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(Par Vincent Drezet) Le discours dominant s'appuie sur l'insécurité économique et sociale et, sur l'air du «trop de prélèvements entraîne la fuite des cerveaux, éloigne les investisseurs et conduit à moins de croissance donc moins d'emplois», prétend ainsi justifier la baisse des impôts (notamment des impôts progressifs) et des «charges» sociales, ou encore la création de zones franches et de statuts fiscaux dérogatoires bref, autant de mesures répondant aux préceptes néo-libéraux bien connus mais franchement opposés à la conception d'une fiscalité juste, instrument de financement du secteur public, de redistribution et de correction des inégalités


Attractivité fiscale,non ! Attractivité globale oui!

Le 08/07/2003
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es récents chiffres publiés par l'OCDE en matière d'investissements directs étrangers[1], les annonces du gouvernement et le débat qui les entourent l'ont encore montré: il faut s'approprier la question de l'attractivité du territoire français afin de ne pas la laisser enfermée dans le piège de la «nécessaire» baisse des prélèvements obligatoires et du «trop d'impôts, trop d'état, trop de charges sociales.». Le discours dominant s'appuie en effet sur l'insécurité économique et sociale et, sur l'air du «trop de prélèvements entraîne la fuite des cerveaux, éloigne les investisseurs et conduit à moins de croissance donc moins d'emplois», prétend ainsi justifier la baisse des impôts (notamment des impôts progressifs) et des «charges» sociales, ou encore la création de zones franches et de statuts fiscaux dérogatoires bref, autant de mesures répondant aux préceptes néo-libéraux bien connus mais franchement opposés à la conception d'une fiscalité juste, instrument de financement du secteur public, de redistribution et de correction des inégalités.

Doit-on donc encore et toujours s'adapter à la mise en concurrence des systèmes fiscaux et sociaux des états («mondialisation oblige») et ainsi accepter l'alignement par le bas? La question de l'attractivité nous enseigne l'inverse !

L'attractivité fiscale comme élément central

La question de l'attractivité telle qu'elle est posée est sans fin ; il faudrait continuer à baisser notamment l'impôt sur le revenu et l'impôt sur les sociétés. La raison? Tout serait plus bas ailleurs ! C'est l'argumentation des comparaisons internationales qui mérite cependant que l'on s'y penche un peu plus. Ainsi , la part des impôts sur le revenu et sur les sociétés dans le total des recettes fiscales dans les pays référents est la suivante:

Pays ______ /    IR    /   IS
France ____ /   18.0   /   7.0
Royaume Uni /   29.2   /   9.8
Etats Unis  /   42.4   /   8.5
Japon _____ /   20.6   /  13.5
Suisse ____ /   30.6   /   7.9
Australie _ /   36.7   /  20.6
Canada ____ /   36.8   /  11.1
Belgique __ /   31.0   /   8.1
Moyenne OCDE/   26.0   /   9.7
Moyenne UE  /   25.6   /   9.2

IR:Impôt sur le revenu ( personnes physiques)
IS:Impôts sur les sociétés
(source: OCDE, données 2000)

Il est instructif de comparer ainsi l'importance des principaux impôts concernés par les baisses engagées et/ou programmées sur la base d'un renforcement de l'attractivité avec d'autres pays souvent cités en exemple. Eh oui, l'impôt français n° 1, c'est la TVA (45% des recettes fiscales); impôt indolore et injuste, qui touche tout le monde, indépendamment de sa situation !

Les délocalisations; un épouvantail!

Concernant les délocalisations des personnes physiques, elles n'ont pas augmenté contrairement à ce que l'on voudrait nous faire croire. La Direction Générale des Impôts a ainsi établi que le nombre total de contribuables ayant transféré leur résidence à l'étranger s'est élevé à 25.000 personnes sur 1997 et 1998. L'étude (la plus récente connue à ce jour) précise que «ce chiffre est de la même ordre de grandeur que par le passé. Il intègre les mouvements normaux d'étrangers ou de français dont les impératifs professionnels impliquent ces déplacements et sont compensés par des mouvements inverses»: il n'est donc pas significatif d'une «fuite des cerveaux».

Des taux d'imposition «confiscatoires»?

