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(par Geneviève Azam, membre du Conseil scientifique d'Attac France), article paru dans Politis n°776. Le libéralisme repose d'abord sur la reconnaissance des droits naturels de l'Individu et l'égalité de ces droits. Il définit un Individu abstrait, autonome et émancipé des communautés traditionnelles. Le libéralisme politique consiste alors à penser la meilleure forme de gouvernement : comment faire société avec des individus, atomes à la fois étrangers et semblables?


Libéralisme économique et communautarisme

Le 04/02/2004
Grain de sable
l


e libéralisme repose d'abord sur la reconnaissance des droits naturels de l'Individu et l'égalité de ces droits. Il définit un Individu abstrait, autonome et émancipé des communautés traditionnelles. Le libéralisme politique consiste alors à penser la meilleure forme de gouvernement: comment faire société avec des individus, atomes à la fois étrangers et semblables?


Il puise à des traditions philosophiques différentes qui vont toutes contribuer à la construction du libéralisme économique autour de principes essentiels : droit naturel de propriété privée, liberté d'entreprendre, liberté du commerce, principe de concurrence. Toutefois le libéralisme économique ne consiste pas seulement en des prescriptions d'organisation économique.


Il contient en même temps une vision de la société, représentée comme "société commerciale". L'individu y est défini comme naturellement orienté vers la mise en ¦uvre rationnelle de la passion du gain personnel. C'est un individu désocialisé, véritable homme sans qualité qui ne peut faire société qu'en nouant des liens marchands. La poursuite de l'intérêt personnel, guidée par une "main invisible" se substituant à l'ancienne manne céleste, conduit à l'intérêt général et réalise le Bien. La société émerge des transactions, des contrats passés entre les individus, elle n'a pas à être instituée par une instance supérieure et en particulier par une instance politique.

Le libéralisme économique donne ainsi une réponse à la question initiale concernant la meilleure forme du gouvernement: c'est le Marché qui organise prioritairement la société, quelles que soient finalement les formes de gouvernement. Le néo-libéralisme n'a-t-il pas d'ailleurs été expérimenté pour la première fois au Chili, sous Pinochet et avec l'aide de Milton Friedman, chantre du néo-libéralisme depuis les années 1950?


La mondialisation libérale, qui consiste à imposer la fatalité de la loi du Marché comme loi universelle et transcendante, tend ainsi à assigner les individus à résider dans un monde où les choix collectifs n'auraient plus lieu d'être. L'individu historique produit par le capitalisme et la société de Marché se trouve privé d'autonomie, condition première de l'émancipation et de l'émergence du politique.


Le Marché s'accorde de ce fait avec l'idéal communautaire d'un grand corps compact qui indifférencie les individus, les fusionne, en sacrifie en théorie quelques-uns pour le bien du plus grand nombre. C'est la massification confondue avec la démocratisation. Aussi, dans le "village global", déroger aux principes du Marché, chercher à s'en extraire et refuser l'injonction d'y entrer, est vu comme une déviance nuisible au progrès et à la promesse quasi-religieuse du salut de l'humanité par le libre-échange. Le moratoire européen sur les OGM n'est-il pas désigné par G.W. Bush comme responsable de la faim en Afrique? On retrouve là l'interdit de la défection, caractéristique des pensées de type communautariste.


Le ciment essentiel de cette communauté de Marché est la croyance partagée dans les bienfaits de la propriété privée et du libre-échange. Dès lors que cette croyance fondamentale est assurée, les sociétés peuvent s'accommoder d'autres formes de communautarisme: la loi du Marché peut être déclinée en fonction de différences culturelles absolutisées, instrumentalisées et marchandisées. Les revendications identitaires qui en découlent renforcent même le discours néo-libéral: face à des fractures posées comme absolues, seules les règles objectives et neutres du libre-échange et de l'échange marchand peuvent assurer la paix, selon la parole libérale.


Voilà pourquoi la démarche communautariste ne saurait constituer une réponse au néo-libéralisme. Elle s'exprime en particulier dans les mouvements religieux fondamentalistes, y compris dans leur version réformiste. Ils traduisent pour une part la détresse et la résistance de populations sacrifiées, déracinées, désocialisées. Mais ils fondent des projets de société dans lesquels la critique du néo-libéralisme ne peut aller jusqu'à la nécessaire affirmation de la liberté des humains à faire défection et choisir collectivement le monde dans lequel ils souhaitent vivre. Les textes sacrés, même relus, réinterprétés et modernisés, restent en effet le principe indépassable de ces projets. C'est bien davantage la démocratie comme projet politique, niée par le libéralisme économique et largement effondrée en Occident dans son sens fort, que les gadgets de l'économie capitaliste mondialisée, qui est contestée et vue comme corruptrice.

par Geneviève Azam, membre du Conseil scientifique d'Attac France

 
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