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Puisqu'il est souvent fait état d'un scénario catastrophe lors du référendum de ratification de la «Constitution» européenne, parlons-en : c'est celui du «oui» !


Le vrai scénario catastrophe, un «oui» débouchant sur une crise européenne sans précédent

Le 26/01/2005
Grain de sable
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uisqu'il est souvent fait état d'un scénario catastrophe lors du référendum de ratification de la «Constitution » européenne, parlons-en : c'est celui du «oui» !


1.- Un tour de passe-passe

On comprend bien que le Medef, Nicolas Sarkozy, Pascal Lamy, Tony Blair, Silvio Berlusconi et tout ce que l'Europe compte de libéraux et sociaux-libéraux soient d'enthousiastes partisans du «oui». Ce vote leur permet en effet d'atteindre un double objectif :

 o  faire avaliser rétrospectivement, et en une seule fois, toutes les politiques libérales en vigueur, telles qu'énumérées dans la troisième partie de la «constitution» : primat de la concurrence, privatisations des entreprises et services publics, dumping social et fiscal encourageant les délocalisations, etc. Sur la plupart de ces mesures, les citoyens n'ont jamais été consultés et, s'ils l'avaient été, ils auraient manifesté leur opposition catégorique.

 o  rendre ces politiques doublement irréversibles : d'un côté, en leur donnant un statut «constitutionnel» et, d'un autre côté, en bloquant toute possibilité de révision de la «Constitution» grâce à la règle de l'unanimité.

Il s'agit là d'un véritable tour de passe-passe, et aussi d'un coup de maître orchestré par le président de la Convention pour l'avenir de l'Europe, Valéry Giscard d'Estaing ! Sauf à leur prêter des pulsions masochistes, on ne comprend pas que des partis ou syndicats affichant des objectifs de transformation sociale décident, en pleine connaissance de cause, de s'enfermer dans un carcan précisément destiné à leur interdire d'atteindre ces mêmes objectifs !


2.- Reniement politique ou bras de fer avec Bruxelles

Par hypothèse, imaginons qu'une majorité se dégage en France aux élections de 2007 pour des politiques de rupture avec le néolibéralisme. Le gouvernement issu des urnes sera immédiatement placé devant un choix crucial :

 o  ou bien il renonce d'emblée à appliquer son programme, en invoquant les «contraintes européennes», parfaitement réelles au demeurant. Entre cent exemples, en matière de financement des entreprises et services publics (existants ou à créer) ou de politique budgétaire. Dans ce cas, il trahit la volonté populaire qui vient tout juste de s'exprimer et accrédite les thèses de l' «impuissance» du politique et de l'impossibilité de toute alternance. Ce faisant, il sape les fondements de la démocratie représentative et ménage un boulevard à l'extrême-droite.

 o  ou bien ce gouvernement tente d'appliquer son programme qui heurte obligatoirement de front la norme supérieure de l'UE ( la «concurrence libre et non faussée») et la plupart des politiques contenues dans la troisième partie de la « Constitution ». Il trouve alors face à lui la «gardienne des traités» qu'est la Commission européenne. Le fait que cette dernière, sous la présidence de José Manuel Barroso, soit caricaturalement ultralibérale et atlantiste contribue à dramatiser symboliquement le bras de fer.
Dans les deux cas, c'est une crise européenne sans précédent qui s'ouvre. Le risque est grand, alors, que le rejet des politiques européennes ne s'étende alors à l'idée d'Europe elle-même. Les néolibéraux et sociaux-libéraux sont en train de jouer aux apprentis sorciers : en interdisant de fait toute alternance, en voulant verrouiller à toute force le couvercle de la cocotte-minute, ils s'exposent à ce que la pression interne la leur fasse sauter au visage. Leur contrôle quasi absolu des grands médias, et l'ignorance qu'ils entretiennent, délibérément ou non, sur le contenu et les conséquences de la «Constitution» - dont ils présentent une version à l'eau de rose - peuvent leur donner un illusoire sentiment de sécurité. Jusqu'au tsunami du rejet populaire des politiques de l'UE...


3.- L'horizon indépassable de Pascal Lamy

Face aux dogmes néolibéraux, les peuples des Etats membres de l'UE se trouvent dans une situation de «souveraineté limitée», comme celle, jadis, des «démocraties populaires» face à l'URSS. Pour s'en convaincre, il suffit de lire la plate-forme d'une hypothétique « Europe sociale » élaborée par une commission présidée par Pascal Lamy (ce qui est déjà en soi tout un programme) à la demande du Parti socialiste européen (PSE). Ce document a été présenté le 27 novembre dernier aux dirigeants socialistes réunis à Madrid, et il se situe dans le cadre d'une victoire du «oui».

Aucune des mesures proposées n'est de nature à modifier la physionomie d'une Europe ancrée dans le néolibéralisme, même si aucune n'est complètement dénuée d'intérêt. Qui pourrait être contre une représentation unique de la zone euro dans les instances internationales d'ici 2013 ; contre le doublement du budget européen de la recherche, ou contre le passage de 6 % à 12 % de la part des énergies renouvelables d'ici à 2010 ?

Les mesures les plus « audacieuses », elles, restent au niveau de l'habillage sémantique, de la rédaction de documents ou du service minimum pour paraître «à gauche» : il y est question de rebaptiser le «processus de Lisbonne» pour l'appeler « Développer l'Europe » ; d'adopter une directive sur les services publics (mais sans l'affranchir des règles de la concurrence) ; de présenter une communication sur le futur industriel de l'Europe ; de réviser la directive sur le temps de travail (actuellement, elle ouvre la porte à la semaine de 65 heures, ce qui laisse de la marge !) ; de proposer d'ici à 2007 une harmonisation de la base fiscale de l'impôt sur les sociétés, et non pas une harmonisation de l'impôt lui-même, seule mesure de nature à supprimer le dumping fiscal !

Tel est l'horizon indépassable d'une « Europe sociale » après le « oui » vue par Pascal Lamy et le PSE, et pas même acceptée par tous ses membres. On peut douter qu'elle fasse rêver et qu'elle suffise à empêcher l'explosion de la cocotte-minute...

 
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