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(par Bertrand Riandière la Roche, Attac Nord cotentin) Je suis particulièrement sensible aux propos qui sont diffusés, en ce moment, sur la liste "ATTAC local" au sujet des médias dominants. En effet, depuis mon adhésion à ATTAC, presque aussitôt après sa création, je suis convaincu qu'un des aspects majeurs de notre militantisme doit consister dans des actions critiques et systématiques contre le pouvoir médiatique


Réaction à propos des médias dominants

Le 15/06/2005
Grain de sable
j


e suis particulièrement sensible aux propos qui sont diffusés, en ce moment, sur la liste "ATTAC local" au sujet des médias dominants.

En effet, depuis mon adhésion à ATTAC, presque aussitôt après sa création, je suis convaincu qu'un des aspects majeurs de notre militantisme doit consister dans des actions critiques et systématiques contre le pouvoir médiatique. Par «pouvoir médiatique», j'entends tout ce qui relève des médias traditionnels, de la grande presse, mais aussi de l'audiovisuel et, maintenant, de la toile, pour peu qu'il s'agisse de relayer la politique économique que nous combattons, libérale, néo ou ultra... De petits quotidiens locaux, par suivisme, s'associent à cette entreprise de propagande généralisée au service de ce que l'on a d'abord commencé par appeler la «pensée unique». Des journaux «provinciaux», tel Ouest France, ont presque toujours été aussi «du côté du manche», par respect viscéral des autorités en place.

Ouest France, ici où j'habite, est un cas d'école: gaulliste sous de Gaulle, puis, si je résume, giscardien à l'époque de Giscard, bienveillant envers les socialistes, après leur victoire, balladurien quand il était dit que Balladur serait un jour président, ensuite favorable à Juppé en 95, défenseur du louis philippard Raffarin, excuseur professionnel de Supermenteur, à présent sarkozyste en diable, après avoir pilonné son lectorat en faveur du "oui" au TCE durant la campagne récente...
Mais il y a aussi toute cette classe de spécialistes et d'intellectuels gravitant autour des politiques et des responsables médiatiques (gens qui, souvent, possèdent plusieurs casquettes, certains intervenant dans la presse comme éditorialistes, par exemple)... Tout ce monde vient d'être brutalement désavoué par les électeurs, lors de ce référendum, et nous nous en réjouissons tous.

Cependant, nous voyons bien que ni la classe politique, ni les médias dominants ne sont prêts à tirer les conclusions qui s'imposent réellement. Faut-il enfin marquer un temps d'arrêt du processus de libéralisation socio-économique ?
Nenni ! D'aucuns suggéreront qu'ils n'ont rien compris. Ils ont parfaitement compris. De là ces accusations stupides et irritantes de populisme, quand ce n'est pas de xénophobie, de réaction et autres âneries... Là-dessus, tout le monde se reportera, bien sûr, à d'excellents ouvrages, comme celui de Serge Halimi. Chaque fois que la démocratie s'active vraiment, en remettant le peuple en scène, la classe dirigeante monte au créneau pour infléchir la volonté générale dans le sens qu'elle désire: ainsi en fut-il pour Maastricht, en 95, en 2003, ou encore au sujet du TCE...

Mais de quel sens s'agit-il ?

Avant de répondre, je voudrais rapidement revenir, en insistant un peu, sur cet écart, qui menace de se transformer sous peu en gouffre, entre une grande partie de la population française et européenne, et ses élites. C'est de démocratie dont il est question.Il a été dit que le pouvoir politique se rabattait sur le sociétal et le juridico-judiciaire, pour persévérer quelque peu dans son être, en quelque sorte, tandis qu'il perdait de plus en plus d'autorité, dans le domaine de l'économie. Exemple entre tous, dont nous sommes les témoins: les socialistes qui ont dit "oui" au TCE, qu'ont-ils encore de social ?
Ils ont bricolé les 35 heures au lieu d'en faire une arme puissante contre le chômage ; il se peut (je m'attends à ce genre de mesurette qu'on lancera sur la place publique à l'instar d'une poudre à laver le linge) que si, par extraordinaire, ils reviennent au pouvoir, ils légalisent le mariage entre gens du même sexe, ou qu'ils dépoussièrent la loi concernant l'euthanasie,ou ce type de choses à peu près... La belle affaire ! Tant mieux pour certaines communautés... Mais nos problèmes nationaux, européens, mondiaux ?

