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Lettre au Président de la République - Par: Constance BLANCHARD, Présidente de l'UNL, Michaël DELAFOSSE, Président de la Mutuelle des Etudiants, Yassir FICHTALI, Président de l'UNEF, Robin SEMAL, ancien 1er Vice Président de la FAGE


Chirac, les jeunes et la constitution : abracadabrantesque!

Le 27/04/2005
Grain de sable
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onsieur le Président,

Pour lancer votre campagne en faveur de la Constitution Européenne, vous nous avez proposé une grande messe bien orchestrée, répondant, avec toute la force de vos convictions, aux questions d'un panel soigneusement sélectionné par un institut de sondage et vos équipes.
Nous tenons ici à afficher notre profond désaccord avec cette démarche, tant dans la méthode que dans le fond de votre propos.

Depuis trois ans, vous refusez d'entendre nos aspirations. En notre nom, vous avez réformé le système de retraites et de l'assurance maladie: nous voulions plus de solidarité, nous aurons plus d'individualisme. Aujourd'hui, vous passez en force au sens propre comme au figuré avec votre loi sur l'école, méprisant les centaines de milliers de lycéens descendus dans la rue pour défendre une autre conception de l'éducation. Nous avons pourtant massivement voté pour vous. Certes, par attachement aux valeurs de la République et de la démocratie, pas forcément par conviction. Vos rappels à l'ordre sont ainsi "frappants" et votre intervention d'hier soir n'en est que plus abracadabrantesque.
Vous le savez pourtant, les jeunes subissent de plein fouet le chômage, la crise du logement, la déqualification ou encore les discriminations pour une partie d'entre eux. Il semble communément admis que nous vivrons moins bien que nos parents, et pourtant nous ne nous résignons pas. Nous nous engageons dans des associations, nous mobilisons pour de grandes causes, nous nous battons pour notre avenir et celui de notre société. Nous sommes tiraillés entre une volonté réelle de construire de nouvelles solidarités et le sentiment croissant d'être dépossédés de nos outils d'action.
Alors nous ne pouvons nous satisfaire de ce simulacre de démocratie. Nous voulons être respectés, écoutés, consultés pour ce que nous sommes, pas pour ce que vous souhaitez obtenir de nous. Les jeunes méritent mieux que cela. L'Europe aussi.

Notre génération est européenne. Elle vit avec l'euro, possède son drapeau et son passeport européens. Elle ne se demande pas si elle est pour ou contre l'Europe. Mais elle se demande, légitimement, quelle Europe elle veut construire.
Nos aînés ont bâti ce cadre dans lequel nous évoluons désormais. Ils ont pensé l'Europe, posé les jalons d'un «traité de paix perpétuelle», tirant les leçons des déchirures de l'Histoire. En unifiant progressivement l'espace européen, ils ont construit ce que personne n'avait su faire avant eux, une solidarité de fait. Mais à trop vouloir croire que la construction économique de l'Europe entraînerait également un approfondissement politique et démocratique des institutions, ils n'ont pas senti le déséquilibre croissant entre une orientation identifiée comme libérale et un projet démocratique fantasmé. Fantasme de la démocratie car les citoyens s'y sentent moins puissants aujourd'hui qu'hier, quand s'imposent à eux des décisions auxquelles jamais ils n'ont été associés. Progressivement, au nom de l'Europe, toutes les régulations publiques permettant la garantie de la cohésion sociale semblent absorbées dans un tourbillon sans fin. Hier, l'ouverture à la concurrence des Services Publics, la perte du contrôle démocratique sur la politique monétaire, la flexibilité et l'employabilité mis au coeur des objectifs sociaux de l'Union... Qu'en sera t'il demain ? Vous avez expérimenté avec la directive Bolkestein qu'un projet, fut il européen, ne fait pas forcément une bonne politique.
Ainsi, cette Constitution inscrit durablement des orientations économiques et sociales. Certaines peuvent certes paraître des progrès, mais sont inévitablement entravées par d'autres dispositions dont la plus emblématique est «la concurrence libre et non faussée».
Laissez-nous aujourd'hui assumer notre responsabilité. Celle d'une génération qui veut penser l'Europe de demain et agir non pas uniquement sur son cadre, mais avant tout sur son contenu. C'est tout l'enjeu du débat actuel sur la Constitution européenne. L'Europe n'est pas un étendard, un projet ou un concept in abstracto qui se suffirait à lui-même. Nous voulons grandir, étudier et travailler dans un espace unifié, pacifié, démocratique, prospère, moteur de progrès pour tous, garant de justice sociale et de solidarité. Nous aspirons à être des acteurs à part entière de la construction de ce projet politique, pas des témoins désabusés d'un processus sur lequel nous n'aurions aucune emprise.
Le projet de Constitution européenne dont vous êtes le premier des défenseurs ne répond pas à cette exigence. Il ne propose pas d'avancées démocratiques suffisantes pour donner à notre génération le sentiment d'être des acteurs, des citoyens européens à part entière. Dans ce projet, le droit de pétition existe, mais il n'a aucune valeur contraignante. Quant au vote à la majorité qualifiée, il ne concerne ni la politique sociale, ni la politique fiscale, ni la politique étrangère, soit aucun des trois domaines dans lesquels l'Europe a d'urgence besoin d'avancer.
L'Europe a besoin de clarté, elle a besoin que ses citoyens se réapproprient son contenu et en déterminent son avenir. C'est aussi à l'aune du degré de démocratie que nous jugeons ce texte et force est de constater qu'il ne nous permet pas, à nous jeunes citoyens d'Europe, de décider de notre avenir. C'est bien le parlement élu qui doit pouvoir définir les orientations de l'union, de son budget (qui mérite bien plus qu'un pour cent du PIB européen !), c'est devant lui que la commission, nommée, doit rendre compte, c'est lui qui doit pouvoir réviser notre constitution.

En démocratie, il existe le droit de dire « oui » ou de dire « non ». Pour notre part, c'est au nom de la démocratie, dans son exercice, et de l'ambition européenne, qu'à titre personnel, nous voterons non. Nous aurions aimé en débattre avec vous. Vous ne l'avez pas souhaité.
Monsieur le Président, après le 29 mai, il y aura le 30 mai. Si la France dit non, l'Europe demeurera et ses citoyens formuleront pour elle une nouvelle espérance: après la paix, la démocratie.

 
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