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(Sven Giegold et Malte Arhelger) Différences entre les Attac en France et en Allemagne


Après le pétrole : quelles énergies ?

Le 13/10/2004
Grain de sable
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ien que les ATTAC France et Allemagne adoptent en général des positions communes en matière d' économie et de démocratie on n'est bien sûr pas toujours d'accord, puisque celles-ci reflètent les courants politiques qui traversent les deux sociétés et en particulier leurs mouvements sociaux.

Les divergences de position au sujet de l'énergie nucléaire constituent l'une des différences historiques entre les mouvements français et allemands.
Le mouvement écologiste contre les technologies nucléaires a joué un rôle de premier plan dans les mouvements contestataires allemands, depuis les années 1980 et son évolution l'a conduit à poser le problème des alternatives aux énergies fossiles et nucléaires, les énergies renouvelables.
Dans cet article nous voulons montrer deux choses: face à l'épuisement des ressources pétrolières, nous trouvons inapproprié de condamner les énergies renouvelables. Au contraire il devient de plus en plus raisonnable de se pencher sérieusement sur ces nouvelles technologies. Deuxièmement, la mise en oeuvre des énergies renouvelables est absolument conforme aux objectifs altermondialistes.

Néanmoins, on peut constater que pour des raisons diverses il n'existe pas en France de position commune contre l'énergie nucléaire comparable à celle des mouvements sociaux en Allemagne et donc elle ne fait l'unanimité ni chez les contestataires français ni à ATTAC France, comme l'a montré cette année l'atelier de Jacques Cossart sur la fin de l'âge pétrolier pendant l'université d'été d'Attac France. Cossart en arrivait à la conclusion, que la seule issue à la crise énergétique sera le recours au nucléaire. Son argumentation était basée sur l'insuffisance des énergies renouvelables, illustrée par le fait que même si on utilisait tous les surfaces agricoles disponibles sur la terre pour produire de l'énergie de biomasse on n'obtiendrait que 25% de l'énergie nécessaire pour satisfaire les besoins mondiaux.
Une telle position serait insoutenable dans un cadre comparable à ATTAC Allemagne. Bien qu'il n'y ait pas eu de décision officielle, il existe un consensus tacite : face à l'épuisement proche des réserves de pétrole et de charbon et surtout face au réchauffement de la planète, il est nécessaire de promouvoir les énergies renouvelables. Comme elles sont la seule source d'énergie ne présentant aucun risque écologique, social ou lié au terrorisme, il faut repenser l'approvisionnement en énergie. Et ce sera possible, dès que les conditions suivantes seront remplies.

1. investissement dans les énergies renouvelables
2. investissement dans les économies d'énergie.

Peu à peu cette façon de penser atteint le mainstream allemand et les lois promulguées par le ministre allemand de l'environnement, Jürgen Trittin, ont eu outre Rhin des effets secondaires impressionnants : non contentes de fournir à la société de l'électricité propre, elles ont créé de nombreux emplois. Pendant que la surface couverte par des collecteurs solaires dépassait en 2004 les 6 millions de mètres carrés, la promotion des énergies renouvelables a eu un impact considérable sur le marché de travail: Plus de 120 000 personnes ont trouvé un emploi dans le secteur des énergies renouvelables. Parmi eux 40 000 dépendent du secteur éolien - presque deux fois plus que du secteur nucléaire. 30% de la production des installations éoliennes est exportée. Le chiffre des emplois dans le secteur photovoltaïque va augmenter d'un tiers en 2004 pour passer à 15 000.

Les Allemands ne sont plus les seuls à reconnaître l'importance décisive des énergies renouvelables. Le Parlement européen s'est donné pour objectif d'ici à 2020 de couvrir 20 % des besoins énergétiques grâce à des sources d'énergies renouvelables. Actuellement 6% de l' énergie provient de sources renouvelables. John F. Kerry, candidat démocrate à l'élection présidentielle américaine vient de présenter à Smithville, Montana, une proposition visant à augmenter l'efficacité des centrales thermiques, offrir des avantages fiscaux aux propriétaires des voitures biodégradables et remplacer d'ici à 2020 20% de la consommation du pétrole et de l'électricité par des énergies renouvelables. Le gouvernement chinois a annoncé son intention de couvrir dans les mêmes délais 17% de ses besoins en électricité grâce à des sources renouvelables. De même Lord Brown, directeur de BP, l'un des premiers groupes énergétiques mondiaux, se montre convaincu qu'en 2050 la moitié des besoins seront couverts par les énergies renouvelables.

