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(Vincent Drezet) - Dans le cadre de l'université d'été 2004 à Arles, Vincent Drezet, intervenant de la filière «Fiscalité nationale et internationale: paradis fiscaux et taxes globales», propose une fiche de compréhension des mécanismes de l'impôt


Qu'est-ce que l'impôt?

Le 15/09/2004
Grain de sable
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inancer des dépenses communes

Pour que la collectivité puisse prendre en charge les besoins sociaux, financer les biens et les services publics, assurer une redistribution et permettre la mise en ouvre des politiques publiques et des solidarités, une contribution commune est nécessaire. La contribution commune doit donc être répartie entre tous. La contribution doit également répondre à un certain nombre de principes qui fondent la justice sociale. Pour cela, il faut identifier le contribuable, tenir compte de ses capacités contributives, contrôler l'utilisation des deniers publics et lutter contre la fraude. C'est le sens des articles 13 et 14 de la déclaration des droits de l'Homme et du citoyen.

Une diversité des assiettes, des taux et des modalités de perception

Les impôts peuvent être calculés sur le revenu, le bénéfice, le chiffre d'affaires, le patrimoine, la dépense (consommation). il y a donc plusieurs «assiettes», donc plusieurs formes d'impôts, possibles. L'impôt peut être versé régulièrement par un contribuable identifié, ce qui peut autoriser un certain nombre d'ajustements tenant à la situation personnelle (c'est l'impôt direct de type impôt sur le revenu). Il peut être également reversé par un intermédiaire qui, lors d'une opération, encaissera un impôt compris dans le prix facturé à un client qui supporte en réalité l'impôt (impôt indirect sur la dépense de type taxe sur la valeur ajoutée). L'impôt peut être progressif, comme l'impôt sur le revenu: la proportion à payer augmentera en fonction du taux (fixé par tranches de revenus) au fur et à mesure que l'on s'élèvera dans la hiérarchie des revenus. I l peut être proportionnel, le taux étant alors invariable. Il peut être enfin forfaitaire, le montant étant alors le même pour tous.

En principe, un système d'impositions croisées permet d'obtenir un financement plus stable et plus juste qu'avec une imposition unique, la source se situant à plusieurs niveaux (création de richesses, perception d'un revenu du travail, différé ou du capital, occupation d'un local, transmission et détention d'un patrimoine, acte de consommation.), ce qui contribue à répartir l'imposition sur plusieurs agents à différents moments. Un rapide survol des principaux impôts français permet de dégager les caractéristiques de notre système fiscal. Un deuxième regard sur les évolutions récentes permettra d'en appréhender les tendances lourdes.

Le système fiscal français comporte plusieurs impôts, d'Etat ou locaux.

Impôts d'Etat :

Impôt sur le revenu: 52,2 milliards d'euros (16,3 %)
Autres impôts directs: 8,0 milliards d'euros (2,51 %)
Impôt sur les sociétés: 43,6 milliards d'euros (13,61 %)
Autres impôts directs et taxes assimilées: 16,4 milliards d'euros (5,13 %)
Taxe Intérieure Produits Pétroliers: 20,9 milliards d'euros (6,52 %)
TVA: 152,2 milliards d'euros (47,5 %)
Enregistrement, timbres, contributions indirectes: 27,0 milliards d'euros (8,43 %)
TOTAL: 20,4 milliards d'euros (100 %)

Source: Ministère de l'économie, des finances et de l'industrie. Projet de loi de finances 2004.


Le premier des enseignements, c'est que l'impôt indirect représente l'essentiel des recettes fiscales de l'Etat. Les impôts directs, comme l'impôt sur le revenu ou l'impôt sur les sociétés, sont minoritaires.
La TVA, impôt indirect sur la dépense (la consommation), est payée par tout le monde lors d'un achat ou du paiement d'une prestation. Tout le monde donc paie des impôts, et tous les jours! Calculée sur un prix (hors taxe), elle est payée par le consommateur (redevable réel) et reversée au Trésor par le commerçant ou l'assujetti (redevable légal).
L'impôt sur le revenu, le plus connu, impose différents revenus des personnes physiques (salaires, pensions, bénéfices agricoles, commerciaux et non commerciaux, revenus de capitaux mobiliers.). Ces revenus sont additionnés. Des abattements sont éventuellement pratiqués. Enfin, des réductions d'impôts peuvent également réduire l'impôt net à payer. Sur les 34 millions de foyers fiscaux (dont près de la moitié sont non imposables), environ 90% ont un taux effectif d'imposition (soit le rapport entre l'impôt payé et le revenu déclaré) inférieur ou égal à 10%. Par ailleurs, 86% des réductions d'impôts et 36% des abattements en base accordés profitent aux 10% des ménages les plus aisés.
L'impôt sur les sociétés est calculé en pourcentage du bénéfice réalisé par la société. Le bénéfice est déterminé sur la base du bénéfice comptable corrigé en fonction de données fiscales.

