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(Par Bernard Cassen) suite du texte publié dans le Grain de Sable n° 520 - En 2006, il n'y aura pas de Forum social mondial (FSM) unique, comme il y en avait eu les 5 années précédentes : 4 à Porto Alegre au Brésil et un (en 2004) à Mumbai en Inde. En attendant 2007, où un sixième Forum de ce type est prévu en Afrique, un consensus s'est dégagé au sein du Conseil international du FSM pour organiser, à sa place, et dans plusieurs pays, une série de rencontres s'inscrivant dans le concept générique de «Forum social mondial polycentrique». Le plus important d'entre eux sera certainement celui de Caracas, prévu du 24 au 29 janvier, et qui aura en même temps le statut de Deuxième Forum social des Amériques


Le «manifeste de Porto Alegre» et l'avenir des forums sociaux mondiaux [dernière partie]

Le 06/07/2005
Grain de sable
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a mise entre parenthèses d'un FSM réellement «100 % FSM» en 2006 n'est pas seulement liée à la nécessité d'attendre que l'Afrique soit prête à accueillir un en 2007. Elle tient aussi à un certain essoufflement de la formule inaugurée en 2001, même si elle a déjà été en partie renouvelée à Porto Alegre en 2005, avec une prise en compte prioritaire des demandes des mouvements sociaux dans l'élaboration du programme. La question désormais constamment posée, aussi bien par les délégués que par ceux, infiniment plus nombreux, qui suivent le processus à distance - est la suivante : quels sont les acquis de ces rencontres de masse - qu'elles soient mondiales ou européennes dans notre cas -, et sur quoi peuvent-elles concrètement déboucher ? Il existe plusieurs "indicateurs" possibles, et très différents, pour mesurer leur succès à ce jour :

 o  le nombre de participants ? On voit bien que, après l'effet de masse constaté dès le premier FSM, et qui a culminé avec 150 000 participants en 2005, "faire du chiffre" ne prouve plus grand chose. On pourra toujours réunir davantage de délégués ; et alors ?

 o  l'élargissement de la base sociale et de l'éventail des organisations s'incorporant au processus des Forums, donc à la recherche d'un "autre monde possible" ? De ce point de vue, le nombre de participants a été un élément important car il a pu inciter des organisations réticentes (notamment syndicales) à ne pas se priver d'une tribune médiatique et à arborer temporairement une " griffe " altermondialiste. Mais, pour certaines, les choses s'arrêtent là, il n'y a pas d'engagement dans des actions ultérieures. Cette situation est heureusement en constante évolution ;

 o  l'incorporation de forces sociales du pays ou du continent d'accueil dans le mouvement altermondialiste ? Ce fut l'un des grands acquis de Porto Alegre : parce que le Forum avait lieu au Brésil, l'Amérique latine est devenue partie prenante de premier plan d'une contestation de la mondialisation néolibérale jusqu'alors essentiellement euro-américaine, et désormais multipolaire. A Mumbai, en 2004, il s'est aussi passé quelque chose d'historique : l'Asie du Sud et, dans une moindre mesure, l'Asie orientale, forment désormais la quatrième composante à part entière du front de refus de l'ordre néolibéral mondial.

 o  la projection publique des propositions élaborées au sein des Forums et leur injection dans les politiques nationales continentales et internationales ? C'est ici que le bât blesse : pour le commun des mortels, les Forums mondiaux restent essentiellement une sorte de Fête de L'Humanité itinérante avec ses bons côtés (le "tous ensemble" internationaliste) et ses limites : chacun de nous a toujours le plus grand mal à expliquer ce qui est "sorti" d'un Forum. Les Appels des assemblées dites "des mouvements sociaux" ne peuvent pas véritablement jouer ce rôle, ne serait-ce qu'en raison de la disparité entre le nombre d'organisations qui les élaborent et les adoptent, et le nombre total de celles qui participent aux activités des Forums : un rapport qui se situe, au mieux, dans une fourchette entre 1 à 20 et 1 à 50...

