femmes du potager communautaire Amanecer [1], dans le quartier populaire de Sayago, montre la profondeur des changements enregistrés en relativement peu de temps : « Au début, nous n'avions qu'une fiche où chacun notait les heures travaillées. Au moment de la récolte, chacun recevait sa part selon le travail fourni. A notre surprise, lors d'une réunion en septembre, on proposa de ne plus noter les heures de travail. Cela nous fit extrêmement plaisir puisque le groupe commençait à avoir une conscience communautaire. C'est ce que nous avons fait jusqu'à aujourd'hui. A la fin de ses heures de travail, chaque membre prend le nécessaire pour alimenter sa famille » (Oholeguy, 2004). Trois mois plus tard, le collectif de « potagistes » (environ 40, dont une immense majorité de femmes et de jeunes) est parvenu à l'autosuffisance et à décider d'arrêter de recevoir les aliments dont la municipalité faisait don, en indiquant qu'ils préféreraient qu'ils soient distribués à des cantines populaires ou à d'autres groupes qui en auraient besoin. Dans une autre zone de Montevideo, dans le quartier Villa García, le réseau de potagers familiaux collectifs regroupe 20 potagers. Comme dans les autres cas, ce fut au départ des expériences isolées qui se sont coordonnées jusqu'à créer un collectif qui réalise des journées de travail hebdomadaires rotatives dans tous les potagers. Les réussites sont notables : consolidation de groupes de travail, capacité de maintenir les « cantines collectives » avec comme base la production des potagers, dépendant de moins en moins des aliments donnés par l'Etat, la création d'une serre et d'une banque de semences pour fournir des moyens de production à tous les potagers de la zone, l'édition d'un bulletin mensuel du groupe et la coordination avec les autres initiatives de Montevideo qui se sont rassemblées lors de la première Rencontre d'agriculteurs urbains, en octobre 2003. Le chemin effectué par les collectifs de « potagistes » [2] (c'est ainsi qu'ils se dénomment, instituant une nouvelle identité), depuis la solitude urbaine et l'angoisse de la survie, montre que même dans nos grandes villes, rongées par la fragmentation et un individualisme féroce, il est possible de construire des liens d'un autre type, au nez du pouvoir globalisé. L'autre cas qui me paraît particulièrement intéressant est aussi à caractère urbain : la ville aymara [3] de El Alto, en Bolivie. Durant l'insurrection de septembre-octobre 2003 [Guerre du gaz, ndlr], les liens qu'avaient tissés les habitants de El Alto ces vingt dernières années devinrent visibles : quelques 500 assemblées d'habitants, dans lesquelles sont organisés tous les habitants de El Alto (environ 800.000), représentèrent la colonne vertébrale de l'organisation populaire et les protagonistes de la révolte. Les assemblées sont des organismes territoriaux qui recréent les modes d'organisation de la communauté rurale, puisqu'elles sont chargées d'assurer l'approvisionnement en eau potable, la construction et l'entretien des rues et des autres services, et la régulation de la vie collective dans chaque quartier. Les formes d'organisation qui règlent la vie quotidienne à El Alto sont les mêmes qui étayèrent la mobilisation sociale, celles qui rendirent possible l'installation de centaines de barricades et de feux qui se sont maintenus grâce à la rotation des habitants et à une division stricte du travail. Certains coupaient les rues et résistaient à la répression, tandis que beaucoup d'autres communiquaient avec les différents groupes, d'autres encore assuraient l'approvisionnement en aliments ou diffusaient des messages sur le réseau de radios populaires qui jouèrent un rôle décisif dans les jours les plus difficiles (Gómez, 2004). « Nous sommes frères ! », criaient souvent les insurgés, montrant que le sort individuel et le sort collectif étaient scellés par le sang de la répression. Cette fraternité, cependant, naissait du simple fait de partager la vie collective, bien que ce soit la mort qui la favorisa. Entre le 11 et le 12 octobre, les jours les plus néfastes durant lesquels furent assassinées quelques 50 personnes, El Alto était une communauté militarisée par ses propres habitants. Aucun quartier n'était alors exempt de blocage, les barricades et les veillées aux flambées montrèrent, dans toutes les rues et avenues à la nuit tombée, une ville en révolution. La capacité organisatrice des habitants était guidée à chaque moment par les logiques communautaires. L'autorité représentative comme organe de décision perdit sa force et fut substituée par les assemblées de zone ou de rue (...) Le travail en équipes, l'obligation, les assemblées sont revitalisées dans les espaces urbains et c'est pour cela que la participation des hommes