoir être privatisée bientôt à un franc symbolique à une multinationale occidentale, est également pour lui. Car les ruptures d'essence, provoquées par les déraillements du train (de la compagnie nationale maintenue en faillite) peuvent le concerner aussi, même si lui, il sera toujours prioritaire sur les quantités restantes avant la pénurie totale, mais son groupe électrogène peut être en panne sèche ! Mais il faut consommer, des produits en plastique, des jouets de plus en plus éphémères, des gadgets quotidiennement achetés au feu rouge, vendus par des immigrés en errance, des articles informatiques et des téléphones plein de matières minérales polluantes incontrôlées, des produits chimiques de beauté (pour s'éclaircir la peau), des aliments chimiquement maintenus mangeables après la date de péremption, etc. Produits jetés ensuite dans la piste devant la maison ou ramassés par des misérables ramasseurs de poubelles qui les jetteront où ils pourront, de préférence au bord d'une rivière car « l'eau lave tout ». Des produits tous plus polluants les uns que les autres car issus d'usines non contrôlées, sans normes, sans composition indiquée. Produits qui pollueront pendant 200 ans après avoir servi un jour ou 2 mois. Le paludisme aussi flambe actuellement pour raison de consommation : les petits sachets noirs donnés gratuitement et systématiquement à toute personne qui consomme forment aujourd'hui des couches telles dans le sol africain que l'eau ne peut plus s'y infiltrer, maintenant ainsi devant les maisons, sur les pistes jonchées de poubelles, des flaques immenses, encore présentes une semaine après la dernière pluie, assurant une reproduction aisée et efficace des larves de moustiques. Le bétail et la volaille des campagnes africaines meurent d'ingérer des sachets qui compromettent également l'agriculture. La « croissance », c'est-à-dire l'augmentation exponentielle de consommation de produits manufacturés ou vendus après légère transformation, présentée officiellement comme source d'accroissement du confort individuel et preuve de fonctionnement de l'économie du pays, n'est en réalité qu'un moyen de permettre aux entreprises multinationales de dégager des profits à placer en bourse ou en banque et de pousser les individus et Etats à faire des emprunts pour faire tourner le broyeur de la finance internationale. Il faut assurer la « croissance », présentée comme seul salut mais surtout présentée comme garantie d'une réduction de la misère alors que même la CNUCED aujourd'hui reconnaît que la croissance permet aux plus riches de s'enrichir plus mais accroît la misère des plus pauvres. « Etant donné que la croissance ne profite pas automatiquement aux pauvres, la nouvelle approche insiste davantage sur la fourniture de services publics d'éducation primaire et de soins de santé. La nouvelle politique continue d'escompter qu'une rapide libéralisation commerciale et financière améliore l'accès des pauvres aux actifs financiers et autres qui leur permettraient d'échapper à la pauvreté. Or, l'expérience en Afrique devrait inciter à la plus grande prudence en la matière. L'étude montre qu'un accroissement des dépenses publiques à tous les niveaux reste le moyen le plus sûr de réduire les inégalités de revenus.(1) » Pourtant, chaque pays d'Afrique fait ses prévisions de croissance: dans sa prévision de budget 2005, le Congo Brazzaville table sur un taux en termes réels de 9,2%, le Nepad espère au début du texte 7% pour les 15 ans à venir, puis à la fin 6% (!), mais comment cette croissance viendra et quels effets pervers elle engendrera : Silence consommons! La science se chargera de réparer les dégâts sur l'environnement! Quelle science ? Une science issue d'une recherche scientifique sans budget ? Par Isabelle LIKOUKA, APASH/CADTM (2) Brazzaville, CONGO Notes : (1)De l'ajustement à la réduction de la pauvreté : qu'y a-t-il de nouveau ? http://www.un.org/publications. Voir aussi le dernier rapport CNUCED "Le Développement économique en Afrique, Repenser le rôle de l'investissement étranger direct", septembre 2005. (2)APASH, Association Pour une Alternative au Service de l'Humanité; CADTM, Comité pour l'Annulation de la Dette du Tiers Monde. ______________________________ 2.