Tout cela n'est pas mince, mais ne se traduit pas encore par des perspectives de changement à un horizon prévisible. Et puis, quel changement ? Le mouvement altermondialiste affirme qu'«un autre monde est possible», mais lequel ou lesquels ? On se trouve devant un paradoxe : de très nombreuses propositions sont avancées au sein des Forums, mais ces derniers restent officiellement muets. D'où, faute d'une circulation adéquate de l'information, le risque de se répéter d'une rencontre à l'autre ; d'où, également, une frustration grandissante chez beaucoup de participants (et encore plus chez la quasi totalité des non participants) qui attendent un débouché programmatique minimal.

Dans ces conditions, la première priorité est la constitution et la pérennisation, avec les moyens adéquats, d'une "mémoire" raisonnée et la plus exhaustive possible des différents forums (mondiaux, continentaux, nationaux, voire locaux) sur des supports variés (papier, électronique, vidéo, panneaux d'expositions itinérantes, etc.) avec une préoccupation didactique permanente. Nous avons besoin de savoir ce que nous avons déjà pensé et élaboré ensemble, et de le faire connaître massivement hors de nos propres rangs pour irriguer nos luttes et nos débats. Ce travail a été systématisé et coordonné au niveau international après le FSE de Paris et Saint-Denis, en partie grâce aux excédents financiers qui avaient été dégagés. On peut donc espérer à court terme la constitution d'une mémoire opérationnelle de l'ensemble des Forums.

La deuxième priorité, qui découle de la précédente, est sans doute plus délicate à mettre en oeuvre, mais elle est maintenant inscrite à l'ordre du jour et n'en sortira pas: élaborer des "socles" de propositions issues des forums, facilement "lisibles", susceptibles non seulement de rassembler les organisations participantes, mais aussi de mobiliser largement au-delà d'elles : aux niveaux mondial, continental (en particulièrement au niveau européen) et national.

Dans la mesure où le libéralisme fait système à tous les niveaux, l'altermondialisme ne peut simplement lui opposer des réponses éparpillées et mono-thématiques. Pour susciter l'adhésion de vastes secteurs et neutraliser ses adversaires, qui lui reprochent de ne «rien proposer», il lui faut mettre en avant un minimum de mesures cohérentes entre elles, faisant à la fois système et projet pour l'opinion. Ces socles - mondial, continentaux et locaux - doivent être mis en débat sur la place publique et régulièrement actualisés.
Pour réussir, cette démarche doit se prémunir contre deux dangers : celui de généralités programmatiques facilement récupérables verbalement par n'importe quel parti ou gouvernement, et celui de l'hyper-précision qui déboucherait sur le programme commun de gouvernement de la fraction la plus "radicalisée" du mouvement. Il s'agit de faire émerger les éléments d'un nouveau "paradigme", certes en rupture avec le néolibéralisme, mais laissant suffisamment de portes ouvertes à une pluralité de traductions politiques afin de respecter la diversité des composantes du mouvement et de préserver ses possibilités d'élargissement.

Ce socle, ou plutôt ces socles donneraient toute sa signification au terme "altermondialisme" : nous proposerions "autre" chose que l'existant, posant ainsi les jalons d'un " autre " monde possible. Faute de quoi, nous risquons de continuer à tourner en rond, et de pérenniser une impuissance politique qui fait la joie de nos adversaires et de certains de nos «amis» de circonstance : ils ne craignent rien tant que de devoir se déterminer sans faux-fuyants face à un projet émancipateur, bénéficiant d'appuis de masse, et décliné à tous les niveaux, du planétaire au local.