et des femmes est devenue massive. (Patzi, 2003) Durant ces journées, et comme le signalent tous les témoignages, les dirigeants ne jouèrent aucun rôle, se limitant à obéir aux décisions de la base et à agir comme courroie de transmission de cette dernière. Le fait qu'une ville entière soit capable de réaliser une insurrection sans dirigeants révèle la profondeur de l'esprit et de l'organisation communautaires. Il ne s'agit pas seulement d'une « re-création » des formes communautaires présentes dans les ayllus ruraux. Bien que la prédominance de la culture aymara soit l'une des clefs de la construction de relations communautaires, il y a à El Alto une véritable création de liens communautaires urbains, ce qui est sensiblement différent -et motif d'une réflexion profonde- de la simple transposition des habitudes rurales jusqu'à la ville. En effet, les Aymaras de El Alto ont été capables de maintenir et de rénover un ethos communautaire, mais les formes qu'il acquiert sont typiquement urbaines. L'une de ses multiples expressions sont les formes de production (aussi bien dans les services que dans l'industrie locale) qui sont majoritairement familiales et qui, bien qu'elles produisent pour le marché, le font en contrôlant eux-mêmes l'organisation et les temps de travail. En somme, le quotidien des habitants de El Alto est fortement marqué par des relations sociales « non capitalistes », tant au niveau des formes de production qu'aux formes de se mettre en relation dans les territoires urbains. Nous sommes face à l'appropriation du territoire par les propres habitants d'une ville, espace qu'ils ont par ailleurs construit eux-mêmes au long de cinq décennies. Cet immense tissu relationnel (pour produire, construire la ville, créer des connexions avec les zones rurales, résoudre les problèmes d'alimentation, de santé, d'éducation, d'eau, de vie en commun, parmi les plus marquants) est ce qui a donné à la population de El Alto cette capacité admirable à résister à la répression la plus dure et à vaincre le gouvernement de Gonzalo Sánchez de Lozada. Produire la vie sur son propre territoire Les nouveaux sujets urbains passent par des expériences qui ne sont pas très différentes de celles mentionnées plus haut, bien que l'expression publique de chaque mouvement soit très différente : alors que l'Argentine et la Bolivie ont connu de grandes mobilisations qui ont par moment adopté des formes insurrectionnelles, en Uruguay il n'y eut pas de grandes actions mais plutôt un mouvement souterrain, peut-être à cause de la solidité avec laquelle se maintiennent toujours les institutions étatiques et les partis. Dans les deux cas, la solidité ou la faiblesse du système étatique a favorisé ou a réfréné l'action publique mais, en dessous de la ligne de visibilité, les sujets semblent tester des chemins similaires. En effet, les piqueteros argentins sont maintenant capables de produire une partie de leurs aliments dans les potagers collectifs de leurs quartiers, ils ont des postes de santé et commencent à ouvrir des écoles, en même temps qu'ils établissent des liens d'échange avec d'autres groupes à l'extérieur du marché (MTD Solano y Colectivo Situaciones, 2002 et Zibechi, 2003). En parallèle, des usines récupérées et des assemblées de quartier tissent des relations avec les chômeurs, en créant des espaces communs, surtout dans la distribution et la commercialisation de la production. Cela est loin d'être des expériences isolées puisque dans les quartiers pauvres de nombreuses villes du continent se créent -ou se reformulent- des initiatives qui indiquent que les secteurs populaires urbains marchent dans une nouvelle direction : ils passent de la survie par les services (depuis le cireur de bottes jusqu'aux collecteurs d'ordures, et des portiers aux soupes populaires) à l'entrée sur le terrain de la production. Ils ne produisent pas seulement des aliments et d'autres produits comme des vêtements, des chaussures et des produits de tous types, mais ils prennent également en main une gamme variée d'aspects de leur vie quotidienne qui étaient, auparavant, assurés par l'Etat (notamment la santé et l'éducation). En somme, ils produisent et reproduisent leurs vies, avec souvent comme base, des critères d'autogestion et de solidarité, préoccupés non seulement par ce qu'ils font mais surtout par comment ils le font. C'est-à-dire qu'ils sont engagés à créer de la communauté ou quel que soit le nom que l'on veuille donner aux liens horizontaux, sans hiérarchies, que nous remarquons dans ces expériences urbaines. L'on objecte souvent à ces initiatives qu'elles ne sont que des palliatifs circonstanciels aux situations d'extrême gravité. C'est la position que défendent nombre de partis de gauche. D'autres considèrent