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Dans le cadre de l'université d'été 2004 à Arles, Vincent Drezet, intervenant de la filière "Fiscalité nationale et internationale: paradis fiscaux et taxes globales", propose les pistes essentielles d'une réforme fiscale plus juste


Quelles pistes pour une réforme fiscale juste?

Le 22/09/2004
Grain de sable
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out le monde s'accorde à dire qu'il faut une réforme fiscale mais, selon les approches, les contenus diffèrent. Une réforme consiste en un "changement radical emportant des améliorations" selon le dictionnaire. L'idée de justice conduit quant à elle, naturellement, à répartir la contribution commune qu'est l'impôt selon un certain nombre de critères tenant à la situation des contribuables et à la matière imposable. Or, de fait, la réforme fiscale libérale se traduit par une baisse de certains impôts (directs, progressifs.) et le maintien, la baisse ciblée, voire la hausse, d'autres prélèvements (indirects et/ou proportionnels). Ceci s'est traduit en France par la baisse des taux de l'Impôt sur le Revenu (IR), l'élargissement du champ des exonérations de l'Impôt de Solidarité sur la Fortune (ISF), les allègements de la Taxe Professionnelle (TP) et des effets d'assiette à l'Impôt sur les Sociétés (IS) (report des déficits, crédits d'impôts). D'autres pays européens vont dans le même sens d'une fiscalité qui taxe moins les "bases mobiles" (entreprises, ménages aisés) et plus les "bases immobiles" (la majorité des ménages). On est dès lors loin d'une réforme juste au sens premier du terme.

Les libéraux n'ont pas dit leur dernier mot. L'ancien Premier Ministre, Balladur, soutenu sur ce point par Madelin, s'exprimait en juillet 2003 en préconisant un impôt sur le revenu ramené de 7 à 3 tranches de 15, 25 et 35%, ce qui modifierait la répartition de l'imposition au profit des ménages imposés dans les hautes tranches et au détriment des ménages imposés dans les premières tranches. Parallèlement, la TVA, qui pèse plus dans le budget des ménages modestes que dans celui des ménages aisés, reste, de loin, l'impôt le plus important. Enfin, les débats sur l'amnistie fiscale, l'ISF et la TP ont montré que le "moins disant" fiscal est toujours à l'ouvre.

Appréhender le sujet de la réforme fiscale passe donc nécessairement par une vision d'ensemble de ce qu'il faudrait faire pour faire de la justice fiscale un élément de la justice sociale. Nous aborderons ici quelques impositions d'importance qui doivent être, en priorité, réformées.

Impôt sur le revenu (IR)

Une réforme de l'impôt sur le revenu doit reposer sur deux principes. Tout d'abord, il faut considérer que le revenu imposable doit représenter au mieux le revenu dont dispose le ménage et donc ses capacités contributives au sens de l'article 13 de la déclaration des droits de l'Homme. Ensuite, il faut en faire l'impôt central du système fiscal français. Actuellement, il ne répond pas à cette exigence : trop de niches fiscales, de possibilités de réduire la base imposable (abattement, déductions, quotient familial même plafonné) ou l'impôt à payer (réductions, avoir fiscal), poids trop faible (moins de 17% des recettes fiscales de l'Etat). Plusieurs pistes existent.

Le rapport La Martinière(1) considère que seules quelques mesures dérogatoires peuvent se justifier socialement et économiquement : frais de garde des jeunes enfants dont les parents exercent une activité professionnelle, frais d'hébergement en établissement de long séjour, emploi d'un salarié à domicile (plafonné), dons aux ouvres reconnus d'utilité publique. Le rapport propose de supprimer les autres niches fiscales et d'autre part, de soumettre à l'impôt les transferts sociaux non soumis à des conditions de ressources pour élargir ainsi l'assiette de l'IR.

Une note de l'OFCE(2) inspirée du Conseil des impôts(3) pose la question de la CSG, de fait le principal mode d'imposition des revenus avec plus de 62 milliards d'euros contre 53 pour l'IR : faut-il la rendre totalement déductible (-3,96 milliards d'euros), ou non déductible (+6,09 milliards d'euros) de l'IR, voire coupler ces mesures avec une modification du barème?

D'autres auteurs(4) plaident pour une imposition des revenus de l'épargne aux conditions de l'IR, l'imposition dés le premier euro, la suppression des niches fiscales, bref, pour l'élargissement de l'assiette couplé à une révision des taux justifiée par le fait qu'actuellement, la base de l'IR est étroite et la progressivité forte. L'impact de ces mesures sur les prestations sociales doit également être étudié car modifier de la sorte l'IR aurait des conséquences importantes pour l'attribution de certaines prestations sociales.

Les points communs de ces travaux reposent donc sur l'élargissement de l'assiette et la révision des taux.

