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(par Christian Jacquiau) Paysage dénaturé, pratiques agricoles peu compatibles avec les principes du développement durable... Désolant!


Comment des hypers défigurent nos villes et nos banlieues

Le 16/02/2005
Grain de sable
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l suffit de parcourir l'Hexagone, l'un des pays les mieux pourvus en hyper et en supermarchés, pour mesurer l'étendue du maillage de la grande distribution. Partout, les mêmes panneaux, les mêmes enseignes, la même désolation architecturale. Une insulte aux architectes ! Un uniformisme désolant, procurant le sentiment d'être "déjà passé par là".

Des principes du hard discount -vente en entrepôt à prix bas-, il ne reste que de grands hangars en tôle ondulée, de vastes parkings asphaltés, des enseignes surdimensionnées, des rocades et des ronds-points qui défigurent le paysage. Dans un récent rapport, l'Inspection générale de l'équipement préconise une implication plus forte des directions départementales de l'équipement (DDE) dans les procédures qui régissent l'urbanisme commercial. Au moment où le territoire français est sursaturé de centres commerciaux, après trente années de laisser-faire, l'administration se penche enfin sur " la qualité des entrées de ville ".

Une insulte à l'esthétique et au bon goût

Dans le document qu'il a remis le 27 octobre à Christian Jacob, ministre du Commerce, le sénateur Alain Fouché explique que, " pour certains, les lois fixant les seuils d'autorisation ont engendré le développement de nouvelles formes d'activités et des équipements [...] dont les caractéristiques en matière d'architecture ne sont pas particulièrement intéressantes ". Comme si la loi Raffarin, soumettant à autorisation tout nouveau projet de surface de vente de plus de 300 m2, était responsable en quoi que ce soit de cette insulte à l'esthétique que sont ces centres commerciaux.

En garantie de bon goût, le rapport propose que l'administration définisse les critères permettant d' " éviter de dénaturer le paysage " . Mais est-ce une garantie suffisante ? Les maires disposaient déjà, via la procédure d'autorisation des permis de construire, de tous les pouvoirs pour s'en préoccuper. On sait ce qu'il en est advenu.

Le sénateur suggère que les critères d'esthétique, d'urbanisme et d'environnement deviennent des critères de " premier rang " . Moyennant quoi il faudrait... alléger la loi Raffarin. Et supprimer les fragiles études d'impact, au motif qu'elles sont... " trop lourdes, trop longues, trop complexes et souvent trop coûteuses " . Ce n'est pourtant pas la réalisation de cette étude - entre 10 000 et 15 000 EUR - qui coûte le plus cher aux promoteurs pour obtenir les précieuses autorisations ! L'auteur regrette même qu'aucun recours, autre que celui du ministre, ne soit permis à l'encontre des architectes des Bâtiments de France, ces empêcheurs de bâtir en rond "dont les exigences entraînent souvent certains candidats à préférer l'implantation en périphérie plutôt qu'en centre-ville". Des exigences qui empêchent, par exemple, d'implanter un "centre culturel" Leclerc dans les jardins du Luxembourg.

Des parkings tendance "parc naturel"

Bref, comme tous les rapports remis à l'ancien ministre des Finances (Nicolas Sarkozy) et à son ministre délégué d'alors (Christian Jacob), celui de Fouché va dans le sens d'une plus grande libéralisation, voire d'une totale déréglementation, au profit de la grande distribution.

Autre facteur aggravant de la dégradation de l'environnement, la recherche des prix les plus bas à la production favorise la généralisation de pratiques agricoles peu compatibles avec les principes du développement durable : surexploitation des sols, monoculture, disparition de la biodiversité, banalisation et standardisation du goût... Et ce n'est pas l'avènement de l'agriculture raisonnée, autre piège à consommateurs, qui y changera quelque chose.

Dans son premier rapport de développement durable, imprimé sur papier recyclé, Carrefour explique avoir amélioré en 2002 sa communication auprès des organismes de notation sociétale. Sa communication, sans aucun doute, mais la protection de l'environnement ? Le distributeur a adhéré au Club Pro-forêts du World Wildlife Fund (WWF) et promet de tout mettre en ¦uvre pour encourager "une gestion forestière durable, respectueuse de l'environnement, socialement bénéfique et économiquement viable" . Mais le même Carrefour, par l'intermédiaire de l'un de ses affiliés, envoie des bulldozers dans la mangrove martiniquaise, zone des plus fragiles, pour y édifier un nouveau centre commercial - l'île est pourtant largement saturée de grandes surfaces.

La mode est au vert ? Pas de problème : les parkings sont relookés tendance "parc naturel" . "Pour respecter un quota d'espaces verts sur les parkings et parer les risques d'accidents lorsqu'on plante des arbres, on a créé le principe de la dalle de béton trouée d'herbe pousse par les interstices et les quotas environnementaux sont respectés !" explique benoîtement Michel-Edouard Leclerc. Vive la modernité !

On parle d'insécurité, de mal-être, comme autant de problèmes spécifiques. Et si l'on s'attaquait enfin aux vrais désordres économiques, humains, sociaux et environnementaux qui résultent de la recherche des prix les plus bas ?

première publication : Marianne n° 400 Semaine du 18 décembre 2004 au 24 décembre 2004

 
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