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"Ja zu Europa - Nein zu dieser Verfassung" (par Peter Wahl)


Les Allemands privés du droit de s'exprimer sur la Constitution européenne

Le 11/05/2005
Grain de sable
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e Parlement allemand va ratifier la Constitution européenne le 12 mai, probablement à l'unanimité. Cette date a été soigneusement choisie : il s'agit de fournir des munitions au camp français du OUI dans l'étape finale de la campagne référendaire. Selon ce calcul, les Français se laisseront influencer par les députés du Bundestag et voteront donc comme lui. Voilà un bel exemple de manipulation et de pression dans un processus déjà caractérisé par tant d'autres déficits démocratiques.

Car les Allemands - à la différence des Français - sont privés du droit de donner leur opinion sur la Constitution européenne. Tandis que la classe politique s'exprime au Bundestag et dans les médias, notamment français, le peuple allemand n'a pas voix au chapitre pour une décision historique: il n'y pas de référendum de ce coté-ci du Rhin. Est-ce cela la démocratie du XXIème siècle ?

Il est vrai que la Constitution allemande, établie en 1948, ne prévoit pas le référendum. Mais elle peut être révisée à la majorité de deux tiers des parlementaires. A l'automne 2004, cette éventualité avait été discutée au sein du parti social-démocrate, le SPD, et chez les Verts. Compte tenu de l'enjeu énorme de la décision à prendre sur la Constitution européenne, une telle réforme aurait été plus que justifiée. Elle aurait constitué un acte symbolique important, d'une portée dépassant largement les frontières de l'Allemagne.

Mais l'idée a été rapidement écartée. Les élites n'avaient pas suffisamment confiance dans les citoyens pour qu'ils s'approprient ce projet avec la même passion que la classe politique et le patronat. Pour de telles situations, Bertold Brecht avait donné un conseil: si le gouvernement est mécontent du peuple, il lui suffit d'en changer.

En conséquence, la procédure de ratification par le seul Parlement tourne la démocratie en dérision. On constate qu'il existe deux catégories de citoyens en Europe: ceux qui ont le droit s'exprimer sur la Constitution et ceux qui en sont privés. La légitimité et le prestige d'un texte qui a vu le jour sur des bases aussi peu démocratiques ne peuvent être que très limitées. Il pâtira à jamais de cette tare originelle.

Confinés au rôle de spectateurs passifs, les Allemands, dans leur grande majorité, restent indifférents à cette Constitution. Elle n'a pratiquement donné lieu à aucun débat public. Le niveau d'information des citoyens à son sujet frôle le zéro, et le gouvernement n'a pas fait grand chose pour le relever. Si l'on trouve, de temps à autre, un commentaire dans les médias, il porte sur les questions de gouvernance de l'Union, en particulier sur le poids de l'Allemagne dans ses institutions.

Il n'y a donc aucune raison de se laisser impressionner par le vote du Bundestag. En cas de victoire du NON en France, ni les relations franco-allemandes, fondées sur des intérêts solides et à long terme, ni la construction de l'Europe ne seront remises en cause. Bien au contraire, cette victoire contribuera à une modification des rapports de force dans tous les autres pays, ouvrant de nouvelles perspectives pour la construction d'une Europe libérée du joug néolibéral. Une Europe où les marchés devront être mis au service des travailleurs, des citoyens et des citoyennes, autrement dit de la majorité de la population, et non pas l'inverse, comme c'est le cas avec la logique actuelle.

L'exemple le plus éclatant est le statut de la Banque centrale européenne (BCE). A-t-on jamais vu dans l'histoire une Constitution dans laquelle un courant de pensée économique, le monétarisme, se voit conférer une dignité constitutionnelle en étant érigé en base de fonctionnement d'une banque centrale ? Ce phénomène, aussi bizarre que singulier dans l'histoire, donne à la BCE une position clé pour structurer le développement socio-économique de l'Union. Toutes les déclarations de bonnes intentions sur la dimension sociale et la démocratie participative dans la Constitution n'y changeront rien. Elles relèvent du lyrisme politique face aux droits «durs» de la Banque. Tant que cette Bastille du néolibéralisme ne tombera pas, tout changement vers une autre Europe sera bloqué.

Les gouvernements de l'Union viennent de modifier quelques dispositions du pacte de stabilité et de croissance, autre pilier du néolibéralisme, inventé par M. Tietmeyer, ancien président de la Bundesbank. Même aux Etats-Unis, on s'amusait de cette idée saugrenue consistant à se ligoter soi-même - au profit du laisser-faire des marchés financiers, bien entendu. Malgré les effets dévastateurs de ses politiques sur l'emploi et la protection sociale, la BCE reste attachée au credo du monétarisme, comme le pape au dogme de l' Immaculée Conception. Pourquoi, dans une conjoncture où le vent commence à tourner, couronner les théocrates de Francfort avec les lauriers d'une Constitution?

Nous disons OUI à l'Europe, mais NON á cette Constitution. Ou plutôt, nous voudrions bien pouvoir le dire. Puisque nous sommes privés de ce droit élémentaire chez nous, nous demandons aux Français d'exprimer également leur refus au nom de leur cousins d'outre-Rhin. Amis français, aidez nous:

votez NON !

Peter Wahl
Co-fondateur d'Attac Allemagne et dirigeant de l'ONG WEED (Weltwirtschaft, Ökologie & Entwicklung) à Berlin.

 
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