Certaines pistes de réflexion autour d'une réforme de l'IR peuvent être ainsi mises en débat:
la réforme de l'IR passe par son renforcement et, plus largement, par un système fiscal rééquilibré, tous les revenus doivent donc être soumis au barème de l'IR, le revenu soumis à l'IR devant représenter au mieux les véritables capacités contributives du ménage ou de la personne imposable, les possibilités de réduction de la base imposable ou de l'impôt doivent être examinées, voire revues, à l'exception d'un nombre réduit d'incitations au caractère spécifique déterminé, la progressivité constituant l'essence de l'IR et étant seule à même d'appréhender les capacités contributives, elle doit s'illustrer par un nombre de tranches significatif, une réflexion plus poussée doit être menée sur, notamment, le quotient familial et la CSG.

Taxe sur la Valeur Ajoutée

La TVA est un impôt injuste: les ménages les plus modestes consacrent une part de leur revenu plus importante que les ménages aisés et ce malgré l'existence d'un taux réduit. Impôt sur la consommation, la TVA ne frappe que le consommateur final et change le rapport à l'impôt, indépendamment de la situation de ce dernier. Pour rétablir davantage de justice dans la TVA, plusieurs pistes peuvent être envisagées.

De manière générale, il faut baisser son poids dans le système fiscal français(5) La baisse de l'IR est prétendument justifiée par la relance de la consommation: pourquoi, dés lors qu'il s'agit de relancer la consommation, ne pas préférer une baisse des impôts sur la consommation? Cela pourrait passer par une baisse du taux normal de la TVA tout en mesurant les conséquences car en l'absence de contrôle des prix, une baisse légère risquerait, en effet, de bénéficier au taux de marge et pas au consommateur. Une autre mesure pourrait être la création d'un taux "0" sur les produits de première nécessité (par exemple : denrées alimentaires, distribution d'eau, de gaz naturel, bois et chauffage à usage domestique, transport des personnes, produits pharmaceutiques remboursables par la sécurité sociale, équipements médicaux à l'usage des handicapées).

Impôt sur les sociétés

Avec un taux nominal passé de 45% en 1986 à 33,3% en 2003, l'impôt sur les sociétés s'inscrit pleinement dans le jeu de la concurrence fiscale internationale par le "moins disant". Au-delà du taux, la volonté manifeste de laisser plus de possibilités aux sociétés de baisser leur impôt est manifeste : le projet de loi de finances pour l'année 2004 prévoit ainsi des mesures permettant de réduire l'impôt : report indéfini des déficits antérieurs, crédits d'impôts "famille" et "recherche". Il faut donc inverser cette tendance qui conduit les sociétés à contribuer de moins en moins à des politiques publiques dont elles bénéficient, en révisant, par exemple, certaines mesures d'assiette (crédits d'impôts), dérogatoires (zones franches), pratiques (prix de transfert) voire les taux d'imposition, ainsi que par une lutte plus efficace contre la fraude fiscale. Au niveau européen, cela passe par un renforcement de la coopération entre Etats et par une véritable harmonisation fiscale.

Fiscalité locale

L'évolution des impôts locaux montre le risque d'un report sur les ménages du coût des compétences et des missions attribuées aux collectivités locales. Ainsi, les allègements en matière de TP ont été accompagnés d'une hausse des impôts supportés par les ménages (taxe d'habitation). Cette question est essentielle à l'heure de la décentralisation voulue par Raffarin. La question de la fiscalité locale touche aussi aux évolutions structurelles. Faut-il une véritable autonomie fiscale au risque de voir exploser les inégalités entre régions, territoires? Faut-il supprimer la fiscalité locale et laisser l'Etat procéder au reversement, et, si oui, sur quels critères? Actuellement, la base de la taxe d'habitation, par exemple, est à revoir et pourrait être remplacée par la valeur vénale. Il faudrait alors d'une part revoir le mode d'évaluation des biens en substituant à la valeur locative actuelle une valeur réelle fixée soit par référence aux achats, soit par déclaration des propriétaires. Un élément pourrait être également la prise en compte de la capacité contributive des contribuables telle qu'elle ressort de la déclaration d'IR.

Les pistes d'une réforme fiscale juste existent donc. Elles passent aussi, et surtout, par un changement de conception de l'impôt qu'il nous faut porter. Les libéraux le voient comme une confiscation tout juste nécessaire au financement d'une poignée de missions régaliennes de l'Etat. Il faut opposer à cette vision une conception fondée sur plus de justice fiscale et sociale qui fait de l'impôt un instrument de financement des biens et des services publics, de redistribution, et de correction des inégalités. C'est tout le sens d'une réforme fiscale juste.

Vincent Drezet

(1) Rapport sur la réforme des prélèvements obligatoires du groupe de travail présidé par M. La Martinière rendu le 31 Mai 1996.
(2) OFCE : la réforme fiscale en France, 2000.
(3) Rapport du Conseil des impôts : l'imposition des revenus, 2000.
(4) Voir à ce sujet, notamment Jean-Luc Mathieu : la politique fiscale, Economica, 1999.
(5) La TVA représente en moyenne sur ces dernières années, 45% des recettes fiscales de l'Etat.


Pour approfondir le sujet, Attac propose un 4 pages complet sur l'impôt.
Vous pourrez le télécharger sur le site d'Attac :
http://www.france.attac.org/IMG/pdf/4pagesImpots-2.pdf

 
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