que ces expériences seront irrémédiablement absorbées par la logique asservissante du système, jusqu'à ce que l'on parvienne à changer ceux qui détiennent le pouvoir étatique et, à ce moment là, l'on pourra commencer à construire cet « autre monde » que nous souhaitons. Cependant, les activistes et les mouvements, qui semblent peu préoccupés par prendre le pouvoir et qui consacrent toute leur énergie à faire mieux ce qu'ils font déjà, sont de plus en plus nombreux. De fait, les multitudes argentine et bolivienne n'ont pas résolu d'aller à la Casa Rosada ou au Palacio Quemado [4] mais ont rempli leurs objectifs immédiats, à savoir respectivement la neutralisation de l'état de siège et la chute de Sánchez de Lozada. On constate donc que les mouvements réclament toujours moins à l'Etat pour leur fournir ce dont ils ont besoin, mais ils se mettent à le faire eux-mêmes. Le contrôle territorial que maintiennent ces mouvements (qui semble passer des zones rurales -comme dans le cas des sans terres du Brésil et du Paraguay, ou des indiens et des paysans- aux périphéries urbaines), ajouté à la capacité de produire leurs vies, doit nous faire douter de la pertinence de continuer à utiliser la catégorie de « mouvements sociaux ». Du moins dans quelques étapes de la mobilisation (l'Argentine et la Bolivie sont les cas les plus notables), ce sont les sociétés qui sont en mouvement, avec leurs autorités quotidiennes, leurs groupes locaux et compacts, formant des multitudes hétérogènes capables de s'orienter sans dirigeants. Et, par là même, sans dirigés. Peut-être ces grandes mobilisations ont-elles -si l'on était capable de capter la logique intrinsèque des mouvements et non de leur attribuer des intentions- des objectifs différents de ce que l'on pourrait croire. Si effectivement, les mouvements sont orientés par des objectifs « internes », l'action publique -y compris les grandes insurrections- pourrait bien être orientée vers la défense et la consolidation des espaces d'autonomie territorialisée tels que nous les connaissons déjà en périphérie de Buenos Aires et Montevideo (avec différents degrés de développement), dans des villes comme El Alto, sur les « collines » de Caracas, et dans les quartiers populaires d'autres villes du continent. Comme cela se passe déjà depuis deux décennies avec les indiens et les sans terre, la défense des relations « non capitalistes stique des hommes sur les femmes ! Une redéfinition du religieux dans un sens restrictif comme affaire privée serait aussi utile pour limiter la propagande politique de l'Eglise dans les lieux de cultes en guise de sermons pendant la messe. Ce serait également bon pour l'Europe que l'Eglise n'hésite pas à vilipender à tout bout de champ pendant les sermons comme étant responsable de la « culture de la mort »! Le silence total du projet de Constitution sur les droits reproductifs et l'IVG à côté du « droit à la vie » est de très mauvais augure pour ce droit fondamental des femmes. Dans le pire des cas, cette omission permettra notamment à l'Eglise d'utiliser les moyens de pressions dont elle dispose pour faire du lobbing antiavortement au sein de l'UE. Si cette offensive échoue, ce qu'on espère toutes et tous, les Polonaises, les Irlandaises, les Portugaises et les Maltaises resteront pour longtemps des Européennes de seconde catégorie privées de la liberté essentielle de disposer de leur corps. Cette inégalité de traitement au sein de l'Union Européene est intolérable et met immédiatement en doute tous les objectifs affichés d'égalité, de solidarité ou de démocratie. Le projet de Constitution ne parle d'égalité femme-homme que de façon très générale et uniquement dans le cadre (II-83) de l'emploi, du travail et de la rémunération. De droits à la contraception, à l'avortement, point. Rien non plus sur les violences sexistes qui sont un fléau dans tous les pays européens. Rien non plus sur la prostitution quand on sait qu'elle affecte en majorité les femmes d'Europe de l'Est paupérisée ! Nulle part de trace de parentalité non plus : il n'y a que la maternité qui est protégée et la femme invitée à concilier vie privée et professionnelle ! (II 93-2) L'article II 69 garantie le droit au mariage mais ne mentionne nul part le droit au divorce. Ceci est très préoccupant quand on sait que l'Eglise fera tout pour finir par introduire des limitations de ce droit en attendant de l'abolir comme à Malte. Le mariage concordataire imposé en Pologne en est le premier pas. Même si le divorce civil existe encore, l'Eglise se sert de ce mariage dont elle gère les registres pour empêcher les gens de divorcer en les stigmatisant. L'union libre et le pacs ne sont pas mentionnés dans le projet de constitution européenne. Comme ils n'existent pas