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Les électeurs français viennent de se prononcer contre le projet de traité constitutionnel européen qui leur était proposé. Ils ont réalisé que cette «constitution» visait surtout à pérenniser les politiques néolibérales, donc anti-sociales, menées en Europe depuis 20 ans, sous le «talon de fer» de la concurrence à laquelle était encore et toujours conférée la primauté sur toute autre considération. Il faut maintenant élaborer démocratiquement une nouvelle constitution européenne, qui permette enfin aux peuples de choisir des politiques de solidarité entre individus et entre pays, du Nord comme du Sud, de qualité de la vie quotidienne, de sauvegarde de notre biosphère planétaire, d'égalité réelle entre hommes et femmes


Après le «NON», halte à la casse du système ferroviaire public français!

Le 01/06/2005
Grain de sable
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es électeurs français viennent de se prononcer contre le projet de traité constitutionnel européen qui leur était proposé. Ils ont réalisé que cette «constitution» visait surtout à pérenniser les politiques néolibérales, donc anti-sociales, menées en Europe depuis 20 ans, sous le «talon de fer» de la concurrence à laquelle était encore et toujours conférée la primauté sur toute autre considération. Il faut maintenant élaborer démocratiquement une nouvelle constitution européenne, qui permette enfin aux peuples de choisir des politiques de solidarité entre individus et entre pays, du Nord comme du Sud, de qualité de la vie quotidienne, de sauvegarde de notre biosphère planétaire, d'égalité réelle entre hommes et femmes,...
Sans attendre le lancement du processus, le gouvernement français et les instances européennes, chacun pour ce qui les concerne, doivent sans délai prendre acte officiellement de ce à quoi le peuple français vient de dire «Non» !

Sans l'ombre d'un doute, c'est un «Non» social qui vient de s'exprimer dans les urnes et pas un «Non» anti-européen de repli, comme ont tenté en vain de le faire croire les tenants du «Oui».
Les citoyens attendent la preuve que les instances dirigeantes européennes et nationales savent encore ce que signifie le mot «démocratie». Face à la demande positive de construction d'une Europe sociale qui s'est exprimée, la meilleure façon de fournir cette preuve consiste à mettre un coup d'arrêt à la politique de démantèlement et de privatisation des services publics qui sévit depuis tant d'années. La vocation première des services publics est en effet, précisément, d'être les vecteurs privilégiés de la politique d'égalité, de solidarité et de protection de l'environnement que les français viennent d'exiger par leur vote.

Dans le domaine particulier du transport et du service public ferroviaires, il est urgent de mettre fin à la casse avant de reconstruire. Cette urgence découle, d'une part, du rôle que peut et doit jouer le rail dans l'instauration d'un véritable droit au transport et, d'autre part, des atouts éminents du train en matière d'efficacité énergétique et de modération des rejets atmosphériques polluants, qu'il s'agisse des pollutions locales ou des gaz à effet de serre.

Stopper la dynamique de casse, c'est d'abord annuler purement et simplement les projets de textes législatifs et réglementaires européens qui visaient à la poursuivre et que le «Non» français a rendus totalement illégitimes. Cette exigence surprendra d'autant moins les auteurs et les partisans désavoués du traité constitutionnel, au sein du gouvernement ou ailleurs, qu'ils avaient obtenu de la Commission de Bruxelles que ces textes soient mis en attente - vulgairement, «planqués sous le tapis» - jusqu'après le référendum français, sachant bien ce qu'ils visaient et ce qu'en pensait la majorité de l'électorat. Cela a été le cas du projet bien connu de « directive Bolkestein » mais aussi, dans le domaine ferroviaire, de deux autres projets de textes européens.

Il s'agit tout d'abord du «Projet de règlement du Conseil et du Parlement européen relatif aux services publics de transports de voyageurs par chemin de fer et par route», qui devait rendre obligatoire la mise en concurrence de la SNCF et de la RATP avec des transporteurs privés, à l'occasion du prochain renouvellement des conventions en cours avec les Conseils régionaux, pour les services TER en province et les trains de banlieue, RER, métros et autobus en Île-de-France. Ce règlement correspondrait, pour ces services, à la mise en place forcée de l'organisation en vigueur pour l'ensemble des chemins de fer britanniques depuis la privatisation de 1994 avec, potentiellement, les mêmes résultats désastreux en termes d'accidents et d'augmentation des tarifs, sans oublier la suppression probable de milliers de postes de cheminots, dans les secteurs de la conduite et de l'accompagnement des trains, ainsi que dans les ateliers d'entretien du matériel roulant TER.
Ce projet de règlement est illégitime ; il doit être annulé !

