Subject: [ATTAC] INFO 500 : RUSSIE ANTISOCIALE From: Grain de sable Date: Wed, 9 Feb 2005 14:37:16 +0100 To: gds@attac.org COURRIEL D'INFORMATION ATTAC (n°500) RUSSIE ANTISOCIALE Mercredi 9/02/05 Merci de faire circuler et de diffuser largement. Le courriel est reçu aujourd'hui par 50489 abonnés ___________________________________________ S'abonner ou se désabonner http://www.france.attac.org/a3652 Confort de lecture et impression papier: Format RTF http://www.france.attac.org/IMG/zip/attacinfo500.zip Format PDF http://www.france.attac.org/IMG/pdf/attacinfo500.pdf ___________________________________________ Pour ce 500è numéro, nous vous proposons de découvrir que le néolibéralisme ne connaît pas les frontières, avec un petit voyage en Russie. Pour contacter l'équipe du Messager syndical dont sont issus les textes : Comité de rédaction : David Mandel (Canada), Carine Clément (Moscou), Denis Paillard (France). Pour toute correspondance : Messager Syndical c/o D.Paillard 2, rue Emile Deutsch de la Meurthe 75014 PARIS. Email : carine_clement@hotmail.com ___________________________________________ LE MESSAGER SYNDICAL janvier 2005 n° 28 Bulletin d'informations sur le mouvement syndical en Russie IMPORTANTE MOBILISATION DES RETRAITES DANS TOUTE LA RUSSIE Lors de la session printemps - été 2004 de la Douma, un paquet de lois antisociales a été adopté : il constitue une attaque frontale contre la partie la plus démunie (soit 80 %) de la population... Cette politique antisociale s'étend à tous les domaines : logement, santé, retraites, éducation, droits du travail (pour une analyse détaillée du contenu de ces lois, se reporter au Messager syndical, 27). La loi dite de « monétarisation des avantages sociaux » prévoit de supprimer à compter du 1er janvier 2005 les avantages sociaux dont bénéficient certaines catégories de la population (retraités, anciens combattants, vétérans de la seconde guerre mondiale et invalides du travail) : gratuité des transports publics, non paiement de certains médicaments et du téléphone. Pour compenser la perte des ces avantages, les personnes concernées sont censées toucher une compensation financière qui sera désormais à la charge des régions. Or la majorité des régions de Russie sont déficitaires sur le plan budgétaire : les sommes seront totalement dérisoires ou même, dans de nombreux cas, purement fictives. Depuis le début du mois de janvier (date d'entrée en application de la loi) on assiste à travers toute la Russie à une vague impressionnante de manifestations, débouchant dans de nombreux cas, à des actions plus radicales comme le blocage des rues et des axes routiers. Et les slogans lancés par les manifestants vont bien au delà de la seule suppression des avantages sociaux ; toujours plus nombreux sont les manifestants qui réclament la démission du gouvernement, la dissolution de la Douma et mettent en cause directement Poutine. Il est difficile d'énumérer toutes les villes, grandes et petites - elles se comptent par centaines - où se déroulent les manifestations, réunissant souvent des milliers de manifestants. Il est intéressant de noter que les plus grosses mobilisations ont eu lieu en province et non à Moscou et Saint Pétersbourg. Dans un grand nombre de villes plusieurs manifestations ont eu lieu depuis début janvier, dans certaines les actions ont pris un rythme quotidien, accompagnées du blocage du trafic automobile. Le 22 janvier, à l'occasion du centième anniversaire du « dimanche sanglant » (le 22 janvier 1905 le tsar avait fait tirer sur la foule), a connu un regain de manifestations. Très souvent spontanées au départ, ces manifestations ont des degrés divers d'organisation et de mobilisation. Elles sont soutenues par différents partis d'opposition, à commencer par le Parti communiste de la Fédération de Russie, mais aussi par différentes composantes du mouvement syndical. Ainsi, à Toliatti, le syndicat alternatif Edinstvo de l'usine Avtovaz a mis tout son poids dans les mobilisations. Et parmi les manifestants, en dehors des retraités, il y a d'autres classes d'âges, à commencer par les étudiants. Face à cette mobilisation qui s'inscrit dans une réelle durée, la réaction du pouvoir a été celle du mépris : ministres et députés ont proclamé que la loi avait été mal comprise (un refrain que l'on a souvent entendu en France lors de la réforme des retraites au printemps 2003 !). Et V. Poutine a déclaré que le gouvernement et les autorités des régions avaient mal accompagné la mise en