La nécessité d'entrer dans une nouvelle phase de l'histoire et d'amorcer ladécroissance ? Empêcher la dégradation des conditions de travail, lutter pour l'emploi, rééquilibrer les rapports de force en faveur des syndicats et des salariés, etc. ?
Là-dessus, motus ! Ma politique n'est ni de droite ni de gauche, comme disait si bien Yoyo. Toutefois, les intellectuels proches du pouvoir semblaient demeurer dans l'ordre des conflits idéologiques ; ils apparaissaient encore comme des gens pour qui l'histoire reste ouverte sur des possibles... Finkielkraut se fendait encore d'une Défaite de la pensée, qui s'ouvrait sur une référence à La Trahison des clercs, de Benda. Guillebaud terminait, quant à lui, un essai sur l'analyse de la disparition de l'idéal de progrès. Or, que se passe-t-il ? Une nouvelle trahison de ces clercs et journalistes qui, emboîtant le pas des élites politiques et sociales, font leur le maître-mot thatchérien selon quoi il n'y a pas d'alternative possible. Bref, l'exacte opposition au mouvement précisément altermondialiste.

Que disent,aujourd'hui, les tenants du « oui » au TCE ? Que le référendum, c'était une bonne blague, une mascarade, de la démocratie pour rire. De fait, on nous prend pour des veaux, des cons, des minus, des petits blancs, des Français moyens, des Français d'en bas, des analphabètes (dixit ce gâteux de Rocard)... Ce ne sont pas seulement des insultes ; cela même exprime la ferme conviction de nos clercs et de nos experts en tout genre. Le libéralisme et, disons-le franchement, le capitalisme, sont l'horizon même de notre histoire, parce que le mur de Berlin est tombé, que Friedmann a gagné, que Hayek a gagné, que Marx est mort (Serge July l'a enterré aux côtés de Mao, Lénine et Staline), que Keynes est moribond, etc.
La politique, ce n'est plus rien. Un effet de manches: de Villepin à l'ONU...De la cuisine dans une chambre de bonne (louée très cher, grâce à Borloo).Restent le prestige, la pompe, les passe-droits, les émoluments grassouillets... Et si l'on renaude, c'est du populisme franchouillard sentant, pour citer Sollers, le moisi ; ou c'est le propos d'un sous-marinier de Marine... Le Pen...

Pourtant, l'essentiel est bien que l'action politique est constamment démissionnaire. Raffarin était là pour accomplir jusqu'au bout le sale boulot, il le savait. Tout le monde le savait. Et, à l'instar du voleur de Darien, ce sale boulot, il l'a fait salement. Sans ménagement. Casse du service public, démolition de notre système de retraites, fragilisation dela Sécu, etc. En prime: un vrai NAIRU, en application de ce que Jacques Nikonoff dénonçait, lorsqu'il faisait des conférences sur son livre, La comédie des fonds de pension... Quant aux élites, elles n'agissent plus non plus. En effet, elles aboient. La caravane idéologique passe, et elles aboient. Mais quand les gens « grognent », eux (on connaît le diagnostic de nos Diafoirus sur la grogne sociale, le malaise des enseignants, la colère des ouvriers licenciés... Au passage, n'est-ce pas scandaleux cette manière de nommer les gens en les estampillant du nom de la boîte qui les emploie, comme si l'on parlait d'une tribu d'indigènes attardés : les Lu, les Moulinex, les Nestlé ? Pourquoi pas les Kleenex ? Ce serait génial si une usine de ces mouchoirs jetables en papier engageait un plan de licenciements : la télé ferait des reportages sympathiques et condescendants sur des hommes et des femmes surnommés les Kleenex et que l'on jetterait aussi après usage, comme les minces feuilles de papier avec quoi on se mouche et qu'on fiche illico après à la poubelle...).

Enfin, quand les gens, disais-je, «manifestent leur mécontentement», pour parler la novlangue de la bien-pensance et du politically correct, lorsqu'ils protestent et refusent un Traité dont ils clament qu'il est pleinement dans la logique libérale dont ils subissent journellement les nuisances, alors que, la bouche en cour, l'élite leur réplique que «ça n'a rien à voir», tout en admettant que les traités antérieurs sont «simplement» repris dans le TCE (ce qui, d'ailleurs, devait nous dispenser de le lire pour mieux l'approuver des deux mains), alors, nos gouvernants, leurs conseillers et leurs porte-parole médiatiques se demandent comment trouver la bonne «pédagogie» pour faire passer les «réformes nécessaires» : autrement dit, comment dorer la pilule, faire avaler le poison, tout en protestant de sa bonne foi et en faisant force promesses.