Voilà, à partir de l'expérience vécue, où en étaient les réflexions d'Attac France, et les miennes en particulier, au lendemain du FSE de Londres (octobre 2004) et à la veille du FSM de Porto Alegre de janvier 2005. Le Forum de Londres avait fait l'objet d'appréciations en partie négatives dans la mesure où les trois missions jusqu'alors assignées à une telle rencontre, comme à un FSM - confrontations d'idées, élaboration de propositions, décisions d'actions communes - avaient été très inégalement remplies.
Les confrontations avaient surtout eu lieu en amont du FSE, dans son processus de préparation. On en trouve la traduction dans le programme des séances plénières. Ainsi, comme lors des deux FSE précédents, les partisans de la primauté des thèmes de la « guerre » et du « racisme » sur tous les autres l'avaient largement emporté sur ceux qui, tout en étant d'accord sur l'importance évidente de ces questions, considéraient qu'un Forum social européen devait aussi largement traiter des autres grandes questions sociales et de la construction européenne. Alors que, dans tous les pays de l'Union européenne, se posait déjà le problème de la ratification de la «Constitution», ce thème absolument crucial avait été très marginal dans les travaux.

Du coup, face à cette échéance majeure, le FSE n'avait fourni aucun élément nouveau susceptible de nourrir un «socle» commun à l'échelle du Vieux Continent. Les seules propositions émanaient de réseaux déjà constitués, en premier lieu du réseau des Attac d'Europe, qui travaillaient régulièrement ensemble et pour lesquels Londres, comme les autres Forums, était surtout un lieu et une date de rendez-vous dans un calendrier qui en comprenait beaucoup d'autres.

A bien des égards, pour les réseaux déjà existants, le FSM joue le même rôle que le FSE, mais à l'échelle mondiale. Pour Attac, par exemple, organisation présente dans environ 50 pays, c'est l'occasion annuelle de réunir dans la même salle Attac Chili, Attac France, Attac Québec, Attac Burkina Faso, Attac Japon, etc. Le reste du temps, les rencontres sont bilatérales, à l'occasion de visites de responsables, sauf en Europe où elles ont lieu pratiquement tous les deux mois. Dans l'intervalle, Internet et les conférences téléphoniques permettent des contacts permanents.

On peut dire que, au bout de cinq FSM, de divers Forums tenus en Amérique latine et de trois FSE, nous avons en quelque sorte «fait le plein» des contacts et des alliances - réalisées ou encore potentielles - entre les mouvements sociaux d'Europe et des Amériques. Nous disposons d'une cartographie assez précise des forces mobilisables, même si nous sommes encore loin de les avoir toutes mobilisées, notamment chez les syndicats. En revanche, et malgré Mumbai, il reste énormément à faire en Asie, et encore davantage en Afrique et au Proche-Orient. C'est pourquoi ces régions du monde restent d'immenses «terres de mission» pour le mouvement altermondialiste et justifient que les prochains Forums sociaux mondiaux s'y tiennent en priorité.
L'arrivée à maturité du mouvement altermondialiste, même si, géographiquement elle n'est pas universelle, est une raison majeure pour capitaliser ses premiers acquis sous la forme des socles de propositions mentionnés plus haut. Le Manifeste de Porto Alegre (voir l'encadré), proposé lors du FSM de 2005, en est la première concrétisation. Chico Whitaker a administrativement raison de dire qu'il s'agit d'une proposition s'ajoutant à 352 autres émanant du Forum. Ses signataires n'ont pas dit autre chose. Cependant, le fait qu'il ait suscité tant de commentaires, et parfois d'acrimonie, montre bien que ce texte, approuvé par des personnes dont l'investissement dans le mouvement altermondialiste et dans les Forums est incontestable, n'est pas tout à fait une proposition comme les autres.
Il marque en effet un tournant dans la dynamique des Forums, et ses conséquences sont encore loin d'avoir été tirées. En premier lieu, il ne contrevient en rien à la Charte de Porto Alegre dont, personnellement, je souhaite qu'elle reste en l'état. Il ne s'agit pas non plus d'une tentative d'intellectuels pour s'auto-proclamer «leaders» du mouvement altermondialiste. Aucun de ses signataires n'a une telle ambition qui serait d'ailleurs non seulement dérisoire, mais également par avance vouée à l'échec.
Ce qu'ils ont voulu faire, c'est de donner une première réponse à une aspiration très largement répandue et qui, si on ne la prend pas en compte, va progressivement vider les Forums de leurs éléments les plus actifs. Attention : ce processus est déjà engagé, que ce soit au niveau mondial ou européen, où diverses organisations ont désormais le sentiment de perdre leur temps et leurs maigres ressources financières en discussions répétitives. Les militants ne veulent plus seulement discuter, ils veulent passer à l'acte politique pour changer le monde, en se donnant des objectifs minimaux communs. Le corpus des propositions issues des Forums est déjà très largement suffisant pour dégager des socles largement consensuels et interpeller les partis politiques, les gouvernements et les organisations multilatérales. Ce premier Manifeste n'est pas figé, il peut être amendé et complété, et il le sera sans aucun doute. Il constitue au moins une base de départ.

