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(par Bernard Marx) L'éclatement de l'affaire Parmalat en Italie, l'une des plus grandes fraudes de l'histoire récente du capitalisme européen, devrait conduire à une profonde réévaluation du fonctionnement du système financier. On peut craindre qu'elle restera en réalité limitée


Affaire Parmalat, "C'est arrivé près de chez vous"

Le 21/04/2004
Grain de sable
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'éclatement de l'affaire Parmalat en Italie, l'une des plus grandes fraudes de l'histoire récente du capitalisme européen, devrait conduire à une profonde réévaluation du fonctionnement du système financier. On peut craindre qu'elle restera en réalité limitée, comme le montre Bernard Marx, économiste à Confrontations Europe.


Au lendemain de l'affaire Enron des voix nombreuses proclamaient que le capitalisme européen était à l'abri de ce genre de dysfonctionnement. Et à côté de la réaction américaine, notamment la loi Sarbanes-Oxley, les réponses européennes ont fait pâle figure. Les États ont agi chacun pour leur compte, le plus souvent avec peu d'ampleur et peu d'innovation. Au niveau européen la Commission et singulièrement la DG Marché intérieur, plus directement responsable de ces questions, ont mis en débat en mai dernier une Communication sur la modernisation du gouvernement d'entreprise qui préconise un plan d'action à l'ambition limitée(1).


Bien qu'il s'agisse d'une entreprise à capital familial et industriel et non d'une entreprise "d'actionnaires" de la nouvelle économie, on retrouve dans le cas Parmalat de nombreuses similitudes avec Enron dans les montages utilisés, la chaîne des dysfonctionnements et des responsabilités. Multiplication de sociétés coquilles dans les paradis fiscaux; solides connivences avec les milieux politiques; responsabilité des banques d'affaire du groupe qui ont organisé des opérations (émissions d'obligations, montage de fusions, etc.) en se souciant de leur commission et non des garanties apportées par Parmalat; responsabilité de banques commerciales qui ont prêté de l'argent avec facilité pour éviter que les prêts déjà effectués ne soient déclassés; responsabilité des cabinets d'audit, des agences de notation incapables d'anticiper et de jouer leur rôle d'alerte et enfin, responsabilité des autorités de surveillance (Banque d'Italie pour la partie bancaire et Consob pour les marchés financiers) qui sont passées à côté du sujet!L'impact est certes moins " global " que l'affaire Enron - les marchés financiers n'ont pas été massivement déstabilisés - mais il ne faut pas le minimiser: les banques italiennes seront fragilisées par la nécessité de "digérer" des prêts non remboursés, venant s'ajouter à d'autres faillites retentissantes. Quelque 70.000 épargnants sont spoliés et l'emploi de 35.000 salariés est menacé, sans compter l'impact sur les sous-traitants et les fournisseurs. Et l'effet en terme d'attractivité des capitaux et des placements sera incontestablement néfaste pour l'Italie, mais aussi pour l'Europe.


Une fois l'affaire déclenchée, le gouvernement italien a réagi sur deux fronts. Le premier a été de désigner un curateur chargé de définir un plan de sauvetage qui émerge difficilement. Le second est celui des réformes. Le gouvernement Berlusconi s'est focalisé sur la réforme de la surveillance en proposant une structure type FSA britannique à partir d'un renforcement de la Consob: mais a-t-elle fait la preuve d'une plus grande efficacité?


Créer une SEC européenne


Au niveau européen, le commissaire Bolkestein a annoncé essentiellement une proposition de révision de la directive sur l'audit pour définir des principes applicables dans toute l'UE en matière de contrôle public, de contrôle de qualité externe, d'indépendance des auditeurs, de code éthique, de transparence des sociétés d'audit et de leurs réseaux, de sanctions disciplinaires, de désignation et de révocation des contrôleurs légaux. Un Comité de réglementation de l'audit serait créé.Pour sa part le Parlement européen(2) estime que les directives sur le marché financier intégré(3) réduiront notablement, "si elles sont adoptées en temps utile et mises en oeuvre correctement, le danger de nouveaux cas comparables". Il appuie la proposition d'une révision rapide de directives "audit" et formule d'autres demandes complémentaires: le renforcement de la responsabilité individuelle des membres du conseil d'administration; la publicité de la structure des groupes; la formulation d'une nouvelle directive sur le blanchiment de l'argent.


Le scandale Parmalat montre qu'il faut aussi traiter en Europe les dysfonctionnements et les dérives frauduleuses du capitalisme dans les spécificités de la globalisation financière. Il ne suffira pas de s'en remettre à l'autorégulation, à la subsidiarité, à la compétition réglementaire et à la pression des marchés.


Il faudrait notamment être beaucoup plus actifs sur tous les chantiers de la régulation et de l'information financière, et pas seulement sur celui de l'audit (agences de notation, analystes financiers, banques d'affaires). Le Parlement européen réclame la création d'une autorité chargée d'enregistrer et de contrôler les agences de notation (rapport Katiforis). Mais la Commission a l'air peu réceptive à cette idée. De même la lutte contre les paradis fiscaux et réglementaires peut être plus activement menée en responsabilisant tous les acteurs (États, banques, professions de l'information financière et notamment les agences de notation). Il faut aussi, comme y appelle le Parlement, renforcer les moyens de la surveillance et du contrôle. Au-delà de la responsabilité de chaque État membre concernant ses structures nationales de supervision, l'Union elle-même doit mettre en place à son niveau des moyens réels de surveillance et de contrôle. Il est temps de mettre à l'agenda politique la création d'une SEC(4) européenne non pas pour remplacer les contrôleurs nationaux, mais en s'inspirant des relations entre la BCE et les Banques centrales nationales au sein de l'Eurosystème.


Mais au-delà de ces actions d'assainissement indispensables, il faut aussi interroger les critères de "valeur patrimoniale" et la conception "financiariste" de l'entreprise et non pas chercher forcément une convergence mieux conduite avec le modèle américain.


par Bernard Marx, économiste à Confrontations Europe

article paru dans La Lettre de Confrontations Europe n°66


(1) Cf. L'Option de Confrontations n° 19: Vers des identités européennes d'entreprises, janvier 2004.
(2) Résolution adoptée le 10 février.
(3) Directive abus de marché, directive prospectus, déjà adoptées; directive transparence et directive sur les services d'investissement.
(4) Securities and Exchange Commission (SEC américaine).

 
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