application de la loi. Par contre, sur le fond, il n'est pas question pour le gouvernement de reculer. Cette politique du mépris a été, dans quelques villes, accompagnée de mesures de répression policière à l'encontre certains manifestants. Face à cette intransigeance du pouvoir, le mouvement se trouve aujourd'hui confronté à une grave question : comment poursuivre et élargir la mobilisation ? Le 19 janvier, le Conseil de Solidarité sociale (S.O.S) a lancé un appel à deux journées d'action, à travers toute la Fédération de Russie, les 10 et 12 février, pour réclamer l'abrogation de la loi sur les avantages sociaux, mais aussi le retrait des autres lois antisociales adoptées l'année passée. S.O.S. est une structure regroupant une cinquantaine d'associations (dont les principales associations de retraités), d'organisations et de syndicats (les partis ne peuvent en faire partie) qui avaient formé un large front d'opposition aux projets de loisantisociales, et qui, au lendemain du vote de la Douma, avaient décidé de poursuivre leur action. S.O.S. publie un journal Solidarnost' tiré désormais à 400 000 exemplaires et diffusé à travers toute la Russie. Compte tenu de l'expérience de l'année passée et d'un ancrage réel de ses différentes composantes dans de nombreuses régions, S.O.S peut contribuer de façon décisive à la poursuite et l'élargissement de la mobilisation. De plus, un site internet (ikd.ru) étroitement lié à SO.S. donne quotidiennement des informations détaillées sur les manifestations et actions de la journée Face à la nécessité de construire un espace commun de lutte, le plus large possible, l'information systématique sur ce qui se passe dans le reste du pays est aujourd'hui un enjeu essentiel, afin de briser le sentiment d'isolement des uns et des autres. -------------------- On trouvera ci-dessous de larges extraits d'un texte de Oleg Shein, député indépendant à la Douma et l'un des principaux animateurs de S.O.S. Dans ce texte O. Shein replace la mobilisation contre la suppression des avantages sociaux dans le contexte plus large de la résistance à l'offensive antisociale du gouvernement. La crise ne fait que commencer Le pouvoir se trouve confronté aujourd'hui à une vague de protestation populaire massive, un événement auquel il ne s'attendait pas du tout. Cette vague de protestation est spontanée mais déterminée. Et les ite pour les salariés du charbon et à d'autres droits sociaux prévus par l'accord collectif territorial de Vorkuta pour 2005-2007. Nous protestons contre cette politique de discrimination menée par la direction qui constitue une violation grave de la législation du travail et des droits constitutionnels des salariés. Si la direction continue à discriminer ainsi les membres des syndicats qui ne lui conviennent pas, nous ferons en sorte d'alerter l'opinion publique internationale sur ce scandale. Signature, organisation. Copie à Oleg Babitch, secrétaire de « Zachita truda » : smmorpwr@mtu-net.ru -------------------- Autre aspect de la politique libérale menée par V. Poutine : la privatisation des chemins de fer. Nous publions ci-dessous le texte d'un militant cheminot de Russie, qui doit être publié dans la revue du syndicat Sud Rail consacrée aux problèmes internationaux. Nous remercions les camarades de Sud Rail qui ont donné leur accord pour que ce texte soit publié dans le Messager syndical. LA REFORME DES CHEMINS DE FER EN RUSSIE : UN PREMIER BILAN La première étape de la réforme des chemins de fer de Russie est terminée. Cela fait un an que, par décret du gouvernement, une société par actions « Réseaux ferroviaires de Russie » (RFR) a été créée sur la base de la privatisation des équipements. Nous analyserons les résultats de cette première en évoquant ce qui s'est passé dans les différents départements de la ligne Oktiabrskaïa [partie du réseau des chemins de fer russes reliant Saint Péterbourg à Moscou et à de nombreuses destinations dans la partie Nord Ouest de la Russie. NdT]. Et par là même, on pourra apporter une réponse à la question : à qui profite la privatisation ? La création de la RFR a entraîné la liquidation de toute une série de départements et services annexes. Poursuivant une politique amorcée depuis quelques années, la RFR liquide tous les services sociaux (hôpitaux, écoles, crèches). Elle procède aussi à une réduction drastique des ateliers d'entretien. Auparavant il existait toute une série d'ateliers chargés de la réparation et de l'entretien du matériel. Désormais, le