C'est pourquoi l'organisation des futurs Forums devrait à mon avis, prendre en compte des impératifs suivants :

1. - Maintenir, dans le respect de la Charte, le statut de ces Forums comme espaces et processus ouverts, ne prenant pas de position en tant que tels ;

2. - Renforcer la visibilité et la mise en cohérence des principales propositions sectorielles qui en émanent. En dégager 353, comme à Porto Alegre 2005, sans les hiérarchiser, est sans doute séduisant d'un point de vue intellectuel et documentaire, mais n'a aucune «opérationnalité» politique. Or c'est bien cela qui est attendu aujourd'hui ;

3. - Donner une place prioritaire, dans les Forums, aux échanges sur les campagnes effectivement en cours dans le monde : pour l'annulation de la dette extérieure des pays pauvres ; contre les paradis fiscaux ; pour les taxes globales ; pour le commerce équitable et contre les accords de libre-échange les règles de l'OMC et l'AGCS ; pour la souveraineté et la sécurité alimentaires et contre les OGM ; pour la promotion des biens communs (en premier lieu l'eau) ; contre le bellicisme des Etats-Unis, etc. A la limite, les Forums pourraient se construire presque exclusivement autour de ces campagnes en cours et du lancement de quelques autres préalablement préparées dans des réseaux ad hoc ;

4. - Dans le cadre des Forums, discuter et enrichir les socles de propositions constituant des projets globaux. Comment ? En puisant dans les contenus des campagnes et en élargissant progressivement le nombre d'organisations qui les approuvent. Le Manifeste de Porto Alegre est la première pierre de cette construction, mais il n'a pas vocation à être la seule ;

5. - Articuler les activités des Forums sociaux avec celles des Forums des autorités locales, des parlementaires et des syndicats, alors que, jusqu'à aujourd'hui, ces événements ne sont absolument pas politiquement coordonnés. Nous ne pouvons plus nous permettre le luxe de maintenir une cloison trop étanche entre les divers types de mouvements sociaux et les élus, dès lors qu'ils partagent globalement les mêmes objectifs de résistance au néolibéralisme. Cette articulation, respectant l'autonomie de chacune des composantes, devrait même constituer un objectif central des futures rencontres.
Partout dans le monde, les citoyens aspirent à des changements radicaux. Si les Forums ne sont pas le lieu où ils s 'élaborent et où les partenaires de leur mise en oeuvre se rencontrent, d'autres structures le feront à leur place. Les Forums risqueront alors de se transformer en coquilles vides et progressivement désertées par les acteurs sociaux. Il est tout juste temps de contrecarrer cette évolution prévisible.



MANIFESTE DE PORTO ALEGRE

Douze propositions pour un autre monde possible

Depuis le premier Forum social mondial tenu à Porto Alegre en janvier 2001, le phénomène des Forums sociaux s'est étendu à tous les continents, et jusqu'aux niveaux national et local. Il a fait émerger un espace public planétaire de la citoyenneté et des luttes. Il a permis d'élaborer des propositions de politiques alternatives à la tyrannie de la mondialisation néolibérale impulsée par les marchés financiers et les transnationales, et dont le pouvoir impérial des Etats-Unis constitue le bras armé. Par sa diversité et par la solidarité entre les acteurs et les mouvements sociaux qui le composent, le mouvement altermondialiste est désormais une force qui compte au niveau mondial.

