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(par Anthony Brownie) texte paru dans «Times», Maastricht, 11 mars 2005, le cynisme a pris racine chez l'un des membres fondateurs de l'Europe


Les Neerlandais perdent confiance dans l'Europe

Le 13/04/2005
Grain de sable
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aastricht, 11 mars 2005

Le cynisme a pris racine chez l'un des membres fondateurs de l'Europe

À l'extérieur des bars de la place du marché, les drapeaux européens flottent dans le vent glacial, les magasins font de bonnes affaires en euros et le monument de métal des étoiles de l'Euro s'étire vers le ciel au-dessus de l'inscription : «Nous devons avancer au-delà des états nation.»

Maastricht, la petite ville néerlandaise proche des frontières de la Belgique et de l'Allemagne où fut signé le traité qui donna naissance à l'euro, arbore fièrement son identité européenne.

Mais, tandis que les symboles demeurent en place, une drôle de chose est en train de se produire chez les gens qui résident ici: ils commencent à donner l'impression de devenir eurosceptiques.

«C'est un peu trop bureaucratique, trop gros. L'UE est trop éloignée de sa population,» indique une femme aux cheveux poivre et sel qui se hâte sur le pavé des rues piétonnes, bordées par les traditionnelles maisons néerlandaises à pignon. «C'est toujours de plus en plus gros.»

L'un des six membres fondateurs de l'Union européenne, les Pays-Bas, qui occupent actuellement la présidence de l'UE, ont toujours été fiers d'être un partenaire européen fiable, loin devant tout autre pays, sauf le Luxembourg, pour ce qui concerne le soutien de sa population à l'UE. La nation s'enorgueillit d'avoir été le pays d'accueil du traité de Maastricht qui a vu aboutir le dernier grand projet européen : la monnaie unique. Mais, à l'heure actuelle, par un retournement extraordinaire, il se pourrait que les Pays-Bas fassent capoter le prochain grand projet : la constitution européenne.

Le Gouvernement a annoncé qu'un référendum à ce sujet se tiendra le 1er juin. Ce sera la première fois que l'ont demande aux citoyens néerlandais ce qu'ils pensent de l'UE.

Alors que l'attention internationale s'est concentrée sur la consultation des Français qui aura lieu seulement trois jours auparavant, le 29 mai, les Néerlandais paraissent beaucoup plus susceptibles de mettre le holà à la marche de rouleau compresseur de la constitution. En France, les sondages montrent encore une majorité en faveur du traité, mais le Gouvernement de La Haye a été consterné d'apprendre qu'une majorité de ses citoyens y sont opposés, et dans une proportion qui n'est pas mince.

Un récent sondage est révélateur. Il montre que 42 pour cent des Néerlandais choisiraient de voter « non », contre 28 pour cent qui auraient l'intention de voter « oui ». Les Pays-Bas sont le seul membre fondateur de l'UE où les sondages d'opinion suggèrent que la constitution sera rejetée.

Sur la place principale de Maastricht, au dehors d'un café, une troupe d'acteurs profitent de la pause de la matinée pour exprimer leurs griefs envers l'Union. Oda Selbos, une rousse à la chevelure flottante, déclare: «L'euro est un vrai problème. Tous les prix ont doublé. Quand nous allions en Espagne, il était avantageux d'avoir une monnaie différente. Je veux qu'on me rende mes florins.»

Frederick Brom dit qu'il était opposé à ce que l'UE harmonise tout. «Dans l'UE tous les articles deviennent similaires. Quand je vais en France, je veux manger du fromage français fabriqué par un fermier dans ses caves; mais, en raison des normes d'hygiène, tout se ressemble.»

Les Néerlandais exposent aussi des doléances qui leur sont spécifiques sur le financement de l'UE parce que, par tête d'habitant, ils contribuent davantage que tout autre pays. Le Gouvernement est en colère car, alors qu'on a imposé des contrôles stricts de la dette publique afin de pouvoir adhérer au Pacte de stabilité et de croissance sur lequel est fondé l'euro, la France et l'Allemagne ont enfreint ces règles ; apparemment dans l'impunité.

Les votants se soucient également de l'impact économique de l'euro. Xavier Schilling, un agent d'assurance, raconte : «D'abord, beaucoup de gens aux Pays-Bas pensaient que la constitution serait une bonne chose. Maintenant, ils sont préoccupés du fait que l'économie ne va pas si bien que ça.»