Qui n'a pas entendu parler du taux marginal d'imposition de l'impôt sur le revenu (IR)? «Confiscatoire» et «décourageant» reviennent souvent. Là encore, on avance des comparaisons internationales pour justifier les remises en cause de l'IR. Mais ici aussi, comparaison n'est pas raison, et on oublie trop souvent de rappeler le poids de l'impôt sur le revenu en France (cf ci-dessus) ou de préciser ce taux, qui n'est pas le taux effectif d'imposition (c'est à dire le rapport entre impôt payé et revenus déclarés) ne tient pas compte des abattements et réductions de toute sorte permettant d'en réduire substantiellement la base et donc au final l'impôt à payer. Enfin plus largement, des travaux[2] ont permis de constater que les variations des taux d'imposition sur le revenu n'ont pas entraîné de changements notables dans le comportement des hauts revenus durant tout le vingtième siècle.

Malgré tout, l'acharnement à baisser le poids de l'impôt sur le revenu continue et un programme pluriannuel de réduction de l'IR a été lancé en 2002 alors que de nombreuses réformes sont déjà venues entamer son importance par le passé (incitations par réductions ou déductions, prime pour l'emploi). En effet, il a déjà baissé de 14% en 20 ans et le nombre de foyers imposables est passé de 61% en 1995 à 50% en 2000. En outre, le nombre de tranches est passé de 12 à 7. Au final, le nombre de contribuables payant plus de 100.000 francs d'impôt à baissé de 7.1% entre 1993 et 1996 (source: Minéfi) Ces baisses se font donc d'abord au bénéfice des hauts revenus ce qui favorise avant tout leur épargne. Alors l'IR ; impôt «peau de chagrin» ? C'est bien sur à craindre car sa progressivité, qui lui confère un caractère de justice fiscale indéniable, le rend insupportable aux yeux des néo-libéraux.

Concernant l'IS, on se contentera de noter pudiquement la place de la France au regard des autres pays concurrents ainsi son amaigrissement entamé par le précédent gouvernement (tranche de 15% sur les 38.120 premiers euros de bénéfices et suppression de la majoration de 10% instituée en 1995 par exemple).

Une attractivité globale réelle!

L'attractivité ne se limite donc pas au seul horizon fiscal. C'est bien d'attractivité globale dont il est question. A ce sujet, la France est d'ailleurs bien placée. Les rapports du Conseil Economique et Social[3] et du Conseil d'Analyse Economique[4] confirment que la France dispose d'un environnement de qualité voire déterminant dans l'approche de l'attractivité générale du territoire. Ainsi, les récents travaux de l'Agence française des investissements internationaux[5] montrent par exemple la résistance de la France à la baisse générale des investissements, cette approche étant confortée par celle de l'OCDE.

Avec un taux de prélèvements obligatoires d'environ 45%, et si on suit les théories édictées, il ne devrait y avoir aucune entreprise en France ! Or l'attractivité ne se résume pas à une fiscalité minimale. A l'attractivité fiscale, il faut opposer l'attractivité globale du territoire qui résulte d'un environnement de qualité: système éducatif performant formant une main d'ouvre qualifiée, système de santé reconnu (cf OMS), infrastructures publiques, système d'aides publiques le plus développé des pays de l'OCDE... Cette attractivité réelle est bel et bien un atout que les prélèvements obligatoires contribuent à financer et à entretenir.

L'attractivité sert aujourd'hui d'alibi à ceux dont les vues sont connues: façonner une société à leurs intérêts privés en éliminant les dispositions juridiques entravant leur course au profit (législation fiscale et sociale notamment). L'argument replacé dans sa vraie dimension permet pourtant de dire en quoi les solidarités et l'intérêt général sont tout simplement primordiaux. On est alors bien loin de la trentième place (classement de Davos) dans la compétition internationale, telle que le Premier Ministre l'a trop rapidement avancée voici un an ! Enfin, concernant les prélèvements obligatoires, la question n'est pas celle de leur baisse dogmatique mais bien de l'évolution nécessaire de leur structure, pour que la justice fiscale soit un élément moteur de la justice sociale. Mais ceci appelle un autre débat !

Par Vincent Drezet

Contact pour cet article. drezet.vincent@wanadoo.fr


[1] La France, deuxième terre d'accueil des investissements derrière la Chine!
[2] Thomas Picketty «Les hauts revenus en France au 20ème siècle».
[3] C.E.S.: «Renforcer l'attractivité de l'économie française au service de la croissance et de l'emploi», partie «Renforcer nos atouts» 2003.
[4] C.A.E.: "Compétitivité», 2003.
[5] Analyses suite à la publication des résultats 2002 de la balance des paiements par la Banque de France, 2003.

 
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