e quatrième Forum social mondial (FSM), prévu du 16 au 21 janvier 2004 à Mumbai (ex-Bombay), en Inde, sera un événement marquant pour le mouvement altermondialiste. Attac y participera activement.

Les forums sociaux - qu'ils soient mondiaux, régionaux, nationaux ou locaux - sont une des formes d'expression majeures du mouvement altermondialiste. Ils ont impulsé une dynamique à la définition et à la mise en oeuvre de laquelle Attac a fortement contribué dès le premier FSM de Porto Alegre (janvier 2001). Ces forums sont des moments et des espaces de débats privilégiés entre les mouvements sociaux et citoyens: les syndicats de travailleurs salariés, les organisations paysannes, les organisations de chômeurs, les associations de solidarité internationale, de défense des droits de l'Homme, écologistes, féministes, de consommateurs, d'habitants, les mouvements de l'économie sociale et solidaire, les mouvements sociaux urbains, les mouvements de jeunesse, les mouvements culturels, les mouvements indigènes, etc., s'y retrouvent. Ils y confrontent leurs pratiques de lutte contre les conséquences de la mondialisation néolibérale; ils y élaborent des propositions d'action visant à concrétiser leur refus de l'ordre injuste qui domine la planète et leur volonté de construire un autre monde.

En cinq ans d'existence, le mouvement altermondialiste a fait revivre l'espoir. Il a fait naître d'autres perspectives que celles du fatalisme et de la résignation nés des prétentions absurdes de la "fin de l'histoire" et de la "guerre des civilisations". Il a permis de mettre en lumière la véritable nature des politiques imposées par les institutions financières et commerciales internationales - l'Organisation mondiale du commerce (OMC), le Fonds monétaire international (FMI) et la Banque mondiale - et à freiner leur mise en ¦uvre. Il a participé à l'isolement des tenants des guerres préventives. Il a accentué la crise de l'idéologie libérale.

A partir des trois FSM de Porto Alegre, les forums sociaux se sont déclinés dans de nombreuses parties du monde à l'échelle locale, nationale et régionale. Le dernier en date, le Forum social européen, tenu à Paris, Saint-Denis, Bobigny et Ivry en novembre dernier, a constitué un moment clé dans l'affirmation d'un mouvement social européen porteur d'une autre vision de l'Europe et refusant la conception néolibérale défendue et mise en ¦uvre par les institutions communautaires.

Les progrès du mouvement altermondialiste n'ont cependant pas encore permis d'inverser les tendances. Les tenants de la mondialisation néolibérale sont toujours à l'offensive, et les politiques qu'ils imposent durcissent les contours d'un monde inacceptable: les inégalités sociales sont croissantes, dans chaque pays et dans le monde ; les discriminations s'approfondissent et les exclusions s'étendent ; les paradis fiscaux préservent l'impunité de la corruption et des prédations financières ; les formes de domination, particulièrement entre le Nord et le Sud, et en premier lieu par le biais de la dette, se prolongent dans des guerres de reconquête et dans une insécurité géopolitique généralisée.

Pour Attac, le Forum social mondial de Mumbai a trois enjeux principaux. Il marquera une étape dans l'élargissement des bases du mouvement altermondialiste ; il confirmera sa convergence avec le mouvement anti-guerre ; il élargira les alliances entre les mouvements du Sud et du Nord qui ont marqué la contestation de l'OMC à Cancun en septembre 2003.

L'élargissement des bases du mouvement altermondialiste est certainement l'aspect le plus important. Les forums se sont surtout développés jusqu'ici sur un axe Europe - Amérique latine, rejoint ensuite par l'Amérique du Nord, avec une plus faible présence des représentants des mouvements d'Afrique, du Proche-Orient et d'Asie. Il fallait que le FSM se déplace, se mondialise lui aussi, pour mieux tenir compte de la diversité de ses composantes. La décision de le tenir désormais alternativement à Porto Alegre et dans une autre région du monde en est la conséquence naturelle. L'extension n'est pas seulement géographique : elle est aussi sociale et culturelle. Le Forum fera appel à d'autres formes de pensée et de représentations de la mondialisation. L'appropriation plus large de la dynamique du mouvement dans de nouvelles régions du monde contribuera à son universalisme.

Le deuxième enjeu est celui du rapport entre les conflits, les guerres et l'ordre mondial néolibéral. En Inde, en Asie, cette dimension sera fortement présente et permettra au mouvement de prendre toute la mesure des stratégies de domination et de diversion à l'¦uvre, et de réfléchir aux réponses à y apporter.

Le troisième enjeu est celui de la réémergence d'une parole du Sud sur la scène politique mondiale. L'Inde, la Chine, le Brésil, l'Afrique du Sud, et les autres participants au Groupe des 21 né à Cancun ont montré à la conférence ministérielle de l'OMC qu'ils refusent un monde hégémonique où le Nord et les institutions financières internationales imposent leurs lois. Ces pays revendiquent toute leur place dans l'économie mondiale. Ils réclament, non sans contradictions, la liberté du commerce pour leurs produits, ce qui n'échappe pas toujours à une logique libérale, mais ils refusent l'hégémonie et la domination du Nord.

A Mumbai, les mouvements de ces pays du Sud et les mouvements européens et américains coordonneront leurs efforts pour peser sur leurs gouvernements respectifs afin qu'ils repoussent les oukases de l'ordre néolibéral mondial. Ils renforceront le courant de l'opinion publique mondiale qui fonde son refus d'un monde injuste sur l'affirmation d'un autre monde possible.