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(Par Frédéric Viale) Ce court article est un rappel de la position que l'Union européenne entend tenir lors des négociations OMC qui se tiendront à Hong Kong du 13 au 18 décembre, à l'occasion de la 6ème réunion ministérielle


La position de l'Union Européenne concernant des négociations OMC

Le 28/09/2005
Grain de sable
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e court article est un rappel de la position que l'Union européenne entend tenir lors des négociations OMC qui se tiendront à Hong Kong du 13 au 18 décembre, à l'occasion de la 6ème réunion ministérielle.

Ainsi qu'elle l'a rappelé publiquement (John Clarke, DG Trade, Civil Society dialogue, 19 juillet 2005), la Commission, chargée de mener les négociations pour l'ensemble des Etats membres de l'Union, a l'intention de parvenir à un "accord ambitieux", notamment sur la question des services (AGCS), et sur l'accès aux marchés non-agricoles (NAMA, en anglais). Elle estime par ailleurs qu'elle a fait tous les efforts possibles dans le domaine agricole par la réforme de la politique agricole commune (PAC) en découplant les aides qui, d'après elle, ne peuvent plus être assimilés à des subventions directes à l'exportation, dont la suppression est demandée par nombre de ses partenaires commerciaux. Elle estime que sa position est le seul moyen d'atteindre les "buts de développement" (sic), fixés par la déclaration de Doha à quoi la prochaine réunion ministérielle est censée apporter sa conclusion.

Sur l'AGCS, la Commission estime que les offres faites selon le système demandes-offres n'a pas été à la hauteur des espérances. Trop peu d'Etats ont soumis des offres (en septembre 2005, 100 avaient déjà fait des offres, sur un total de 148 que compte l'OMC), et elles sont, d'après elle, de qualité insuffisante. Dès lors, elle a proposé lors de la réunion du Conseil Général du commerce de juillet 2005 une nouvelle approche des négociations par la mise en place de "benchmark" (ouvertures liées de secteurs). La formule proposée par l'Union européenne exige des minima concernant le nombre de secteurs et de sous-secteurs « offerts ». Ainsi les pays développés devraient s'engager dans au moins W secteurs et X sous-secteurs ; les pays en développement dans au moins Y secteurs et Z sous-secteurs. Pour les pays développés, on parle de au moins 10 grands secteurs sur 12, et au moins 100 sous-secteurs sur 165. Seuls les pays les "moins développés" seraient libres de choisir le nombre de secteurs qu'ils souhaitent (ils représentent moins de 1% du commerce mondial).

De surcroît, la Commission annonce une position inquiétante sur la mode 4 de l'AGCS.

Sont surtout concernés les « Bac + 2 » ou plus. L'AGCS prévoit qu'une entreprise pourra établir un contrat de travail avec un salarié d'un pays, et que le travail sera exécuté ailleurs. Bien entendu, rien n'est prévu dans l'accord sur ces conditions d'exécution, et même si la Commission affirme que les contrats de travail seront exécutés aux conditions les plus favorables, rien ne le garanti, l'accord étant muet sur la question. Dans le cadre des négociations en cours, une nouvelle sous catégorie du mode 4 est apparue dans les offres de l'Union européenne : les travailleurs indépendants. Les engagements de l'Union européenne aujourd'hui en vigueur ne couvrent d'aucune manière cette sous-catégorie. Il y a là une évolution très importante de la position de l'Union européenne à l'égard de l'AGCS. Quand on constate dans nos sociétés la tendance de fond à restreindre le recours au salariat pour avoir recours à des travailleurs indépendants qui prennent tous les risques financiers, cela laisse songeur. En réalité, il semble que les discussions sur le mode 4 soient aujourd'hui cruciales : l'Inde et le Pakistan sont très demandeurs sur la question, exigeant une ouverture du mode 4 de la part des pays industrialisés. Ces pays estiment que ce serait le moyen de régler une partie de leur problème de chômage ; mais ils évitent de voir que cela organiserait une fuite de leurs cerveaux.

Et comme il se trouve, hélas, certaines ONG du Sud pour aller dans ce sens, la position politique de ces Etats sur la question est forte. Quand on sait, par ailleurs, que l'Union européenne veut à tout prix aboutir à un accord sur les services, il est à craindre que le mode 4 ne serve, à un moment ou à un autre des négociations, de monnaie d'échange.

Le mode 4 est au cours du processus de mondialisation financière qui place tout le monde en concurrence contre tous : en faisant une pression à la baisse des salaires du nord (concurrencés sur place par les salariés du sud). Le but est de descendre encore davantage le coût du travail, afin que la création de richesses aille davantage encore vers les actionnaires.

Cette proposition ne semble pas avoir été soumise à l'ensemble des Etats membres de l'Union (les Pays-Bas et le Royaume-Uni n'en ont pas été saisis préalablement au Conseil du commerce de juillet 2005). Toutefois, le gouvernement français à fait savoir qu'il appuie cette proposition.