Il règne une opposition très répandue à la décision de la Commission européenne de laisser entrer la Turquie dans l'UE, qui donnerait à 70 millions de Musulmans le droit de vivre et de travailler en Europe occidentale. Ces craintes sont exprimées par le politicien non-conformiste Geert Wilders que son opposition à l'islamisme radical, à la Turquie et à la constitution a propulsé dans les sondages devant le Gouvernement.

Dans une intervention récente à Rotterdam, M. Wilders a déclaré : «Les élites politiques veulent faire entrer dans l'Union la Turquie, un territoire islamique de millions de personnes, qui aura une énorme influence sur le super-État fédéral.. En raison de la nouvelle constitution européenne, la Turquie aura plus d'influence sur la législation néerlandaise que les Pays-Bas mêmes. Rien de plus insensé que cette situation.»

Le Gouvernement espère que, lorsque les deux grands voisins des Pays-Bas - la France et l'Allemagne - auront, selon toute probabilité, ratifié la constitution juste avant leur propre référendum, les Néerlandais se sentiront trop isolés pour la rejeter. Il a donc lancé une vaste campagne publicitaire de télévision pour faire passer son message.

Mais Maurice de Hond, sondeur le plus éminent des Pays-Bas, annonce que le référendum sur la constitution allait sans doute devenir un vote de protestation sur la direction européenne. « Les gens voteront sur tout, sauf sur la constitution, » a-t-il déclaré. « Ils voteront sur les questions de l'euro, des dix nouveaux pays, de la Turquie, du Gouvernement. La Turquie présente un grand problème et un sujet beaucoup plus clair qu'une constitution qu'ils n'ont jamais lue. »

En théorie, la constitution européenne doit être ratifiée par tous les états membres de l'UE dont neuf le font par référendum. À l'heure actuelle, les dirigeants européens se demandent ce qu'il adviendra si un pays vote «non». Il est généralement entendu que, si la France dit «non», la constitution sera décidément morte ; et que, si la Grande-Bretagne dit «non», le Royaume-Uni devra renégocier ses relations avec l'UE.

Mais que se passera-t-il si les Pays-Bas, l'un des plus importants partisans de l'Europe, disent «non» ? Un politicien néerlandais a affirmé : «Si la Grande-Bretagne rejette la constitution, la Grande-Bretagne aura un problème. Mais, si les Pays-Bas rejettent la constitution, alors c'est la constitution qui aura un problème.»


UN ABOUTISSEMENT

1948
La Haye accueille une réunion pour la coordination internationale des Mouvements pour l'unification de l'Europe, présidée par Winston Churchill

1951
Les Pays-Bas deviennent membre de la Communauté européenne du charbon et de l'acier avec la Belgique, l'Allemagne de l'Ouest, la France, l'Italie et le Luxembourg

1957
Les Pays-Bas sont membre fondateur de la Communauté économique européenne

1985
Les Pays-Bas signent l'accord de Schengen abolissant le contrôle des frontières avec la France, la Belgique, le Luxembourg et l'Allemagne de l'Ouest

1992
Signature de l'accord de Maastricht créant une monnaie européenne unique

1997
Signature du traité d'Amsterdam renforçant les pouvoirs de l'UE en matière d'ordre public et d'affaires étrangères

1999
Les Pays-Bas sont l'un des onze pays qui adoptent l'euro

2004
Ben Bot, ministre néerlandais des Affaires étrangères, attaque dans un discours les interférences excessives de l'UE dans les affaires nationales

Février 2005
Le Gouvernement néerlandais annonce un référendum sur la constitution de l'UE

Mars 2005
Un sondage d'opinion indique que près de la moitié des Néerlandais s'oppose à la constitution

1er juin 2005
Référendum néerlandais sur la constitution


Timesonline.co.uk/article
(Traduit de l'anglais)

[Les raisons d'un « non » aux Pays-Bas ne coïncident pas nécessairement avec celles d'un « non » en France. Au niveau de l'information, il semble néanmoins qu'il faille prendre très sérieusement ce mouvement politique inédit de la part d'un excellent élève de l' Europe. (NDT)]

 
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