Chirac s'engage à réparer la fracture sociale. Ce béat de Hollande nous jure ses grands dieux que si la gauche reprend le pouvoir, on verra ce qu'on verra. Sarkozy joue les gros bras, etc. Chacun dans son registre. Chirac prend un air grave et pénétré. Toutes les outrances sont valables. Plus c'est gros... Hollande lève les yeux vers le ciel, comme s'il prenait à témoin Saint François sur sa nuée. Sarkozy refait le coup du boulangisme, version Bush (du bushangisme, en somme).Mais les intellectuels, eux, ne descendent même plus dans la rue, ne «font plus les manifs», sauf celles qui n'ont pas directement un lien avec la «grande» politique défunte. Celle-là, on l'envoie paître.
Elle est responsable des guerres, des conflits entre les peuples. Soit. Ils font pourtant eux-mêmes étalage de leur bellicosité, ces intellos, profs et notables. Quand un July, un Val ou un BHL prend la plume, c'est pour nous faire la leçon magistrale. Quand la mère Guigou s'exprime, c'est pour nous gronder et nous intimer l'ordre de cesser nos enfantillages. La bonne maman Ségolène fait de même, en plus maternant. Delors rend ses oracles, comme Barre, naguère. Rocard essaie aussi, mais il n'a pas appris à mâcher des cailloux pour se rendre intelligible. Jospin monte sur son estrade et fait un cours. Mamie Simone sermonne. Nous, les gens du peuple, nous rouspétons. C'est bien connu : le Français est volontiers râleur. Il paraît que c'est atavique, que ça remonte aux Gaulois. Apparemment, la gauloiserie est contagieuse, puisque la France post-coloniale, la France de l'immigration, est largement contestataire. Et, comme par hasard, elle conteste l'ordre établi, le libéralisme à outrance, les transnationales, la censure médiatique, le mépris de classe. Il est bien possible, au surplus, que bien des Européens veuillent en faire autant. Songeons à nos camarades allemands, privés de référendum. A nos amis espagnols roulés dans la farine publicitaire, frits et mangés à la sauce Zapatero, (le socialisme de marché).

J'ai l'air de me conduire comme ce populo inculte, ces tribus archaïques de Moulinex qui ont le culot de brailler quand on les fout à la porte, ces hordes d'analphabètes, de crétins des Alpes ou d'ailleurs, ces ingrats, ces mauvaises têtes qui ne comprennent rien à rien et que le monarque est encore bien bon de consulter : c'est vrai, ça, encore une «connerie» ce référendum. Décidément, Chirac ne réussit que sa carrière. Néanmoins, que disait ce ponte de Bourdieu, au sujet de ses collègues ? Il dénonçait, dans son introduction à ses Méditations pascaliennes, l' «illusion typique de lector, qui peut tenir le commentaire académique pour un acte politique ou la critique des textes pour un fait de résistance, et vivre les révolutions dans l'ordre des mots comme des révolutions radicales dans l'ordre des choses». Il ajoutait : «l'observation attentive du cours du monde devrait pourtant incliner à plus d'humilité, tant il est clair que les pouvoirs intellectuels ne sont jamais aussi efficients que lorsqu'ils s'exercent dans le sens des tendances immanentes de l'ordre social, redoublant alors de manière indiscutable, par l'omission ou la compromission, les effets des forces du monde, qui s'expriment à travers eux.» Ce que le sociologue de combat Pierre Bourdieu formulait (et c'est vrai, Bourdieu est Bourdieu, nom de Dieu !), c'est ce qui fait sens pour la classe dirigeante et les chiens de garde médiatiques : un éditorialiste n'éructe pas un article vengeur pour simplement défendre vaillamment les intérêts de sa classe, des groupes propriétaires de son canard, ainsi que ceux des actionnaires dominants. Une présentatrice vedette d'émission télévisée ne sert pas la soupe à son clan seulement par arrogance aristocratique. Les esprits sont formatés. Ceux qui pensent et croient penser pour les autres, les « grands » intellectuels (pas tous, bien sûr), comme les roquets des ondes radiophoniques ou des plateaux télévisés, sont, en fait, les propagateurs de la seule vraie idéologie qui tienne. Ils sont les évangé!
listes du marché, parce qu'ils ont d'abord intériorisé la morale technomorphe, qui consiste, en bref, à être persuadé que tout ce qui est techniquement possible doit être réalisé dans les faits, qu'on le veuille ou non.