juridiquement, ils ne bénéficient pas de protection au contraire du mariage. Connaissant la pression qu'exerce l'Eglise pour le mariage et la stigmatisation des célibataires et du concubinage, il est clair que l'UE aurait pu apporter plus de liberté individuelle aux sociétés traditionnelles d'Europe Centrale. Mais il n'en sera rien grâce à la future Constitution Européenne, alors que cela serait si important dans des sociétés sacralisant le mariage. En effet, la Constitution polonaise, votée en 1997 selon les critères d'exigence de l'UE afin de permettre le début des négociations d'adhésion en 1998, mentionne le droit au mariage et la protection de la famille pas moins de 3 fois ! C'est pour cette même raison que le droit de vivre en union homosexuelle devrait être clairement affirmée afin d'éviter que des homosexuel/les soient attaquées suite à la propagande de l'Eglise et de l'extrême droite déversée quotidiennement dans leurs médias et dans les lieux de cultes. La Constitution Européenne serait en deçà même de la Constitution Polonaise en ce qui concerne la scolarité obligatoire, elle ne fixe en effet aucun âge alors que la Constitution Polonaise le fixe à 18 ans. Cette omission permettrait à la longue d'introduire le travail des adolescents via l'apprentissage, cher aux ultralibéraux, alors que les sociétés d'Europe Centrales sont très attachées à l'éducation et soucieuses de permettre à leurs enfants une scolarité aussi longue que possible. Selon un sondage de mai 2004, (5) la première valeur des Polonais reste l'instruction, loin après l'argent et la religion ! Enfin, le projet constitutionnel constitue une menace réelle pour l'agriculture familiale polonaise qui assure la subsistance de centaines de milliers de familles. Ces micro-exploitations assurent au moins l'autosuffisance alimentaire et sont largement l'¦uvre des femmes. En effet, la Constitution Polonaise stipule que la base sociale de l'agriculture est l'exploitation familiale, ce qui est complètement étranger aux valeurs de l'UE libérale dans laquelle le but de l'agriculture est (III 227) la productivité agricole et la baisse des prix ! Ceci est donc incompatible avec cette économie de subsistance et avec le développement durable. L'objectif de l'UE est-il la disparition de la paysannerie polonaise et sa transformation en main d'¦uvre « adaptable » entassée aux portes des mégalopoles dans des banlieues-gettos ? Les paysans polonais, qui ont combattu victorieusement contre la collectivisation stalinienne, ne vont certes pas se laisser faire, au risque de nouer des alliances avec l'extrême droite hostile à l'Europe et de se faire manipuler par l'Eglise dans sa croisade « contre la culture de la mort ». Ce risque est un danger mortel pour le droits des femmes et pour la démocratie en général ! Ce qui est tragique, c'est que l'ultralibéralisme et la mainmise du religieux sur le politique sont allées tellement en loin en Europe Orientale que le projet de Constitution Européenne risque de paraître un progrès face aux destructions déjà opérées avant l'adhésion à l'UE. Notamment de nombreuses féministes escomptent que la Constitution les aidera à améliorer les droits des femmes et pensent que la sacralisation des dogmes ultralibéraux n'est qu'un petit prix à payer pour obtenir ces droits, prix qui a déjà été payé par l'Europe Centrale avant l'adhésion. Vivant dans une culture ultralibérale depuis 15 ans, ayant consenties à d'immenses sacrifices pour l'adhésion à l'Union, elles conçoivent mal que le projet de Constitution Européenne soit un outil de destruction de droits des femmes en Europe Occidentale, notamment de leurs droits sociaux. Voici quelques exemples de régression politique en Europe Centrale et Orientale qui risquent de faire parraître le projet libéral européen comme progressiste et social. - L'article II 70 du TCE qui donne le droit de manifester collectivement sa religion en public est déjà inscrit dans la Constitution polonaise. (Art 52.2). Mais il est assorti dans cette constitution du droit à l'enseignement de la religion dans les écoles publiques ce que le projet européen ne mentionne pas aussi explicitement. Cela peut donc paraître un progrès aux yeux des Polonaises ! - Par rapport au droit au mariage, l'article II 69 peut aussi paraître un progrès puisqu'il ne mentionne pas le sexe des parties contractantes contrairement à la Constitution Polonaise qui dit explicitement qu'il s'agit d'un homme et d'une femme. Il n'est donc pas étonnant que les lesbiennes et gays polonais comptent sur l'UE pour reconnaître leurs droits puisqu'il faut une révision de la constitution pour leur garantir le droit au mariage en Pologne ! - Ils et elles comptent aussi sur l'article anti-discrimination (III 124) pour lever ces obstacles