Le second ensemble d'ukases néo-libérales temporairement gelé constitue ce qu'il est convenu d'appeler le troisième «paquet ferroviaire», projet constitué de deux directives et de deux règlements qui vise notamment à ouvrir à la concurrence, d'ici 2009, le transport ferroviaire international de voyageurs en attendant - nul n'a de doute à ce sujet - d'ouvrir à la concurrence l'ensemble des trafics intérieurs de grandes lignes. Cette opération a déjà été réalisée pour le fret par les premier et deuxième «paquets ferroviaires», en commençant là aussi par l'international pour aboutir, en 2006, à l'ouverture totale. Au passage, signalons que le premier train de fret international privé - qui devait être mis en circulation au mois de mai 2005 sur le réseau ferroviaire français par la société Connex, filiale de Véolia (ex-Vivendi) - a été, comme par hasard, convié à patienter jusqu'à la mi-juin, après le référendum... La libéralisation du fret ferroviaire en Europe, plus ou moins avancée selon les pays, n'a abouti nulle part à le développer et à lui permettre de reprendre des flux à la route ; au contraire, les trafics ferroviaires ont globalement baissé et ceux qu'assurent des transporteurs privés proviennent d'un simple transfert de trafics existants qui étaient assurés par les établissements publics historiques. Par contre, les conséquences ont été violentes en matière de baisse des effectifs cheminots dans ces établissements et de dumping social sous la menace. N'était-ce pas ce que visait la libéralisation ferroviaire ?
Le troisième «paquet ferroviaire» est illégitime ; il doit lui aussi être annulé !

Il ne s'agit là que de mesures d'urgence, car c'est toute la logique qui a présidé à la libéralisation ferroviaire depuis plus de 15 ans qui doit être remise en cause. Après la victoire du «Non» en France, il convient de substituer à la logique concurrentielle des anciens traités une logique nouvelle, fondée sur la coopération entre réseaux ferroviaires européens, sur des investissements d'infrastructures publiques de transports en commun financées par des fonds communautaires et sur un projet de service public européen de chemins de fer qui réponde aux besoins de ses usagers sans imposer le dumping social à ses personnels.

La séparation entre infrastructure et exploitation ferroviaires imposée par la Commission européenne ne visait qu'à permettre la mise en concurrence des établissements publics. A l'expérience, ses conséquences ont été négatives pour l'efficacité et le développement du service public ferroviaire. C'est particulièrement vrai en France, où la contre-réforme ferroviaire de février 1997 est allée au-delà du minimum nécessaire pour respecter les directives européennes déjà en vigueur concernant le rail. Le choix national de la séparation institutionnelle a conduit a créer Réseau ferré de France (RFF), entité irresponsable vis-à-vis des usagers du train, pur et simple instrument de marchandisation du réseau moyennant des péages, d'ouverture du rail à la concurrence, de mise sous pression des cheminots et de baisse de l'entretien des voies, comme l'attestent les 1000 kilomètres de ralentissements des vitesses imposées sur le réseau pour maintenir la sécurité des circulations.
Le dispositif mis en place en France, en brisant l'unité de stratégie et d'action du système ferroviaire public national, obère son efficacité et son développement au service de l'intérêt public. Il conduit la SNCF à se comporter toujours plus comme une entreprise privée, soucieuse seulement de rentabilité et aucunement des besoins des populations, comme le montrent la disparition progressive des trains Corail et le recul du fret ferroviaire sur un «noyau rentable», en préalable à sa privatisation.
Ce dispositif doit être abrogé afin de reconstruire l'unité perdue et un établissement public intégré doit être mis en place, ce qui est possible tout en respectant la législation européenne encore provisoirement en vigueur. Ultérieurement, cette législation régressive et inefficace pour les populations européennes sera vraisemblablement remplacée, à l'issue du débat public constituant, par une véritable politique coopérative des transports, qui prendra pleinement en charge les dimensions sociales et écologiques, sacrifiées jusqu'ici sur l'autel d'intérêts purement mercantiles.

Dans le domaine du transport ferroviaire comme ailleurs, les forces sociales seront vigilantes pour s'assurer que le résultat du référendum sur le traité constitutionnel va se traduire en réorientations des politiques antérieures. En 1877, Gambetta, qui n'était pas un révolutionnaire mais seulement un républicain, avait ainsi apostrophé le monarchiste Mac Mahon : «Lorsque le peuple a fait entendre sa voix souveraine, il faut se soumettre ou se démettre !» Cela ne serait-il plus vrai au 21ème siècle ?

Par Philippe Mühlstein, membre du Conseil scientifique d'Attac France

 
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