e 13 septembre a été marqué par des manifestations contre l´OMC dans de très nombreuses villes du monde. Celle qui a eu lieu á Cancun était pour le moins extraordinaire. Certes, les participants n´étaient pas extrêmement nombreux, 4000 tout au plus, mais les actes qu'ils ont posés ont montré toute la force de leur mouvement. Après prés d'une heure d'un travail de fourmis, les jeunes filles d´un coté et les paysans coréens de l'autre sont venus à bout de la triple grille qui les séparait des cordons policiers sur le chemin menant vers le lieu de réunion de la convention de l'OMC. Espérant le déchaînement de la violence entre manifestants et policiers, toutes les cameras étaient braquées sur ce trou béant d'une dizaine de mètre dans la grille. Pourtant, une fois rompue cette barrière, les milliers de manifestants se sont assis pour observer une longue minute de silence en souvenir de Lee Kiung qui a mis fin á ses jours au sommet de la grille identique á une centaine de mètre de là mardi dernier. Une assemblée a alors été entamée, marquée notamment par les brèves allocutions de délégués coréens, paysans et africain. Après quoi, les Coréens ont symboliquement brûlé une représentation de l OMC et ont déposé des dizaines de fleurs devant les lignes policières. Un peu plus loin, au son des tambours, une gigantesque danse interculturelle a alors réuni 300 a 400 personnes. C´est dans le calme absolu que les manifestants se sont ensuite retirés, sans s´affronter avec la police.

Pour ces manifestants, les barrières qu ils avaient détruites étaient celles de l'OMC, les frontières de la globalisation libérales, le «mur de l´injustice, de la faim et de la misère».

Cette marche est un immense succès que le mouvement doit á l´organisation extraordinaire de cette manifestation basée sur la collaboration entre jeunes, Coréens, paysans et black block. Les filles qui formaient la première ligne de la manifestations se sont particulièrement illustrées par leur courage en rompant calmement les grilles á quelques centimètres des policiers mais aussi par leur capacité á gérer la marche, á calmer les moins modérés et á veiller á ce qu'aucun projectile ne soit lancé contre les policiers.

Il faut ajouter que pendant cette manifestation, une délégation coréenne était parvenue à entrer dans le centre de convention où se tient la réunion de l'OMC. Hier, 86 jeunes sont parvenus á bloquer pendant plus de deux heures l'entrée de ce centre de convention.

Cette journée ne suffira sans doute pas à effacer les divisions permanentes de la société civile à Cancun et ne cachera pas le petit nombre d'altermondialistes présents á cet important sommet. A part les Coréens, seuls 300 syndicalistes ont participé a cette marche pourtant présentée comme la plus importante du contre sommet. Seules quelques dizaines de paysans sont restés á Cancun après leur manifestation du 10 septembre dernier. Les représentants des ONG étaient moins nombreux encore ! Logeant pour la plupart dans les hôtels de luxe de la zone hôtelières, rares étaient ceux qui avaient jugé important de se joindre aux protestations des mouvements «d'en-dehors de la zone». Le contre sommet fut ainsi marqué par la grande division des protestataires, particulièrement au sein de la délégation mexicaine, mais aussi au niveau international. Quelle différence en effet entre les paysans de Via Campesina logeant dans des tentes ou dans un centre sportif et les représentants d'une autre organisation internationale de paysans, parmi lesquels 50 membres de la FNSEA, ayant choisi le Sheraton. Entre les conférences feutrées des ONG dans les grands hôtels et celles sous une tente des jeunes zapatistes, est-ce le même «autre monde possible» ?

Néanmoins, grâce aux formes de mobilisations promues par les Coréens et une partie des jeunes, Cancun a connu ce 13 septembre l'une des plus extraordinaires mobilisations altermondialistes. Le contre sommet marque l'intégration des Coréens dans le mouvement altermondialiste. La manifestation d'aujourd'hui et le comportement pacifique et très engagé des 180 membres de cette délégation depuis prés d'une semaine montre que le mouvement a beaucoup á apprendre de cette partie du monde. Gageons que le prochain forum social mondial qui se tiendra en Inde en janvier prochain le confirmera.

Par Geoffrey Pleyers. Aspirant du FNRS, doctorant en sociologie au CADIS (EHESS-Paris) et á l'université de Liége. Chercheur invité á l'Instituto de Investigaciones Sociales (UNAM - Mexico)

Contact pour cet article. geoffreypleyers@hotmail.com