sans prendre garde qu'à 25 pays dont 10 d'Europe Centrale avec les mêmes hostilités ouvertes vis à vis de l'homosexualité, l'unanimité sera pratiquement impossible. - Comme la Constitution Polonaise ne connaît plus le droit au travail, à peine « le libre choix et exercice d'une profession », le « droit de travailler » du projet constitutionnel européen apparaît comme un progrès ! - C'est la même chose pour les services publics d'intérêt général : comme il n'y a plus de notion de service public dans la Constitution Polonaise, les SIEG représentent alors un progrès socialS(. - Un article très important stipule que les restrictions à la liberté de travailler et de s'établir dans l'Union pour les citoyens de l'Union doivent être levées par les Etats (III 134). C'est en échange des restrictions à l'émigration de leurs travailleurs que les 10 pays entrants ont obtenu quelques aides structurelles ou les subventions agricoles tant convoitées. Il est évident que pour des pays dont le chômage frise des 20% de la population active, cet article est une bénédiction. Les Etats se débarrasseraient ainsi à bon compte de leurs chômeurs en les incitant à chercher un hypothétique travail « en Occident » et éviteraient de mettre en ¦uvre des politiques d'aide à l'emploi aujourd'hui inexistantes. Pour les citoyens concernés, cette mesure leur apparaît comme une justice rendue après des décennies d'humiliation infligée par « l'Europe forteresse ». L'idée de mettre fin au double standard européen selon lequel « ceux de l'Ouest ont le droit de s'installer à l'Est, mais ceux de l'Est ne sont bons que pour le travail au noir » est très forte dans cette opinion publique et ce projet constitutionnel sera encore une fois pour cette raison perçu comme une avancée vers l'égalité. Personne n'informe vraiment les citoyens d'Europe Centrale et Orientale du chômage en Europe Occidentale. Personne ne les mets en garde contre la loi capitaliste qui veut que l'afflux de main d'¦uvre immigrée massive et bon marché contribue à faire baisser les salaires et entraîne l'appauvrissement de tous les travailleurs. Seule la solidarité entre les travailleurs d'ici et de là-bas ainsi qu'une politique industrielle et agricole durable et européenne digne ce de nom pourraient freiner cette course vers la dégradation des conditions de vie de tous. 13 ans de politique ultralibérale en Europe Centrale et Orientale ont creusé un fossé culturel entre Est et Ouest qui paraît aussi grand que du temps de la guerre froideS( L'érosion des droits sociaux y a été telle qu'on voit mal comment une communauté d'intérêt entre les travailleurs des deux parties de l'Europe pourrait bien se faire. Pour sauvegarder quelques principes généraux, les travailleurs d'Europe Centrale sont prêts à sacrifier les droits de ceux de l'Europe Occidentale. Le tout sous le chantage permanent d'une extrême droite violemment anti-européenne au nom de certains principes nationaux parfois justifiés. (6) De même les femmes, opprimées par la politique du Vatican, sont également prêtes à sacrifier les droits sociaux de leurs cons¦urs occidentales au nom d'une hypothétique égalité des droits que l'Europe ne leur garantie pourtant pas dans le domaine essentiel, les droits reproductifs. Cette contradiction est largement le fruit de l'absence de débats au sujet de la pertinence de la construction européenne. Il est temps que nous, citoyens d'Est et d'Ouest, prenons enfin part aux décisions qui nous concernent tous. Une première contribution urgente au débat est de refuser cette Constitution inique, ultralibérale et conservatrice. NOTES : 1. Pour mémoire, la Pologne devait 40 mld de dollars de dettes aux pays occidentaux en 1989 et quelques années plus tardS( presque rien, en échange de l'ouverture des marchés et des privatisations. 2. Cette interdiction a été votée par les ultralibéraux en échange du soutien de l'Eglise à la politique ultralibérale et elle a été reconduite en 2000 par les socialistes en échange du soutien de l'Eglise à l'adhésion à l'UE. 3. Le mot même est interdit puisqu'il a été remplacé dans les textes juridiques par « l'enfant conçu »., 4. Comme en 1992 ou il a sermonné les députés sur l'avortement dans l'enceinte du parlement. 5. Hebdomadaire « Polityka » mai 2004 6. Comme la priorité de la possession des terres aux citoyens locaux. --- Le Courriel d'information a été mis au point par l'équipe du Grain de sable. Reproduction autorisée sous couvert de la mention Courriel d'information ATTAC - http://attac.org/ Avertissement. Les documents publiés n engagent pas l'association ATTAC sauf mention contraire. Ils peuvent représenter l opinion de groupes thématiques,de personnes ou d autres organisations. 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