Dans le foisonnement des propositions issues des Forums, il en est un grand nombre qui semblent recueillir un très large accord au sein des mouvements sociaux. Parmi celles-ci, les signataires du Manifeste de Porto Alegre, qui s'expriment à titre strictement personnel et qui ne prétendent aucunement parler au nom du Forum, en ont identifié douze qui, réunies, font à la fois sens et projet pour la construction d'un autre monde possible. Si elles étaient appliquées, elles permettraient enfin aux citoyens de commencer à se réapproprier ensemble leur avenir.

Ce socle minimal est soumis à l'appréciation des acteurs et mouvements sociaux de tous les pays. C'est à eux qu'il appartiendra, à tous les niveaux - mondial, continental, national et local -, de mener les combats nécessaires pour qu'elles deviennent réalité. Nous ne nous faisons en effet aucune illusion sur la volonté réelle des gouvernements et des institutions internationales de mettre en oeuvre spontanément ces propositions, même quand, par pur opportunisme, ils en empruntent le vocabulaire.

I- Un autre monde possible doit respecter le droit à la vie pour tous les êtres humains grâce à de nouvelles règles de l'économie. Il faut donc :

 o  1.- Annuler la dette publique des pays du Sud, qui a déjà été payée plusieurs fois, et qui constitue, pour les Etats créanciers, les établissements financiers et les institutions financières internationales, le moyen privilégié de mettre la majeure partie de l'humanité sous leur tutelle et d'y entretenir la misère. Cette mesure doit s'accompagner de la restitution aux peuples des sommes gigantesques qui leur ont été dérobées par leurs dirigeants corrompus.

 o  2.- Mettre en place des taxes internationales sur les transactions financières (en particulier la taxe Tobin sur la spéculation sur les devises), sur les investissements directs à l'étranger, sur les bénéfices consolidés des transnationales, sur les ventes d'armes et sur les activités à fortes émissions de gaz à effet de serre. S'ajoutant à une aide publique au développement qui doit impérativement atteindre 0,7 % du produit intérieur brut des pays riches, les ressources ainsi dégagées doivent être utilisées pour lutter contre les grandes pandémies (dont le sida) et pour assurer l'accès de la totalité de l'humanité à l'eau potable, au logement, à l'énergie, à la santé, aux soins et aux médicaments, à l'éducation et aux services sociaux.

 o  3.- Démanteler progressivement toutes les formes de paradis fiscaux, judiciaires et bancaires qui sont autant de repaires de la criminalité organisée, de la corruption, des trafics en tout genre, de la fraude et de l'évasion fiscales, des opérations délictueuses des grandes entreprises, voire des gouvernements. Ces paradis fiscaux ne se réduisent pas à certains Etats constitués en zones de non droit ; ils comprennent aussi les législations de certains pays développés. Dans un premier temps, il convient de taxer fortement les flux de capitaux qui entrent dans ces « paradis » ou qui en sortent, ainsi que les établissements et acteurs, financiers et autres, qui rendent possibles ces malversations de grande envergure.

 o  4.- Faire du droit de chaque habitant de la planète à un emploi, à la protection sociale et à la retraite, et dans le respect de l'égalité hommes-femmes, un impératif des politiques publiques, tant nationales qu'internationales.

 o  5.- Promouvoir toutes les formes de commerce équitable en refusant les règles libre-échangistes de l'OMC et en mettant en place des mécanismes qui permettent, dans les processus de production des biens et services, d'aller progressivement vers un alignement par le haut des normes sociales (telles que consignées dans les conventions de l'OIT) et environnementales. Exclure totalement l'éducation, la santé, les services sociaux et la culture du champ d'application de l'Accord général sur le commerce des services (AGCS) de l'OMC.
La convention sur la diversité culturelle actuellement en négociation à l'UNESCO doit faire explicitement prévaloir le droit à la culture et aux politiques publiques de soutien à la culture sur le droit du commerce.

