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(par Alexandre Genko - Starosselsky) Devant la dégradation des droits face à la mondialisation, Attac s'interroge sur la nécessité de nouvelles régulations notamment pour renforcer la responsabilité des multinationales.


Quel droit pour la mondialisation?

Le 26/05/2004
Grain de sable
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e droit est en berne. De plus en plus, les normes contraignantes sont jugées inadaptées à l'évolution rapide de la mondialisation. On leur préfère les codes éthiques et les engagements volontaires dont le Conseil scientifique d'ATTAC a déjà dénoncé le caractère purement rhétorique (1). Ainsi, la future charte des droits fondamentaux de l'Union européenne considère le droit à l'emploi, au logement, à un revenu minimum garanti, à des allocations de chômage, à la pension non comme des droits, mais comme des objectifs à atteindre selon les possibilités. Pire encore, le projet de normes de responsabilité sociale des entreprises de l'ONU vient juste d'être jeté aux oubliettes sous la pression du patronat au motif justement qu'il présentait un caractère contraignant.

Et pourtant, jamais le besoin d'encadrer juridiquement la mondialisation n'a été aussi criant : "La plupart des Etats nations ne sont plus à la dimension des problèmes que pose l'internationalisation de la production, le caractère multinational des entreprises, dont la puissance financière est très souvent supérieure à celle des Etats, la complexité et l'énormité des flux financiers quotidiens." écrit André Chandernagor, premier président de la Cour des comptes. Et d'ajouter "A problèmes mondiaux, solutions mondiales".

Effectivement, cela semble d'une logique imparable : la suppression des frontières doit s'accompagner d'un renforcement des normes internationales et non le contraire. Dans ces conditions, il paraît légitime de demander des comptes aux multinationales qui profitent à l'étranger du laxisme de certains pays par exemple pour y faire travailler des enfants. De même, on ne devrait plus laisser sans réponse des catastrophes écologiques comme le Prestige ou Bhopal en Inde et tolérer que les vrais responsables soient impunis grâce à des sociétés écrans. Il ne semble plus possible d'admettre la pratique généralisée par nos grandes compagnies de la corruption, du blanchiment et de l'évasion fiscale sur le marché mondial. En bref, il est clair que trop souvent la logique de marchandisation à outrance devient criminelle et il est tout aussi clair que ce crime-là ne doit plus rester impuni.

Toutefois, des barrières sérieuses se dressent pour réprimer ces violations car si la mondialisation a fait tomber les frontières pour les marchandises, le droit pénal lui reste souvent cloisonné dans son territoire et les sociétés mères ne sont généralement pas juridiquement responsables de leurs filiales. Heureusement, le mouvement altermondialiste ne se laisse pas impressionner par ces difficultés et les propositions alternatives foisonnent :

Dans crimes économiques impunis (2), Nuri Albala constate que la justice internationale a réalisé de notables progrès avec la mise en place d'un Tribunal pénal international pour châtier les crimes de guerre. Pourtant, il n'existe toujours rien pour assurer la poursuite des crimes économiques internationaux alors qu'il ne fait aucun doute que de nombreux despotes ne sont que le bras armé de firmes transnationales et d'intérêts économiques. Il en appelle donc à une définition juridique internationale des crimes économiques. Surtout, il propose à chacun de se réapproprier toute la culture juridique et les droits fondamentaux ce qui permettrait d'enrayer le déferlement d'un droit tout entier fondé sur le profit.

Pour leur part et dès le Sommet de Johannesburg, les Amis de la Terre ont diffusé un appel pour une convention internationale obligeant les multinationales à être responsables de leurs actes. Ils souhaitent que les communautés concernées par une implantation soient consultées et puissent porter plainte, qu'une étude d'impact soit obligatoire partout, que des standards élevés mondiaux soient fixés et que les entreprises ne les respectant pas soient sanctionnées par des peines allant de la suspension de la liste des marchés boursiers à un retrait des subventions publiques voire au retrait du statut de société à responsabilité limitée.

Greenpeace également met en avant un texte baptisé principes de Bhopal reprenant des idées similaires pour élaborer une convention internationale responsabilisant les multinationales.

Que faut-il penser d'une telle convention ? Quel devrait être son contenu exact ? Comment l'articuler par rapport aux droits nationaux ? Autant de questions fortes qui font débat aujourd'hui au sein d'ATTAC.

D'autres mouvements mettent l'accent sur la judiciarisation. Il en est ainsi de l'association Sherpa qui s'est fait connaître pour avoir été à l'origine d'un procès en France mettant en cause Total, société qui aurait bénéficié du travail forcé de birmans. Ce réseau d'avocats et de juristes milite notamment pour une réforme des articles 113-6 et 113-7 du code pénal français. En effet, Ces articles étendent l'application de la loi pénale française à tout crime ou délit commis hors du territoire national si l'auteur ou la victime sont français. Toutefois, en ce qui concerne les délits, la poursuite ne peut être exercée qu'avec l'accord du ministère public qui s'avère particulièrement frileux en la matière. La levée du barrage du ministère public est vigoureusement demandée.

La question de la judiciarisation rebondit sur celle de la possible création de tribunaux internationaux chargés de juger les multinationales. Certaines associations comme le CETIM (Centre EuropeTiers-Monde) se prononcent en faveur d'une responsabilité internationale directe des personnes morales privées par exemple par la création d'un Tribunal pour les multinationales qui jugerait au niveau civil et pénal. Il appliquerait le droit international des droits de l'homme en vigueur, en établissant une hiérarchie des droits qui donneraient la priorité aux plus essentiels d'entre eux, tels que le droit à la vie, à la santé, à ne pas subir de torture ni de traitements cruels, inhumains ou dégradants.

Une autre initiative est celle du Barreau de Lyon qui propose la création d'une chambre de la Cour Pénale Internationale (CPI) spécialisée dans la répression des "Crimes contre la Terre". Elle serait chargée de juger des crimes majeurs correspondant à un événement, tel qu'une émission, un accident ou une explosion entraînant pour la santé d'un groupe d'êtres humains une atteinte mortelle, immédiate ou différée ou la dégradation massive de l'environnement biologique d'un territoire peuplé.

Là encore, la question du soutien à ces initiatives est posée et le pôle juridique d'ATTAC organise à cet effet un séminaire le 5 juin prochain au SNUIPP, 12, rue Cabanis (à côté de la FIAP) Métro Glacière à Paris 14ème où la discussion sera ouverte. En espérant vous y voir nombreux...

par Alexandre Genko-Starosselsky,
Avocat au Barreau de Paris, membre du Pôle juridique d'Attac France

http://www.france.attac.org/a2661

(1) "Responsabilité Sociale des Entreprises" ou contrôle démocratique des décisions économiques? Sur le site du CS, ATTAC France. http://www.france.attac.org/a1937
(2) Le Monde diplomatique, décembre 2003

 
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