Quoi qu'il en soit, cette proposition amènerait les Etats à augmenter significativement leurs offres de secteurs à libéraliser, voire l'Union européenne elle-même dont les offres nombreuses (dont nous n'avons pu avoir qu'un rapide aperçu de la dernière mouture de juin 2005), ne couvrent pas 8 secteurs.

Le Brésil, lors de la dernière réunion du Conseil du commerce (Juillet 2005) ne s'est pas montré favorable. Dans la mesure où ce Conseil n'a rien donné, les autres Etats ne se sont pas prononcés.

Sur NAMA, (non agricultural market access) l'Union soutient la formule dite "formule Suisse".

En clair, il s'agit de savoir comment les tarifs douaniers vont être diminués. Cette idée, proposée lors du Conseil du commerce de juillet 2004, refusée à Cancún deux mois plus tard, refait surface. Puisqu'il est nécessaire, dès lors qu'on accepte l'idéologie libérale, de réduire les tarifs douaniers pour permettre le développement des échanges sans quoi il n'est pas de développement possible, il s'agit de déterminer selon quelle formule mathématique il sera possible d'y parvenir.

L'UE et les Etats-Unis soutiennent la formule la plus drastique pour les pays sous développés, dite "formule Suisse". Plus les droits sont élevés, plus il faudra les couper. Cela mettrait en péril gravement les industries naissantes ou fragiles des pays sous développés qui pratiquent les droits de douanes les plus élevés. Comme NAMA touche aussi aux produits de la pêche et de l'exploitation forestière, on imagine les conséquences sociales et environnementales induites par une telle proposition. La Commission estime que cela favorisera le développement de ces pays. A noter toutefois, que dans un discours récent, le Commissaire Mendelson s'est contenté de souligner que le but recherché était celui de l'accès aux marchés des pays, même en voie de développement, oubliant au passage les "objectifs du millénaire".

Par ailleurs, l'UE tend à vouloir mettre en balance le principe de traitement différencié avec celui de l'acceptation d'une formule de réduction de tarifs moins brutale. Ceci veut dire que les pays les plus pauvres, qui ont droit à un traitement différencié, pourraient continuer d'y avoir droit... s'ils consentaient quelques concessions sur la question de NAMA - qui précisément érode la notion même de traitement préférentiel.

Sur l'agriculture, l'UE estime avoir fait le maximum. Aussi bien en terme d'accès au marché que de subvention. La négociation porte sur trois « piliers » : l'accès au marché, c'est-à-dire le niveau des droits de douane et des quotas d'importation, les subventions à l'exportation, et les soutiens directs aux agriculteurs.

La Commission estime avoir sur le dossier agricole un intérêt défensif, c'est-à-dire un intérêt sur lequel elle ne s'attend à ne rien gagner, alors que les autres dossiers sont offensifs.

Néanmois, l'inquiétude est grande : AGRAFIL du mardi 20 septembre 2005 écrit :

Négociations de l'OMC : inquiétude au sein du Conseil agricole de l'UE. La France, l'Italie, l'Espagne, l'Irlande, l'Autriche, la Hongrie et Chypre se sont déclaré lundi 19 septembre, lors du Conseil agricole de l'UE à Bruxelles, préoccupés par l'évolution des négociations à l'OMC. Ils sont notamment inquiets de voir que, selon eux, la Commission européenne multiplie les concessions, qu'il s'agisse du volet exportations (promesse de fixation d'une date de suppression des restitutions à l'exportation) ou de l'accès au marché (acceptation d'une proposition des pays émergents du G-20 comme base pour la réduction des droits de douane). Ces sept États membres ont dit craindre un abandon de ce qu'il reste de la préférence communautaire, soulignant le risque qu'une intensification des pressions sur le marché intérieur n'hypothèque la mise en ouvre de la réforme de la Pac.
Dans le même temps, lors d'un symposium organisé au Parlement européen, Pour info : Peter Mandelson, le commissaire européen au commerce, assurait que le cycle de négociations de l'OMC « doit inclure une forte composante de libéralisation agricole à travers le monde développé ». Toutefois, a-t-il ajouté, « mes États membres n'accepteront pas de faire à nouveau de premiers gestes qui sont empochés par les autres sans que ceux-ci avancent en parallèle ».

Commentaire :
L'Union européenne porte une rhétorique du développement avec un cynisme constant. Réduire les droits de douanes, avoir accès aux marchés des pays sous développés, libéraliser les services partout, y compris dans les parties du monde qui en ont le moins besoin, et au mépris des attentes de sa propre population, promouvoir désindustrialisation et/ou délocalisations, tout cela se donne au nom du développement.

Il est à craindre que la stratégie de l'Union européenne lors des négociations de Hong Kong consiste à consentir des concessions sur l'agriculture et le mode 4 de l'AGCS, concessions dont il est difficile d'apprécier l'ampleur, pour aboutir à des accords « ambitieux » dans les services et concernant l'accès aux marchés non agricoles.

L'UNICE, organisation patronale européenne a exprimé publiquement (UNICE, Civil Society dialogue, 19 juillet 2005) sa "très grande satisfaction".

Par Frédéric Viale, Coordonnateur de la commission OMC-AGCS d'Attac France

 
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