Cette morale est telle : ce n'est pas le devoir qui conditionne le pouvoir, mais le pouvoir technique qui induit le devoir. Quant à l'ordre intellectuel par excellence, l'ordre du discours, il est là pour la montre : désavoué en ses fondements. L'intellectuel d'aujourd'hui n'a plus aucun idéal, il ne croit en rien, sauf à l'impératif technopratique. Il ne croit donc même plus à son propre rôle. Ou plutôt, par mauvaise foi typiquement sartrienne, il se contente de jouer un rôle, justement. Et il n'est point rare que cela aille jusqu'au cabotinage pur et simple. Untel se vante aisément de n'être qu'une sorte de fou du roi. Cependant, le roi politique est nu et le fou ne court plus aucun risque fou, mais amuse la galerie composée d'autres plaisants et matamores de foire. La morale technomorphe est réellement appliquée dans la sphère politico-économique : la croissance inconditionnée est une fuite en avant ? On «va dans le mur» ? Qu'à cela ne tienne ! Il suffit de muer la nécessité en loi, de changer le fait en droit, de maquiller un désir en valeur. La libido consumériste et productiviste est mortelle à long terme : tout le monde en a bien conscience. N'importe ! Affirmons bien haut et fièrement,comme le pervers qui réussirait à ériger ses cochonneries en maximes individualistes de première importance, que nous n'avons pas le choix : amusants, ces gens bien sapés qui clament «no future» !

Secundo, manipulons l'opinion. Prêchons la bonne parole : l'idéologienéo-libérale est la religion de l'infrastructure techniciste. Et je passe donc par un raccourci pour lequel je demande pardon, car je suis trop disert : le TCE voulait ouvrir une voie royale à cette religion libérale. Chirac ou Schröder croyaient marcher à la tête de leurs armées enquête du labarum, pour triompher et imposer le nouvel absolu. Las ! En guise de labarum, ce fut le référendum. du 29 mai dernier. Le peuple, malgré les divergences et les différences des partisans du «non », existe encore, puisqu'il a parlé et qu'il a souverainement répondu à la question qui lui était posée avec un peu trop d'assurance. Cela dit, qu'on ne s'y trompe pas. Dès la veille, sur France Culture, un aréopage d'aristocrates médiatiques (Poivre, Fogiel, etc.) se félicitait dela manière dont la campagne politique avait été traitée dans les médias, en concédant seulement que les temps de parole n'étaient pas équitables (la faute, cela étant, au CSA). Le président de la République n'envisage pas une seconde de changer d'orientation. On se demande, en haut lieu, comment on fera pour faire entendre raison aux Français, puisqu'il ne semble pas possible, hélas ! de faire revoter ces rebelles, comme cela s'est produit en Irlande et au Danemark antérieurement. Actuellement, la nomination du nouveau gouvernement a pour but de noyer le poisson du non dans un flot de belles paroles à la mode Chichi, accompagnées de roulements de tambour sarkoziens. On a affaire à une structure et non à la mauvaise volonté seulement des uns et des autres. Les pauvres bougres : ils ne peuvent pas faire autrement. Le pli est pris. Ils se sentent investis d'une mission essentielle : aller jusqu'au bout du processus libéral, qui est lui-même la partie visible de l'iceberg technologique. Mission de kamikazes ? Sans aucun doute ! Forme douce de terrorisme d'Etat ? Bien entendu ! On n'est plus très loin de la dictature, sous un nouvel aspect. Nos élites étaient prêtes à jouer la carte de !
l'abstention massive pour l'emporter, quitte ensuite, à nous faire la morale en direct, sur les ondes et le petit écran, comme dans les éditoriaux et les pages des magazines culturels. De toute manière, on est des cons : on vote oui, mais avec de l'abstentionnisme, et la démocratie est fichue à cause de nous, les vrais cons. On vote non, avec une forte participation, et le TCE est à l'eau à cause de nous, les sales cons. La pensée unique est aussi une pensée autiste. Soit une non-pensée. Une opinion catégorielle qui se proclame raison pure et ne sait pas même procéder à sa propre critique.