- LES GUERRES MENTENT - Mais le motifS( dit Monsieur Duval. Un homme ne tue pas pour rien. - Le motif ? répondit Ellery, e renfonçant la tête dans ses épaules-. Vous le connaissez, vous, le motif. (Ellery Queen, « Aventures dans la Maison des Ténèbres ») Les guerres disent qu'elles se font pour de bonnes raisons : la sécurité internationale, la dignité nationale, la démocratie, la liberté, l'ordre, la mission de la Civilisation ou la volonté de Dieu. Personne n'a l'honnêteté d'avouer : « Moi je tue pour voler ». Au Congo, au cours de la guerre de quatre années qui est suspendue depuis 2002, pas moins de trois millions de civils sont morts. Ils sont morts pour le coltan, mais eux ne le savaient pas. Le coltan est un minerai rare, et son nom étrange désigne le mélange de deux minéraux appelés columbium et tantale. Le coltan ne valait pas grand-chose, jusqu'à ce qu'on découvre qu'il était indispensable pour la fabrication des téléphones portables, navettes spatiales, ordinateurs et missiles ; depuis il est plus cher que l'or. Presque toutes les réserves connues de coltan sont dans les sables du Congo. Il y a plus de quarante ans, Patrice Lumumba fut sacrifié sur un autel d'or et de diamants. Son pays recommence à le tuer chaque jour. Le Congo, pays très pauvre, est très riche en minerais, et ce cadeau de la nature continue à se révéler une malédiction de l'histoire. Les africains appellent le pétrole « merde du diable ». En 1978, on découvrit du pétrole dans le sud du Soudan. On sait que sept ans après, les réserves atteignaient déjà plus du double, la plus grande quantité se trouvant dans l'ouest du pays, dans la région du Darfour. Là, récemment, il y a eu, et il continue à y avoir, un autre massacre. De nombreux paysans noirs, deux millions selon certaines estimations, se sont enfuis ou ont été tué par balles, au couteau ou par la faim, au passage des milices arabes que le gouvernement soutient avec des chars d'assaut et des hélicoptères. Cette guerre se déguise en conflit ethnique et religieux entre les bergers arabes, musulmans, et les paysans noirs, chrétiens et animistes. Mais il se trouve que les villages incendiés et les champs dévastés étaient là où commencent maintenant à se dresser les tours pétrolières qui forent la terre. La négation de l'évidence, injustement attribuée aux ivrognes, est l'habitude la plus connue du président de la planète, qui, grâce à dieu, ne boit jamais une seule goutte. Lui, continue à affirmer que sa guerre en Irak n'a rien à voir avec le pétrole. « Ils nous ont trompé en occultant systématiquement des informations », écrivait depuis l'Irak, dans les lointaines années 20, un certain Lawrence d'Arabie : « Le peuple anglais a été amené en Mésopotamie pour tomber dans un piège dont il sera difficile de sortir avec honneur et dignité ». Je le sais que l'histoire ne se répète pas, mais quelques fois j'en doute. Et l'obsession contre Chavez ? Elle n'a vraiment rien à voir avec le pétrole du Venezuela, cette campagne forcenée qui menace de tuer, au nom de la démocratie, le dictateur qui a gagné neuf élections propres ? Et les cris d'alarme continus contre le danger nucléaire iranien n'ont vraiment rien à voir avec le fait que l'Iran possède une des réserves de gaz les plus riches du monde ? Et si non, comment explique-t-on l'affaire du danger nucléaire ? C'est l'Iran, peut-être, qui a jeté les bombes atomiques sur la population civile de Hiroshima et Nagasaki ? L'entreprise Bechtel, qui a son siège en Californie, avait eu, pour quarante ans la concession de l'eau de Cochabamba. Toute l'eau, y compris l'eau de pluie. Dès qu'elle se fut installée, elle tripla les tarifs. Une révolte populaire éclata, et l'entreprise dût quitter la Bolivie. Le président Bush se prit de pitié pour l'expulsion, et il consola Bechtel en lui concédant l'eau de l'Irak. Vraiment généreux de sa part. L'Irak n'est pas digne d'être détruit seulement pour sa richesse pétrolifère : si ce pays, irrigué par le Tigre et l'Euphrate, se paye le pire c'est aussi parce qu'il est la poche d'eau douce la plus riche de tout le Moyen Orient. Le monde est assoiffé. Les poisons chimiques putréfient les fleuves et la sècheresse les extermine, la société de consommation consomme de plus en plus d'eau ; l'eau est de moins en moins potable et de plus en plus rare. Tout le monde le sait : les guerres du pétrole seront, demain, les guerres de l'eau. En réalité, les guerres de l'eau ont déjà commencé. Ce sont des guerres de conquête, mais les envahisseurs ne jettent pas de bombes, ni ne débarquent de troupes. Les technocrates internationaux, qui mettent les pays pauvres en état de siège et exigent la privatisation ou la mort, voyagent en civil. Leurs armes, mortels instruments d'extorsion et de châtiment, ne se voient pas et ne s'entendent pas. La Banque mondiale et le Fonds monétaire international, deux mâchoires d'une même morsure, ont , ces dernières années, imposé la privatisation de l'eau dans seize pays pauvres. Parmi eux, certains des plus pauvres du monde, comme le Bénin, le Nigeria, le Mozambique, le Rwanda, le Yémen, la Tanzanie, le Cameroun, le Honduras, le NicaraguaS( L'argument était irréfutable : ou ils concèdent l'eau ou il n'y aura pas de clémence pour la dette ou de nouveaux prêts. Les experts ont aussi eu la patience d'expliquer qu'ils ne le faisaient pas pour démanteler les souverainetés nationales, mais bien pour aider la modernisation des pays qui languissaient dans l'arriération à cause de l'inefficience de l'état. Et si les factures de l'eau privatisée ne pouvaient pas être payées par