 o  6.- Garantir le droit à la souveraineté et à la sécurité alimentaires de chaque pays ou regroupement de pays par la promotion de l'agriculture paysanne. Cela doit entraîner la suppression totale des subventions à l'exportation des produits agricoles, en premier lieu par les Etats-Unis et l'Union européenne, et la possibilité de taxer les importations afin d'empêcher les pratiques de dumping. De la même manière, chaque pays ou regroupement de pays doit pouvoir décider souverainement d'interdire la production et l'importation d'organismes génétiquement modifiés destinés à l'alimentation.

 o  7.- Interdire toute forme de brevetage des connaissances et du vivant (aussi bien humain, animal que végétal), ainsi que toute privatisation des biens communs de l'humanité, l'eau en particulier.


II.- Un autre monde possible doit promouvoir le « vivre ensemble » dans la paix et la justice à l'échelle de l'humanité. Il faut donc :

 o  8.- Lutter, en premier lieu par les différentes politiques publiques, contre toutes les formes de discrimination, de sexisme, de xénophobie, de racisme et d'antisémitisme. Reconnaître pleinement les droits politiques, culturels et économiques (y compris la maîtrise de leurs ressources naturelles) des peuples indigènes.

 o  9.- Prendre des mesures urgentes pour mettre fin au saccage de l'environnement et à la menace de changements climatiques majeurs dus à l'effet de serre et résultant en premier lieu de la prolifération des transports et du gaspillage des énergies non renouvelables. Exiger l'application des accords, conventions et traités existants, même s'ils sont insuffisants. Commencer à mettre en ¦uvre un autre mode de développement fondé sur la sobriété énergétique et sur la maîtrise démocratique des ressources naturelles, en particulier l'eau potable, à l'échelle de la planète.

 o  10.- Exiger le démantèlement des bases militaires des pays qui en disposent hors de leurs frontières, et le retrait de toutes les troupes étrangères, sauf mandat exprès de l'ONU. Cela vaut en premier lieu pour l'Irak et la Palestine.
III.- Un autre monde possible doit promouvoir la démocratie du local au global. Il faut donc :

 o  11.- Garantir le droit à l'information et le droit d'informer des citoyens par des législations :
- mettant fin à la concentration des médias dans des groupes de communication géants ;
- garantissant l'autonomie des journalistes par rapport aux actionnaires ;
- et favorisant la presse sans but lucratif, notamment les médias alternatifs et communautaires.
Le respect de ces droits implique la mise en place de contre-pouvoirs citoyens, en particulier sous la forme d'observatoires nationaux et internationaux des médias.

 o  12.- Réformer et démocratiser en profondeur les organisations internationales et y faire prévaloir les droits humains, économiques, sociaux et culturels, dans le prolongement de la Déclaration universelle des droits de l'homme. Cette primauté implique l'incorporation de la Banque mondiale, du FMI et de l'OMC dans le système et les mécanismes de décision des Nations unies. En cas de persistance des violations de la légalité internationale par les Etats-Unis, il faudra transférer le siège des Nations unies hors de New-York dans un autre pays, de préférence du Sud.

Porto Alegre, 29 janvier 2005

Tariq Ali (Pakistan), Samir Amin (Egypte), Walden Bello (Philippines), Frei Betto (Brésil), Atilio Boron (Argentine), Bernard Cassen (France), Eduardo Galeano (Uruguay), François Houtart (Belgique), Armand Mattelart (Belgique), Adolfo Pérez Esquivel (Argentine), Riccardo Petrella (Italie), Ignacio Ramonet (Espagne), Samuel Ruiz Garcia (Mexique), Emir Sader (Brésil), José Saramago (Portugal), Roberto Savio (Italie), Boaventura de Sousa Santos (Portugal), Aminata Traoré (Mali), Immanuel Wallerstein (Etats-Unis).

Par Bernard Cassen, membre du Conseil international du Forum social mondial; journaliste et directeur général du Monde diplomatique ; président d'honneur d'Attac France ; auteur de Tout a commencé à Porto Alegre, 1001 nuits, Paris, 2003.

 
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