Du suicide, en somme ? Oui, mais collectif. La situation se présente ainsi : l'accélération du processus techno-économique est telle que plus personne, plus aucune instance quelconque ne sait comment ralentir son mouvement. Les pouvoirs devraient se démettre. Chirac aurait dû démissionner, etc. Mais non. Il faut se justifier et, quand on ne peut pas soigner une névrose, on s'arrange pour la travestir en la faisant passer pour un titre de gloire.Nous n'avons pas fini de combattre ! plus que jamais, ATTAC est nécessaire. ATTAC vient certainement de remporter un succès. Son premier, sans aucun doute. On salue un peu partout son «travail de fourmis». La fourmi est besogneuse et économe, rappelle la sagesse des nations. De loin, il est vrai aussi, nous paraissons aux géants de ce monde un grouillement frénétique d'insectes noirâtres se repliant sur leur trou. En plus, la fourmi n'est pas prêteuse, c'est là son moindre défaut. La Fontaine ne nous a pourtant pas dit quel était le plus gros. Une fourmi, c'est solidaire. On n'est pas loin de l'affreux communisme. Il est évident que les grands, eux, sont des individualistes forcenés. Je n'ai rien contre l'individualisme émancipateur. Je pense, comme Durkheim, qu'il a constitué un progrès fondamental, qu'il a suivi et favorisé le mouvement ayant conduit d'abord à un libéralisme politique : celui des droits fondamentaux qui sont, en premier lieu, le droit des personnes particulières, par rapport aux pouvoirs traditionnels et institutionnels.Mais l'individu n'est pas une substance. Il évolue historiquement. Où en est-il, de nos jours, ce cher individu ? Est-il libéré ? S'est-il émancipé ? Est-il heureux ? De quel individu parlons-nous ? Celui qui prend la parole sur le forum réel, politique ? Ou celui qui se réfugie derrière son poste de télévision pour regarder La Ferme ?
Il est excellemment bien choisi ce titre. C'est «la ferme !». Car la politique est forclose. Les élites nous ont dit clairement : «exprimez-vous, le 29 mai ; mais à condition de dire «oui» !». Ils avaient déjà parlé en notre nom (et non en notre «non»). C'était « plié ». L'affaire était réglée. Et la volonté générale a répondu par la négative. Soudain, on est sorti de la ferme pour revenir sur l'agora. Un début de reconquête de sa liberté, en effet. Car une libération commence toujours, sans doute, par cela, répondre non. Non à l'opinion établie. Non à la dictature du marché. Non aux pouvoirs en place. La crise, le moment critique. Celle qui, à une époque, méritait tous les éloges des intellectuels qui criaient bravement «vive la crise !».Les opposants au mouvement altermondialiste lui reprochent de critiquer sans proposer, ce qui est largement erroné. Mais au nom de quoi eux-mêmes émettent-ils ce jugement ? Au nom d'une conception volontariste et raisonnable de la politique ?

Absolument pas. Au nom d'un néo-fatalisme qui n'a pas même la grandeur ou la noblesse du fatum des anciens stoïciens. Un enthousiasme sans Absolu, une foi de charbonnier présentée comme le nec plus ultra de la science économique. Une religion de la résignation douce. Pouah ! Quelle dégoûtation. Si la France du non sent le moisi, bien des bénis oui-oui puent le médicament. Ils se sont un peu trop vite réjouis, cela dit, des avantages de la lobotomie thérapeutique. Ils ont tout simplement oublié ce que Merleau-Ponty rappelait jadis à propos de la politique. «Aucun politique, disait-il, ne peut se flatter d'être innocent. Gouverner, comme on dit, c'est prévoir, et le politique ne peut s'excuser sur l'imprévu. Or, il y a de l'imprévisible. Voilà la tragédie». J'ajoute que l'imprévisible est aussi le premier moment par quoi on passe du déterminisme à la liberté. Chirac aurait dû en tirer la seule conséquence digne. Les médias faire acte de repentance publique. Après tout, ne sont-ils pas en partie responsables du résultat honni, du fait même de leur propagande terroriste ?

Bertrand Riandière la Roche, Attac Nord cotentin.

 
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