la majorité de la population, tant mieux : peut-être que comme ça, leur volonté assoupie de travail et de dépassement personnel allait enfin se réveiller. Qui commande en démocratie ? Les fonctionnaires internationaux de la haute finance que personne n'a élus ? A la fin du mois d'octobre, l'année dernière, un référendum a décidé du destin de l'eau en Uruguay. La plus grande partie de la population a voté avec une majorité jamais vue, confirmant que l'eau est un service public et un droit pour tous. Ça a été une victoire de la démocratie contre la tradition de l'impuissance, qui nous apprend que nous sommes incapables de gérer l'eau ou n'importe quelle autre chose, et contre la mauvaise réputation de la propriété publique, discréditée par les politiciens qui l'ont utilisée et maltraitée comme si ce qui est à tout le monde n'était à personne. Le référendum de l'Uruguay n'a eu aucune répercussion internationale. Les grands médias n'ont pas eu connaissance de cette bataille de la guerre de l'eau, perdue par ceux qui gagnent toujours ; et l'exemple n'a contaminé aucun pays du monde. Ce référendum a été le premier, pour l'eau, et jusqu'à présent, que l'on sache, il a aussi été le dernier. Par Eduardo Galeano, Copyright ips-il manifesto (traduit de l'espagnol par Marcella Trambaioli) Edition de mercredi 7 septembre de il manifesto http://abbonati.ilmanifesto.it/Quotidiano-archivio/07-Settembre-2005/art100.php3 Traduit de la version italienne par Marie-Ange Patrizio ______________________________ 3.- SOMMET DE L'ONU : UN ECHEC GLOBAL MAIS UNE INNOVATION FACTEUR D'ESPERANCE Le moins que l'on puisse dire est que la montagne a accouché d'une souris. Malgré la présence de dizaines de chefs d'Etats et de gouvernements, le sommet de l'ONU n'a pas débouché sur des résultats concrets. Il y a pour le moins un contraste gigantesque entre le constat généralement partagé de l'urgente nécessité d'une réforme de grande ampleur de l'ONU, et l'absence totale de résultat obtenu à New York. Qu'il s'agisse de l'élargissement du Conseil de sécurité, de la réforme de la Commission des droits de l'homme ou de sujets aussi essentiels que le terrorisme ou la non-prolifération des armes nucléaires, aucune avancée réelle n'a été obtenue. La réduction des déséquilibres économiques Nord-Sud fut l'objet de beaucoup de discours, mais d'aucune décision concrète. Le principal - et sans doute le seul - résultat tangible de ce sommet sera l'adoption par l'Assemblée générale d'une déclaration commune où figure le principe de nouvelles sources innovantes pour le développement et la volonté de certains pays de mettre en place une contribution sur les billets d'avion pour financer la lutte contre la pauvreté et les grandes pandémies. Gadget, idée mineure diront certains. Non, évolution capitale et lourde de conséquence pour l'avenir, au-delà du caractère apparemment limité de la mesure. L'idée d'une taxation internationale, certes volontaire et modeste, est entrée dans le paysage juridique. On peut faire le pari que cela ne s'arrêtera pas en si bon chemin et que c'est le début d'un processus qui devrait prendre de l'ampleur. Ce que l'Assemblée générale a consacré, c'est un succédané de la fameuse taxe Tobin proposée par le mouvement alter-mondialiste, et notamment ATTAC en France, depuis quelques années. Cette idée était jugée démagogique et illusoire lorsqu'elle a été proposée. Elle fut ensuite reprise par le Président français et le Président brésilien Lula et elle est désormais en passe de rentrer dans les faits. Pour la première fois, l'idée d'une taxation internationale a donc été admise et va entrer en application. Et la démarche qui a conduit à cette décision est également intéressante. Elle est le produit de l'adéquation entre un mouvement de citoyens, d'ONG et de décisions étatiques. Les ONG prennent en effet souvent des initiatives qui sont ensuite mises en ¦uvre par les Etats qui restent les décisionnaires. Il y a donc eu finalement une bonne coopération entre certains Etats et les ONG, montrant ainsi que ces deux acteurs de la scène internationale ne sont pas forcément adversaires ou concurrents, et qu'ils peuvent être parfois complémentaires. C'est la seule bonne nouvelle de ce sommet. Par Pascal Boniface, directeur de l'Institut des relations internationales et stratégiques (IRIS), membre du Conseil scientifique d'Attac --- Le Courriel d'information a été mis au point par l'équipe du Grain de sable. Reproduction autorisée sous couvert de la mention Courriel d'information ATTAC - http://attac.org/ Avertissement. Les documents publiés n engagent pas l'association ATTAC sauf mention contraire. Ils peuvent représenter l opinion de groupes thématiques,de personnes ou d autres organisations. Il s agit avant tout de pouvoir profiter des expertises et des idées disponibles afin de construire, ensemble, cet autre monde possible, de nous réapproprier notre avenir.