matériel est envoyé en usine ou dans les ateliers centraux : une partie est retirée de la circulation et l'autre est réparée à la va vite. Et le matériel qui vient remplacer le matériel hors d'usage n'est pas de la même qualité. Les services de nettoyage, tant dans les gares que les trains, ont vu baisser leurs effectifs. Désormais, le nettoyage est effectué par des travailleurs avec un contrat « à la tâche » alors même que ce travail est régulier, ce qui signifie ni indemnités de maladie, ni congés payés, ni cotisations au fond de retraite. Ce sont en fait des sociétés extérieures qui sont chargé de ces travaux, à la tête desquelles on trouve des parents ou des connaissances des dirigeants de RFR. Et avec des coût nettement supérieurs. Les effectifs des employés des guichets ont été réduits. Quant aux contrôleurs, qui assurent la vente des billets dans les trains, le temps passé en gare entre l'arrivée du train et le départ du suivant n'est pas considéré comme « temps de travail » : s'ils se trouvent là, c'est « par choix personnel ». A ce jour, pour la majorité des professions, on ne connaît toujours pas la définition des postes de travail. Dans les postes de sécurité, il est prévu que les mécaniciens et les monteurs assurent des permanences de 24 heures, payées à 25% du tarif s'il s'agit d'une permanence téléphonique à domicile et à 75% si la permanence se fait sur le lieu de travail. En raison du manque dramatique de personnel les procédures de contrôle technique ne sont jamais effectuées complètement. Les mécaniciens et les monteurs en charge de la signalisation, de la centralisation et du blocage, n'ont droit à aucune prime pour travaux dangereux alors que les nuisances sont les mêmes que pour les personnels chargés de l'entretien des voies et les personnels du réseau électrique. Dans le service chargé du réseau électrique on a « innové » : en plus du service actif, on a introduit la notion de « service passif » correspondant à 16 heures payées 75% du tarif et qui ne sont pas toutes décomptées dans l'horaire de travail légal. A cause du manque d'effectifs les personnels travaillent 24 heures d'affilée un jour sur trois. Des horaires élastiques où les heures supplémentaires ne sont pas payées. Dans le département « trafic » la situation n'est pas meilleure. Dans la plupart des gares le service est assuré par 3 personnes au lieu des 4 réglementaires. Les heures supplémentaires ne sont pas payées. Mais pas question de s'absenter, car il n'y a personne pour te remplacer. Même situation dans les parcs de locomotives. Et tout ce petit monde de s'agiter comme un écureuil dans sa roue. En cas d'incident, la direction trouvera toujours un aiguilleur à sanctionner. Les mêmes réductions d'effectifs frappent les employés. Ainsi, à certains endroits, les personnes responsables des maisons de repos pour les conducteurs se sont vu attribuer la charge du nettoyage et de la vaisselle pour le personnel roulant. Mais aussi celle de brûler les ordures dans des fourneaux spéciaux. Et celles qui ont refusé ont été licenciées. Situation du même ordre pour le personnel travaillant sur les voies. Les quota de monteurs pour une section de ligne ne sont remplis qu'entre 30 à 50%. Et le matériel d'entretien, ou plutôt ce qu'il en reste, est souvent hors d'usage. Ce qui entraîne en permanence le non respect de la sécurité et des règles d'entretien, avec à la clef des accidents et une augmentation des accidents du travail. Chaque semaine nous recevons des télégrammes nous informant d'accidents mortels. Depuis le début de l'année plus de cent travailleurs sont morts ou ont été victimes d'accidents graves. Et beaucoup d'autres cas ne sont pas rendus publics. Sur ordre de la direction de la ligne Oktiabrskaïa, un grand nombre de passages à niveau ont été supprimés, et cela s'appelle la sécurité du trafic ! On a fortement réduit les effectifs des personnels techniques (régleurs, monteurs, etc) affectés à une portion de ligne. Les réparations sont confiées à des entreprises extérieures, pour un coût trois fois supérieur ! Le matériel électrique et hydraulique est envoyé pour être réparé à l'usine de Novgorod. Où il est déclaré hors d'usage ou encore envoyé sur une autre ligne. La direction refuse d'acheter du nouveau matériel : « trop cher » dit-elle. Conséquence : les personnels travaillant sur les voies le font avec les mêmes instruments qu'au début du XXème siècle, pour un salaire de 4 à 5000 roubles [soit 140 à 260 $. NdT]. Et les petits chefs