Malgré la crédibilité restreinte dont on pourrait gratifier certains ambassadeurs de cette technologie, force est de constater que son potentiel est énorme. Par exemple, le rayonnement solaire suffit pour satisfaire 9779 fois les besoins d'énergétiques mondiaux. Des méthodes de construction solaire permettent de couvrir la totalité des besoins de chauffage et de réfrigération d'un foyer. En Allemagne il y a déjà 3000 maisons autonomes sur le plan énergétique.

Selon les nouveaux chiffres du ministère allemand de l'environnement la couverture en électricité renouvelable a dépassé pour la première fois les 10% au premier semestre 2004, ce qui comparé à 2003 équivaut à une croissance de 21%.

L'un des principaux arguments en défaveur des énergies renouvelables est leur coût trop élevé. Il est évident, que la croissance énorme du secteur des énergies renouvelables n'aurait jamais été possible sans les subventions considérables du gouvernement "socio"démocrate- écologiste allemand. Mais nihil ex nihilo, et les investissements d'aujourd'hui sont les économies de demain. Au cours de la décennie précédente les coûts de l'énergie éolienne ont été divisés par 2, ceux de l'énergie photovoltaïque ont baissé de 30%.
Un changement du mode d'approvisionnement en énergie aurait aussi plusieurs avantages économiques:

1. Comparées aux énergies fossiles ou nucléaires à fort coefficient de capital, les énergies renouvelables sont plutôt à fort coefficient de main-d'ouvre.
2. Le trajet entre centrale et foyer est raccourci. Ainsi les pertes dues au transport et à la transformation sont réduites d'autant et les dépenses d'infrastructure diminuent.
3. Les consommateurs gagnent en indépendance vis-à-vis des groupes producteurs d'électricité et les marchés des sources d'énergie fossiles sont fortement décongestionnés

Il faut aussi prendre en compte les subventions (plus d'un billion de dollars) allouées à l'énergie nucléaire pendant sa phase de développement.
Jusqu'à l'année 1992 les pays de l'OCDE ont dépensé à eux seuls 318 milliards d'euros - contre 22 milliards pour les énergies renouvelables. Les subventions accordées à l'énergie nucléaire par les autres pays, en tête ceux du bloc de l'Est dépassent le seuil du billion de dollars.
Cette corrélation entre le succès des énergies nucléaires et les subventions des Etats montre clairement que ce développement était voulu par des gouvernements et des groupes particuliers. Il ne se fonde pas sur l'absence de meilleures alternatives. Donc, dans les sociétés démocratiques, le changement de politique énergétique et le recours aux énergies renouvelables est un choix qui peut être fait par les citoyens.
Dans ce contexte, il est à nouveau inévitable de prendre en compte les risques liés au nucléaire, surtout sur fond de menace terroriste. Mais il existe d'autres arguments contre l'énergie nucléaire qui sont, d'un point de vue altermondialiste, beaucoup plus importants. La plus grande partie de l'uranium utilisé dans les centrales nucléaires est extraite sur les territoires de minorités indigènes, comme par exemple au Canada ou en Australie, provoquant des milliers des cas de cancer. En plus, la question du stockage définitif n'est pas toujours résolue. Cette question sera pourtant essentielle si l'on se focalise sur le choix du nucléaire, entre autres face aux offres russes de stockage définitif , éventualité qui présentera, sans doute, un risque multiple (environnemental et lié au terrorisme.)

Dans le domaine de la production d'énergie, les énergies renouvelables arrivent en tête des moyens permettant aux consommateurs et aux communes de rompre la dépendance vis-à-vis des multinationales de l'énergie. Dans les pays en voie de développement les conditions pour instaurer un système d'énergies renouvelables sont encore plus favorables. Les structures d'approvisionnement d'énergie centralisées y sont beaucoup moins implantées que, par exemple, en Europe. L'instauration d'un système d'approvisionnement en énergies renouvelables leur permettrait d'échapper à la dépendance vis-à-vis des importations d'énergie. À l'échelle internationale la promotion résolue des énergies renouvelables pourrait même avoir à long terme des incidences considérables sur l'actuel statu quo géopolitique.
Bien sûr, nous sommes pour le moment très éloignés de ce but. Une raison en est que les énergies renouvelables ne sont pas encore abordables pour les pays en voie de développement. C'est pourquoi il nous revient à nous, pays développés, d'investir résolument dans ces mêmes énergies. C'est un objectif important et souhaitable pour le mouvement altermondialiste.

Sven Giegold et Malte Arhelger

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