Impôts locaux:

Taxe d'habitation: 12,0 milliards d'euros (20,1 %)
Taxe professionnelle: 26,4 milliards d'euros (44,2 %)
Taxe foncière sur propriété bâtie: 19,9 milliards d'euros (33,4 %)
Taxe foncière sur propriété non bâtie: 1,2 milliards d'euros (2,0 %)
Taxes diverses: 0,2 milliards d'euros (0,3 %)
TOTAL: 59,7 milliards d'euros (100 %)

Source: Ministère des finances. Impositions émises au titre de l'année 2002


La taxe professionnelle est donc le principal impôt local. Les ménages acquittent d'autres impôts (TH, TF). La base des impôts locaux est la valeur locative, soit, schématiquement, l'évaluation du loyer annuel théorique que produirait le bien s'il était loué dans des conditions normales à une date donnée. La date de référence est le 1er janvier 1970 pour les propriétés bâties. Les valeurs locatives sont actualisées, mais le principe est aujourd'hui à revoir.

Les tendances lourdes

Les récentes mesures fiscales prises par le gouvernement montrent bien quelles sont les évolutions, perceptibles d'ailleurs au delà de nos frontières. L'idéologie du «moins d'impôt, moins d'Etat» est en effet à l'ouvre dans de nombreux pays, dont la France. Au nom de l'attractivité du territoire et de la compétitivité des entreprises, les gouvernements se sont attaqués aux impôts, notamment aux impôts directs. En baissant les impôts sur les revenus et sur les sociétés, ils se sont engagés dans une concurrence fiscale en vue d'attirer des investisseurs, des entreprises. En France, cela s'est traduit par la baisse de l'impôt sur le revenu, par l'élargissement du champ des exonérations de l'ISF, par des effets d'assiette visant à alléger l'impôt sur les sociétés, par des mesures en faveur de la fiscalité du patrimoine (abattements en hausse, mesures temporaires pour les donations de 20 000 euros), par l'allègement progressif de la taxe professionnelle et les annonces de réforme en profondeur de cet impôt(1).

Ces mesures ont un coût. Ainsi, concernant l'impôt sur le revenu, les allègements depuis 2000 ont été évalués à 6,6 milliards d'euros. Ceux-ci ont été obtenus à la fois par la baisse des taux du barème, mais également par les effets d'assiette, notamment les mesures fiscales dérogatoires (niches fiscales). Elles représentent en France, toutes impositions confondues, environ 50 milliards d'euros. Leur impact budgétaire est donc considérable. Le Conseil des impôts(2) s'est récemment interrogé sur leur efficacité, jugée «incertaine». Pour autant, malgré ce constat, le gouvernement persiste et signe en créant de nouvelles niches fiscales (Plan d'épargne retraite populaire) ou en élargissant le champ d'existantes (hausse du plafond pour embauche d'un salarié à domicile.).

Ces choix fiscaux guidés par l'idéologie libérale aboutissent à répartir différemment la contribution en reportant sur l'ensemble des ménages (par la taxe d'habitation ou les impôts indirects) l'imposition qui n'est plus payée par les entreprises et les ménages aisés (baisse de l'IS et de l'IR, niches), à amplifier les déficits publics(3) et, en aggravant le manque à gagner, à baisser la qualité et la quantité de biens et de services publics, et à tenter de justifier l'accélération des «réformes» pensées sur le «moins faisant fiscal et social» et les privatisations. Cette logique englobe également les cotisations sociales, accusées de grever le coût du travail et, comme l'impôt, d'entraver la compétitivité des entreprises. C'est oublier un peu vite que les impôts financent des biens et des services dont un grand nombre profite directement aux entreprises. Il est donc logique qu'elles y contribuent. C'est aussi omettre que les différences de niveau d'imposition entre pays occidentaux ne reflètent que des différences de mode de gestion, notamment en matière de protection sociale, et pas de coût/rendement, et qu'elles ne se traduisent pas par des différences de niveaux de développement. Une autre conception de l'impôt est décidément nécessaire.

Le système fiscal français résulte d'une évolution déjà fort ancienne qui trouve ses fondamentaux dans le consentement à l'impôt. On peut douter que les tendances constatées, de par les inégalités qui en procèdent, le favorisent. Un enjeu essentiel du débat sur l'impôt est d'expliquer la raison d'être de l'impôt, son rôle, sa place. C'est à ce prix que la capacité d'agir de la collectivité, selon la formule de Thomas Piketty, se trouvera renforcée.


Vincent Drezet


(1) Suite aux annonces de Chirac en Janvier 2004, une mesure provisoire d'exonération de certains investissements dits «productifs» a été mise en place, en attendant les conclusions du groupe de travail chargé de proposer une réforme de cet impôt.

(2) XXIème rapport du Conseil des impôts ; «la fiscalité dérogatoire», 2003.

(3) Voir à ce sujet les études de l'Insee (les comptes de la nation, éditions 2002).

 
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