violent en permanence la loi, à commencer par le Code du travail, sûrs de leur impunité devant les tribunaux. Quant à ceux d'en haut, c'est à une toute autre échelle ils violent la loi et s'en mettent plein les poches : à la pelle ! Dans la plupart des départements, le fond de salaires diminue chaque mois. Et cela malgré la hausse des prix et les dispositions des conventions collectives prévoyant une indexation des salaires sur l'inflation. Les bénéfices de RFR pour le premier semestre 2004 sont deux fois et demie supérieurs à ceux de la société d'état pour tout 2003. Les traitements des dirigeants de RFR ont été multipliés par 3, pour certains par 5. Par contre, pour les travailleurs, leur salaire a baissé de 1 500 à 2000 roubles depuis septembre 2003. Le nombre des boîtes extérieures qui se sucrent sur le dos de RFR augmente chaque jour. Autre mot d'ordre : « rentabiliser » les moyens, ce qui signifie louer les bâtiments des gares et autres installations et mettre des panneaux publicitaires partout. Les travailleurs ayant des personnes à leur charge n'ont plus, depuis avril 2004, le droit de voyager gratuitement. De façon plus générale, suite à la signature d'un accord salarial et d'une nouvelle convention collective entre la RFR et un syndicat « maison » les avantages dont bénéficiaient les cheminots ont diminué de façon significative, et les salaires sont toujours aussi dérisoires, alors même que le volume de travail augmente. Pour la direction, pas question d'augmenter les salaires, car, dit-elle, le fond de salaires ne le permet pas. Pas d'argent non plus pour terminer la construction d'un dépôt de locomotives ou pour réparer le matériel. Mais de l'argent il y en a lorsqu'il s'agit de construire un sauna avec piscine, une pièce de repos avec billard et fauteuils confortables, un bureau avec toutes les commodités... C'est ainsi que prospèrent les chefs en tout genre, célébrant la privatisation. Mais pourquoi ces limites à l'augmentation du fond de salaires ? Elles ne tombent pas du ciel. Augmenter les salaires, c'est réduire les bénéfices. Toute somme affectée aux besoins des travailleurs, à la sécurité du travail et à celle des transports, à la redéfinition des postes de travail, à la construction de logements, aux avantages en nature prévus par la convention collective, tout çà c'est du bénéfice en moins. Et dans une société capitaliste, une société par actions, même lorsque l'Etat détient 100% des actions, c'est la recherche à tout prix du bénéfice, sur le dos des travailleurs. Pour une vie digne, il faut se battre et se battre ensemble. Et le seul moyen d'unir ses efforts pour gagner, c'est un syndicat, un syndicat sans représentants de la direction et du personnel d'encadrement, un syndicat qui unit ses efforts avec d'autres syndicats en Russie, un syndicat qui organise des actions visant à défendre les intérêts de la majorité des travailleurs, des actions de solidarité avec les autres travailleurs, et qui participe à la lutte commune. Tout travailleur doit comprendre que le syndicat c'est un outil de défense pour lui dans chaque cas concret, mais aussi pour résoudre des problèmes communs à plus long terme. Il ne faut pas attendre des tribunaux ou de l'inspection du travail un quelconque changement de la situation actuelle. Tant que les travailleurs ne s'uniront pas dans de véritables syndicats et ne décideront pas de défendre ensemble leurs droits, la situation dans les chemins de fer ne peut qu'empirer. La première étape de la privatisation est achevée. La seconde étape qui va s'ouvrir apportera son « bouquet » de nouvelles mesures contre les travailleurs, et seuls ceux qui auront survécu pourront goûter aux fruits mers de la troisième étape. A. Argunov, cheminot (17 ans de carrière). Président du syndicat « Le Cheminot ». ************************************* coorditrad@attac.org est l'adresse du secrétariat de l'équipe des traducteurs internationaux qui nous font bénéficier bénévolement de leurs compétences. Vous aussi vous pouvez participer. Il suffit de contacter coorditrad en précisant votre (ou vos) langue maternelle, les langues depuis lesquelles vous pouvez traduire et votre niveau de compétence. Le travail de traduction est basé sur le volontariat et ne vous engage pas à répondre à toutes les demandes. Vous travaillez à votre rythme et en fonction de vos centres d'intérêt. --- Le Courriel d'information a été mis au point par l'équipe du Grain de sable. 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