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(Patrick Juin) Le débat à propos du référendum sur le projet de traité constitutionnel est lancé dans le pays. C'est un débat qui concerne chaque citoyen européen


C'est non

Le 23/03/2005
Grain de sable
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e débat à propos du référendum sur le projet de traité constitutionnel est lancé dans le pays. C'est un débat qui concerne chaque citoyen européen. La position de la CFDT résulte d'une réflexion interne aux instances fédérales et confédérales, avec une position pour un OUI sans réserve.

Mais quand un débat s'instaure entre adhérents dans nos entreprises, les positions sont souvent plus nuancées, voire nettement en défaveur du projet de traité, avec des considérations économiques, industrielles et sociales.

Je partage l'opinion de ceux qui doutent que ce texte ouvre la voie à l'Europe Sociale que nous appelons tous de nos voeux, ou renforce la capacité de l'Europe à s'imposer comme puissance économico-industrielle face aux Etats-Unis.

S'il est adopté, ce sera une constitution, texte fondateur de la " citoyenneté " européenne. Toutefois, il décrit plus qu'un mode d'organisation institutionnelle. Il contient la définition ou le cadre de nombreuses politiques que les institutions européennes doivent piloter dans les domaines du marché intérieur (Partie III, Titre III, Chap. I), de la politique économique et monétaire (ib, Chap II).

Ces politiques doivent absolument répondre à l'exigence d'une économie de marché où la concurrence est libre et non faussée (I-3).
Certes il n'apparaît rien de bien nouveau par rapport aux traités antérieurs, depuis le traité de Maastricht en 1992 jusqu'à celui de Nice en 2000. Toutefois, il s'agit cette fois d'une constitution qui prévoit que toute modification, donc toute amélioration, devra se faire à l'unanimité des 25, ce qui rend très improbable toute progression sociale (IV-443 et suivants).

Le texte recèle quelques intentions sociales (III-209 à 219). Toutefois, tout ce qui concerne les politiques monétaires, budgétaires, l'organisation de la libre concurrence est codifié alors que les " avancées " sociales et environnementales sont décrites en terme d'objectifs à atteindre sans aucune obligation de résultat.

Les coopérations renforcées ne pourront se faire que si 1/3 (soit au moins 9) des pays le demandent (I-44) et après accord de la Commission Européenne. Autant dire qu'il serait impossible dans ce cadre de refaire Airbus Industrie, fleuron actuel de l'industrie européenne.
En effet, Airbus résulte de la volonté politique des gouvernements français, allemand, britannique et espagnol de promouvoir une industrie européenne aéronautique face à la menace d'hégémonie américaine. Ils ont ainsi faussé la libre concurrence en créant un quasi-monopole européen, que les Suédois ou les Italiens, qui ont une industrie aéronautique, auraient pu faire interdire si le projet de traité avait été applicable alors (III-416).

Aucune illusion ne peut persister sur la construction d'un monde multipolaire. La vassalisation à l'OTAN (I-41) est acquise avec en plus une majorité des 25 pays sensibles ou relais de la diplomatie américaine et de sa capacité de lobbying en Europe. Dans ces conditions, quelle politique européenne de défense, quelle place donnée à l'industrie européenne de défense et à l'aéronautique surtout si celle-ci représentait une menace sur la suprématie américaine en Occident ?

Le projet de traité interdit de fait les politiques industrielles. Là encore, au nom de la libre concurrence, les aides des Etats pour soutenir des activités critiques (technologiques), ou des secteurs en difficulté sont quasiment impossibles. Le gouvernement Raffarin a été censuré par les fonctionnaires de la Commission Européenne quand il a voulu recapitaliser Alsthom pour sauvegarder ce secteur économique et préserver ses emplois. Et si elle a accepté quelques aides publiques, elle a exigé un plan de licenciement en contrepartie ! Où est l'Europe sociale ? Quelle est cette conception de l'intérêt général ? Quel article impose une politique de croissance et d'emploi ?

Depuis le traité de Maastricht, que beaucoup d'entre nous ont avalisé parce qu'ils ont cru à l'Europe sociale, qui en tire le bilan sur le plan social ?
Combien d'emplois créés, sauvegardés ou détruits ? Quelle harmonisation positive des droits sociaux ? Quel SMIC européen ? Le bilan est loin de justifier l'adhésion et les mêmes causes produisent toujours les mêmes effets.
Le texte continue à imposer des principes dévastateurs en matière sociale. L'harmonisation par le bas est en route. Les délocalisations intraeuropéennes, la directive Bolkestein (III-144), qui prévoit l'application du droit du travail du pays européen d'origine pour les travailleurs étrangers, sont des illustrations concrètes des ravages du concept de concurrence libre et non faussée.

La concurrence sera réellement faussée tant que seront mis en compétition les systèmes de protection sociale (salaires minimums, prévoyance, retraite, chômage). Le texte est vraiment contradictoire évoquant des objectifs qualitatifs sur ces critères sociaux tout en n'imposant aucun frein à la concurrence qui, par principe, les laminent.

Le texte est dangereux en perpétuant l'indépendance de la Banque Centrale Européenne (III-188) et en confirmant cause les critères de convergence (10ème et 11ème protocoles annexes).

Ainsi nos politiques économiques nationales sont-elles jugées par des techniciens de la finance internationale.
Ils veillent, par exemple, au respect du ratio déficit public/PIB à 3%. Ils mettent alors sur le même plan les emprunts visant à équilibrer les budgets de fonctionnement (qui sont malsains), avec ceux qui concourent aux investissements pour relancer ou accompagner la croissance (qui sont créateurs d'emploi).

C'est absurde, mais les Commissaires Européens jouissent du pouvoir de pénaliser les responsables politiques nationaux qui ne se conforment pas à leurs vuesŠ et en usent.

Ils louent les vertus de l'Euro fort comme symbole d'une Europe forte. Depuis 3 ans, le Dollar s'est dévalué de 40 %. Le Dollar est faible, les USA sont-ils faibles pendant que nos exportations sont lourdement pénalisées.
Pour rester compétitives, nos industries doivent compenser cette perte. Elles le font en cherchant à produire dans la zone Dollar (Mexique, Indonésie, ...) au détriment des emplois européens.
Pendant ce temps, les hiérarques de la BCE, inamovibles pour 9 ans, continent d'imposer des taux d'intérêts supérieurs à ceux de la Banque Fédérale Américaine, pénalisant ainsi les investissements en Euros, pour que vive l'Euro fort !

Ceux qui croient à l'avenir d'une Europe comme atout pour les salariés européens doivent rejeter cette constitution qui renvoie l'Europe sociale aux calendes grecques. On n'a jamais vu que l'on améliorait un mauvais accord en commençant par le signer, surtout avec une clause interdisant de fait son amélioration. Pour la constitution, c'est la même chose.
Accepter cette constitution, c'est céder à l'attrait du miroir aux alouettes avec les chasseurs libéraux qui nous attendent au coin du bois dès le lendemain de l'adoption du texte.
Le vote négatif des français réveillera les consciences et provoquera le débat là où il n'a pas eu lieu. Et nous continuerons à appliquer le traité de Nice, sans autre désordre qu'un débat sur l'Europe que nous voulons et celles dont nous ne voulons pas.

Voter NON pour mettre enfin l'Europe sur la voie sociale.

Patrick Juin, Militant syndical

 
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